Et une excellente soirée de plus au palmarès déjà bien loti de la fine équipe Kfuel. L’association rennaise a, une fois de plus, eu le nez creux en combinant mardi 25 avril 2016 au Bar’Hic les prestations de Lonely Walk, Sneers et Pop.1280. Retour sur une soirée follement généreuse et à haute intensité scénique.
Sur le papier, cette soirée organisée par Kfuel au Bar’Hic le mardi 23 avril avait tout pour être mémorable. Lonely Walk, Sneers et Pop.1280 : trois formations dont les dernières galettes ont ravi nos esgourdes et dont les réputations scéniques étaient toutes au vert. Bref, ça sentait fort bon la triple branlée. Sachant d’expérience que, quand trois groupes jouent d’affilée au Bar’Hic, les concerts commencent à l’heure pour éviter le syndrome du dernier concert, nous nous pointons donc avec ponctualité pour découvrir que nous ne sommes pas les seuls à avoir fait un pronostic aussi enthousiaste.
Quand Lonely Walk démarre son set, c’est donc devant un public déjà conséquent mais un peu timide puisqu’il faudra l’invitation du chanteur pour combler le petit vide de bord de scène (bon, ça joue fort aussi). A la base projet solo de Mickael Appollinaire, le prêcheur sombre du groupe Strasbourg, le groupe est désormais un quintet composé de Baptiste Averty (synthés, leader du groupe Mabrouk), Guillaume Cassagnol (basse, joue aussi dans Magneto et Mabrouk), Yasade Lecointre (guitare et cofondateur du label Simple music experience) et Théo Delaunay (batterie et joue aussi dans panoptique et Conditionnel). Après un premier morceau relativement calme, la bande défouraille sévère avec un garage-post-punk diablement bien troussé. Il y a une rythmique à la solidité imparable, des riffs et des rafales de synthés qui tuent, la grandiloquence tendue du chant de Mickael Appollinaire… mais il y a surtout un sens mélodique désarmant d’évidence qui fait que le set file à mille à l’heure sans aucun temps mort. On retrouve avec joie les tubes de leur dernier album Teen : Common Sense, Pretty Good Looking, Licked by the flames ou encore le très intense Judgement Night qui prennent en live toute leur ampleur. Au final, le quintet nous offre la parfaite bouffée d’adrénaline pour nous préparer à ce qui va suivre.
On pourra retrouver très bientôt au même endroit Mickael Appollinaire cette fois avec son excellent groupe Strasbourg en compagnie des Ex-fulgur. ça va être drôlement chouette de pouvoir comparer ces deux prestations.
C’est ensuite au tour du duo Sneers de s’installer sur scène. Drapé dans son seyant T-shirt SunnO))), Leonardo Oreste Stefenelli s’assied derrière sa batterie agrémentée d’un joli chapelet de cymbales pendant que Maria Greta Pizza fait une rapide (mais précise) balance. Le contraste avec le groupe précédent est assez saisissant. Les deux italiens vivant à Berlin tissent avec application des ambiances lugubres et envoutantes en prenant le temps de faire monter implacablement la tension. Le jeu de batterie de Leonardo n’est certes pas le plus précis que l’on ait pu apprécier mais une fois que l’on s’est laissé happer dans les méandres de leur post-noise-rock labyrinthique l’intensité du bonhomme prime. Le son de guitare aquatique et le chant fiévreux et possédé de Maria nous évoquent aussi bien les débuts de Sonic Youth que les lillois de Drive With a Dead Girl. Un set superbement labyrinthique dont le pouvoir de fascination n’a fait que grandir au fil des morceaux. Que ce fut bon de se perdre dans leurs méandres.
C’est le camarade Lester Brome qui gère les ambiances entre les groupes avec un sérieux impérial. En bon renard des platines, il nous décoche un contraste osé juste derrière la prestation de Sneers. Il nous enchaine le délicieux Tangerine du dernier album de Christophe (avec rien de moins qu’Alan Vega en guest) avec le tout aussi tubesque Moe de Balladur. Les allergiques aux synthés trop pop tiquent, nous on apprécie le tour de passe passe.
Quand on tire son nom d’un formidable roman noir de Jim Thompson construit comme le monologue intérieur d’un shérif de patelin faussement benêt et véritablement psychopathe, il faut se montrer à la hauteur de l’humour noir ravageur du livre. Signalons au passage que le roman vient de ressortir chez Rivages dans une nouvelle traduction et sous le titre : Pottsville, 1280 habitants et qu’il faut impérativement avoir lu ça dans son existence. Les new-yorkais de Pop.1280. ont largement su se montrer au niveau de leur patronyme sur disque. Qu’allait-il en être sur scène ?
Le set démarre par le même enchainement que Paradise, leur dernier album sorti chez Sacred Bones début 2016. L’électrique et lancinant Pyramids On Mars et sa rythmique implacable et claudicante est suivi par le foudroyant Phantom Freighter. D’un électrifiant riff suraiguë Ivan Lip sonne la charge pour l’hallali. Avec Pop.1280, pas de pitié ni de fioritures mélodiques. La musique du quatuor s’adresse d’abord aux tripes et à notre cortex reptilien. Les prédications infernalement rauques d’un Chris Bug emphatique et déchainé planent comme l’ombre de la mort sur les boucles de synthés vicelardes de la discrète mais redoutable Allegra Sauvage, la batterie féroce d’Andy Chugg et les riffs de guitare corrosifs à l’extrême de Lip. Dès le second morceau le Bar’Hic entre en fusion et le public tangue avec délectation dans une chaleur suffocante tout le long d’un set survolté. Au milieu de ce savoureux chaos, on reconnait le riff étourdissant d’USS ISS et on beugle à s’en rompre les cordes vocales le refrain imparable d’In Silico (I dream in infra-red !). Histoire d’achever d’avoir la classe, le quatuor termine le premier round avec le monstrueux Step Into The Grid, un titre de leur 2ème EP de 2011 semble-t-il expressément demandé par la team Kfuel. Ils reviendront ensuite pour deux titres brefs et volcaniques avant de conclure l’affaire sur une assourdissante boucle synthétique.
On s’attendait à une triple claque et c’est bien ce que nous avons eu. Merci à Kfuel, au Bar’Hic, aux groupes et au public nombreux et bigarré d’avoir conjointement participé à faire que cette date rejoigne notre liste gravée en lettres d’or sur marbre de carrare des soirées de concerts les plus foutrement jouissives.