Noire est la Ville – Rencontre avec Ripklaw fondateur du label Noircity

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Rencontre avec Ripklaw, Mc et fondateur du label Noircity. Nous reviendrons avec lui sur son label, les diverses pistes artistiques explorées, le nombre d’artistes rennais présents sur ce label mais aussi sur des aspects plus structurels de cette nébuleuse de talents.

Entretien avec Ripklaw

Alter1fo: Salut ! Dans un premier temps, peux-tu te présenter ainsi que le label ?

Ripklaw : Alors, je suis Ripklaw, MC depuis maintenant une vingtaine d’années et donc fondateur du label Noircity, qui est un label artistique (mais aussi un peu plus que ça) dont les enjeux principaux, pour faire court, sont l’indépendance, la qualité, l’originalité et le sens de l’esthétisme et de l’alternative.

Si nous vous avons sollicité, bien que la qualité du catalogue mérite largement un article, c’est avant tout pour parler du nombre de figures rennaises que vous signé sur ce label. Quelles sont les raisons qui vous ont amenés à travailler avec eux ?

Déjà merci pour la « qualité globale du catalogue »  ! C’est vraiment un point sur lequel on va continuer de pousser sur ces prochains mois, mais à un niveau au-dessus, encore, je l’espère. Concernant les Rennais de l’écurie, le premier, James Lega, est là depuis le début du label. Je le connaissais d’une collaboration commune pour le webzine Stereotree que j’ai co-fondé. J’estime qu’il a des qualités et une vision qui en font un artiste intéressant et j’avais envie de lui donner de l’exposition. De plus il est à la fois MC et beatmaker, et touche au graphisme ou à la vidéo, ce qui correspond tout à fait à l’état d’esprit du label, qui se veut autonome et polyvalent. Quand à Alexel & Ledaw, ils nous ont rejoints récemment. La connexion s’est faite par James et s’ils ont débarqué en tant que duo, c’est plutôt en solo que la suite arrive. Ce sont deux MC’s solides aux univers intéressants. Et vous pourrez vous en rendre compte prochainement sur l’EP de Ledaw, Hephaïstos (prévu pour Avril prochain) qui, on l’espère, va surprendre! Mais surtout, la raison de leur venue au sein de Noircity, c’est un certain esprit d’ouverture et d’expérimentation qui rejoint celui du label.

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Les artistes que vous signez se scindent en deux partie : les beatmakers et les Mc’s. Si vous avez fait ce choix, c’est juste par pure coïncidence ou pour fédérer une émulation de création entres les différents acteurs ?

Alors, c’est d’abord un choix logique pour moi. Je suis MC, mais j’ai toujours mis en avant le beatmaking et la scène Beat française, notamment au sein du webzine Stereotree. Il était donc logique de poursuivre cette idée au sein d’un label. Ensuite, c’est aussi une façon de posséder une quasi totale autonomie, dans le sens où les MC’s ont une bonne demi-douzaine de beatmakers pour leur produire des sons, et vice versa. Il y a effectivement une forme d’émulation qui pousse chacun à donner le meilleur de soi, mais aussi à apprendre des autres. C’est aussi une manière d’attirer deux publics proches mais parfois différents et encore une fois de prôner une certaine ouverture musicale, un certain avant-gardisme…

Pour avoir souvent travaillé avec des artistes hip-hop, nous savons que les délais et les timings, ce ne sont pas leur truc. N’est-ce pas trop difficile de créer une émulation et de sortir des projets dans les temps ?

Alors, c’est effectivement un gros sujet entre nous, d’autant plus que nous ne sommes pas des artistes à plein temps pour la plupart, et que les réalités de la vie quotidienne nous rattrapent aisément. Mais effectivement, tenir une deadline, c’est l’ennemi principal de l’artiste Hip Hop, et on rencontre ce genre de souci au sein du label. Le meilleur exemple, pour être transparent avec toi, c’est le projet d’Artik, qui prend du temps, parce qu’Artik a un taf, parce qu’il est investi dans le End Of The Weak, parce qu’on bosse à la fois les morceaux et les clips. Mais c’est aussi pour sortir quelque chose à la hauteur de nos ambitions artistiques. Maintenant, il est clair que tenir des deadlines fait partie des impératifs à considérer à l’avenir pour nous, afin de passer à l’échelon supérieur. Le plus important reste surtout de sortir des projets dont on puisse tous être entièrement satisfaits et qu’on puisse être fier de présenter au public.

Est-il difficile à l’heure actuelle de pérenniser votre activité ?

Concrètement, nous ne sommes pas vraiment dans ce genre de problématique. Comme tu as dû le constater, la majorité de nos projets sont gratuits ou presque, et beaucoup de choses sont faites en interne (enregistrement, mix, 0001846809_10clip, etc), donc on a peu de dépenses. Il arrive quand même qu’on injecte un peu de budget pour les clips, sans forcément récupérer cet argent… Néanmoins, le but étant d’aller plus loin et de faire des projets encore plus aboutis, le physique va arriver et c’est aussi pour ça que, par exemple, on vend du t-shirt, afin de financer les projets à venir. J’en profite pour remercier tous ceux qui supportent le label ou ses artistes en achetant ces tees ou certaines de nos sorties. C’est vraiment un moteur pour nous. Pour compléter sur ce sujet, on risque fortement de faire appel au système de crowdfunding pour de prochains projets. Mais concrètement, l’argent n’est pas un but en soi au sein de Noircity, même si ça reste un moteur non négligeable.

Peu de vos albums/EP sortent en physique (vinyles/tape/cd), est-ce un choix ou un fatalité?

Alors, pour rebondir sur ce que j’ai dit avant, c’est à la fois un choix et une fatalité. Choix, car on reste plus ou moins confidentiel, et sortir prématurément du physique aurait pu s’avérer être une affaire peu rentable pour nous. Fatalité, parce que justement, les moyens manquent, nous ne sommes ni rentiers, ni touchés par le buzz. Mais encore une fois, l’avenir proche de Noircity réside dans le physique et je pense pouvoir annoncer qu’au moins 3 ou 4 projets devraient connaître un support physique (limité ou non) dans les mois à venir, si tout se passe bien.

La question que tu aurais aimé que l’on te pose? et y répondre !

Haha, ce genre de question piège! Alors, peut-être : quelle est la signification de « Noircity »? Ce à quoi je répondrai en disant que le City est une métaphore, une sorte de ville artistique, une nébuleuse, dans laquelle se retrouvent un certain nombre d’artistes qui construisent quelque chose, les uns à côté des autres, et pas forcément ensemble. Car nous ne sommes pas un collectif, plutôt une écurie, un roster. Le Noir, lui, symbolise une forme d’indépendance, le fait de n’appartenir à aucun clan, ni réseau, si ce n’est le nôtre, un peu comme les Chevaliers Noirs au Moyen-Âge. Noircity, c’est une idée qui dépasse la musique. On souhaite amener une autre manière d’être et d’agir, loin des codes balisés par ce milieu ou cette société. C’est une proposition, une réflexion par rapport à l’importance de l’argent, de la célébrité (les vues, les « like », etc), essayer de remettre l’œuvre en avant et de briser les codes et les carcans. Mais c’est compliqué à appliquer au quotidien, soyons francs. Et le label n’étant pas une secte (quoique… haha!) tu pourras très bien avoir des tracks bassement matérialistes qui circulent. Mais attention à ne pas tout prendre au 1er degré non plus.

Quels sont les futurs projet à venir ?

Alors, il y en a pas mal, puisque ces dernières semaines ont été assez calmes. D’abord il y a plusieurs projets instrumentaux tout prêts de sortir, à savoir ceux de Dasuun (D&N), de James Lega (六), de Travis Brickman (Dark Light) ou d’Ikaz (Real Things). Ensuite il y aura des plus gros morceaux, à commencer par l’EP de Ledaw, Hephaistos, sur lequel on bosse activement, le maxi d’Artik, Goldchain, produit par Brickman, et encore un petit peu plus tard le premier EP de The Waters, qui risque de faire parler. Et à titre personnel, je sortirais mon album, Abîmes, avant l’été, je l’espère. On devrait aussi avoir des nouvelles de Jeebrahil, Alexel, Tayreeb et compagnie… Sans compter les projets artistiques mais non-musicaux de nos deux photographes, Gael Rapon et Hanamatsuri et des nouveautés au rayon textile et goodies!

3 groupes de hip-hop, 3 groupes de rock, 3 groupes d’electro ?

J’adore les tops mais s’en tenir à 3 noms c’est compliqué quand même! Je vais donc citer des noms qui tournent le plus ces dernières années chez moi plutôt que de citer les légendes ultimes.

3 groupes de hip-hop/rap : Là je pourrais en citer trop (Common, Slum Village, Rakim, Mos Def, etc…) mais je vais faire dans le très contemporain: – Kanye West: que je considère comme un génie avant-gardiste, peu importe les frasques de l’homme, ce mec bouleverse les codes et ramène la notion d’art dans le Hip Hop. – Kendrick Lamar: une autre évidence, mais au delà de la hype, on a la un type avec des lyrics puissants et pleins de sens, en parallèle avec une musicalité et un flow hors-norme. Passer à côté serait une erreur. – Pusha T: parce qu’en terme d’attitude, de charisme, de flow et d’univers, il est ultime pour moi. C’est ciselé et tranchant. Incontournable.

3 groupes de rock : Rock pur et dur, ça va être compliqué pour moi, donc je vais être « large » dans ma conception du Rock et aller vers d’autres horizons! – The Black Keys: difficile de passer à côté, ce n’est pas un choix très original, mais franchement, ce côté Blues crasseux me cause et leur Black rock défonçait tellement… – Grand Blanc: c’est un groupe de Metz, pas encore très connu, mais dont j’aime beaucoup l’univers, très New Wave torturée… – Woodkid: bon c’est pas forcément du rock, mais il est un peu multi-genre alors ça passe… Pour moi, au delà de la hype autour de lui, ce type correspond à mon idée d’un artiste complet, total, qui gouverne chaque détail de son œuvre et de son univers, et qui possède une vision très précise de ce qu’il veut amener.

3 groupes d’electro : Je vais faire large aussi: – Tangerine Dream: alors, ça date, c’est pas forcément électro au sens où on l’entend aujourd’hui, mais c’est le genre de sonorités atmosphériques qui me parle totalement. – James Blake: c’est mélancolique et très calme, voire romantique, et je me retrouve beaucoup là-dedans… – Baron Retif & Concepcion Perez: c’est assez unique, hypnotique et lancinant, ça m’emmène loin. Parfait en live comme sur album!

Le mot de la fin ?

Noire est la Ville.

Liens

Facebook de Noircity : Ici

Bandcamp de Noircity : Ici

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