Une classe de CM2, un meurtre. Vingt-cinq après : une jeune femme qui cherche désespérément à comprendre pourquoi sa mère est morte. Un policier semi-amnésique. Un secret de famille. Voilà en quelques mots le fil rouge du 9è polar de Elisa Vix. Court mais diablement efficace !
Voilà un polar court et incisif qui se dévore en une après-midi nuageuse. Adèle Lemeur est une jeune femme obstinée. Elle cherche à comprendre pourquoi sa mère, institutrice fort appréciée de ses élèves, a été tuée dans sa classe de CM2 il y a vingt-cinq ans. Manuel Fereira, était dans cette classe. Devenu flic, il peut apporter à Adèle des informations sur ce qui s’est passé. Du moins, c’est ce qu’elle pense quand elle l’aborde avec un prétexte journalistique fallacieux. Et comme ce dernier n’est pas insensible aux charmes de la demoiselle, l’alchimie va prendre.
Lui, il reste traumatisé par cet épisode de jeunesse. Non seulement sa maîtresse préférée est morte sous ses yeux mais son meilleur ami aussi. C’est Ladji qui aurait tenu le flingue, Ladji qui parvient à échapper à la police, Ladji qui se fait renverser par une moto et meurt devant l’école. Double drame. Aider Adèle Lemeur, c’est donc une façon pour Manuel Fereira d’exorciser ce traumatisme.
Mais cette enquête, c’est une boîte de Pandore. Adèle ouvre une plongée sans précédent dans son couple qui va voler en éclat, dans sa famille dont les contours prêtent à sourire tant les descriptions sont acides : « Mes soeurs… Deux ans après la mort de maman. Papa épouse Eva, une prof de fitness. Son seul atout, c’est sa plastique. Six heures de gesticulations sur des musiques syncopées, ça vous forge un fessier, et détruit un cerveau. Si mon père a voulu une nouvelle femme qui ne lui rappelle pas la première, c’est réussi. Eva est bête comme ses pieds. La preuve, elle le quitte cinq ans plus tard. Le temps tout de même de nous encombrer de deux gamines, me condamnant un dimanche sur deux aux jacasseries et criailleries de ces deux pestes. Aussi stupides, égocentriques et superficielles que leur mère. La preuve, elles deviennent profs de samba. Toutes les deux ! » (p. 39).
Pour Manuel, même chose. Les zones d’ombre s’éclairent puis s’obscurcissent : dissimulations et mensonges dans l’enquête policière de naguère, non-dits chez les témoins… Sa famille aussi vole en éclats. Son frère, dans le coma après un accident de moto, enfermé dans un locked-in syndrome, l’implore de mettre fin à ses souffrances. En face, sa mère a oublié toute rationalité et s’oppose au « débranchement ». Manuel se perd momentanément dans les bras d’Adèle… ou dans le judo, au grand dam de cette dernière : « J’abhorre le sport, et en particulier la compétition. Des hommes et des femmes se mesurent à d’autres hommes et femmes, pour quoi ? Le dépassement de soi ? La gloire ? le patriotisme ? Plutôt deux minutes de projecteurs et une médaille en chocolat… Et au final, la santé bousillée.« (p. 49)
Un roman court mais intense. Les phrases sont incisives (sujet, verbe, complément, point). L’auteur va à l’essentiel, non sans humour noir : « Son bonheur fait peine à voir, c’est celui du cancéreux qui ignore la gravité de son mal et se réjouit d’un rayon de soleil ». Les chapitres s’enchainent, alternant les voix de Manuel et d’Adèle. Le duo reconstitue le puzzle de cette histoire labyrinthique et tout s’assemble, faisant exploser les façades familiales, dévoilant des secrets trop enfouis, pour le meilleur et pour le pire…
A lire assurément en 2h de temps !
Résumé sur le site de l’éditeur :
Manuel Ferreira est flic. Lorsqu’une jeune femme lui demande une interview au sujet des effectifs de la police, il est surtout sensible à son charme. Mais quand elle dégaine une photographie prise vingt-cinq ans plus tôt, ce sont ses pires souvenirs qui remontent à la surface. Adèle Lemeur n’est pas journaliste, mais chercheuse en médecine. Surtout, elle est la fille de Marie Moineau, l’institutrice tuée dans sa salle de classe de CM2, devant ses élèves, devant Manuel qui n’a jamais oublié cette scène terrible, qui est peut-être devenu flic pour l’exorciser.
Adèle veut comprendre pourquoi sa mère est morte. Et Manuel est le seul à pouvoir l’aider, à retrouver ces copains d’avant qui furent témoins du crime. Il dit oui. Pour la revoir. Pour son malheur. Parce qu’il vient de tomber amoureux de la seule femme qu’il n’a pas le droit d’aimer.
Dans un roman incisif comme elle en a le secret, Élisa Vix conduit son héroïne sur le chemin d’une vérité qui va la prendre au piège. Vingt-cinq ans ne suffisent pas à refermer des plaies ni à colmater des mensonges. Et si Adèle avait vraiment été enfermée dans une tour de silence pour son bien ? Et si ça n’existait pas, des familles sans histoire ? À son corps défendant, Adèle va aller bien plus loin qu’elle ne l’aurait imaginé.
Assassins d’avant / Elisa Vix
Editions du Rouergue – collection Rouergue Noir
Parution : septembre 2017
176 pages
18,00 €
ISBN 978-2-8126-1438-5