Mythos : Emma la Clown exp(l)ose la science !

2011-04-16-Emma_la_Clown-MYTHOS-Alter1fo-1Des spectateurs qui repartent dans les rues de Saint Jacques of The Lande avec des sourires jusqu’aux oreilles en sortant de l’Aire Libre, c’est un signe, visible, qui ne trompe pas. Emma la Clown a fait rire, rire pendant plus d’une heure une salle comble de festivaliers. Et tout ça, en s’intéressant à dieu (sans majuscule) et à la science !

Meriem Menant était déjà venue l’année dernière à l’Aire Libre avec son spectacle « Emma la Clown sous le divan » où elle questionnait la psychanalyse de façon déjantée. Une partie du public avait déjà suivi ses aventures et s’était promis de ne pas manquer sa nouvelle venue. D’autres, comme nous, découvraient Emma la Clown pour la première fois. Et tous à la sortie, néophytes comme pratiquants (l’emploi impropre du terme nous sera pardonné du fait du sujet traité) repartent hilares. Car Emma est revenue cette année avec une nouvelle interrogation : dieu existe-t-elle et comment le prouver ?

Nous voilà donc avec la clown, son nez rouge et sa jupe plissée, catapultés en plein laboratoire. Emma a revêtu la blouse blanche afin de commencer sa quête scientifique périlleuse. Bien sûr, son laboratoire est plein de drôles d’instruments : un réfrigérateur qui aimante les canettes, un agrandisseur de photo argentique, un grand tableau noir ou un vieux téléphone… Et puis le bureau d’Emma, la scientifique, qui justement doit appeler l’observatoire de l’Axe de Rotation de la Terre. Elle les contacte en effet pour leur demander de déplacer l’axe de quelques degrés. Dès lors, cette scientifique-là nous apparaît bien déjantée.

2011-04-16-Emma_la_Clown-MYTHOS-Alter1fo-2Mais peu importe finalement, qu’elle ne soit pas écoutée de ses confrères. Car, nous explique-t-elle, ce soir nous allons participer tous ensemble à une grande expérience. « Je dis pas que le dieu, il existe pas… Mais je dirais pas qu’il existe tant que je l’aurais pas trouvé. C’est pourquoi je t’invite à venir me regarder le chercher, et grâce à la science, on le trouvera ou pas, c’est ouvert. » Et comme on ne voit pas Dieu, c’est donc qu’elle est dans l’invisible. L’invisible, pour la scientifique, c’est l’infiniment petit dans le monde de la matière (ou l’infiniment grand, c’est la même chose, finalement).

Mais Emma le voit bien, son public n’est pas au niveau, question connaissances scientifiques. Il va donc falloir qu’elle nous aide à nous y retrouver. La voilà donc qui nous explique le big bang, la théorie de la relativité ou le concept d’espace-temps avec ses paraboles farfelues et déjantées. Le plus drôle et étonnant, c’est que la comédienne a commencé par rencontrer des chercheurs, par visiter le C.E.R.N., le synchrotron à Grenoble ou le Very Large Telescope au Chili afin d’écrire son nouveau spectacle. Elle a tenté de comprendre les théories scientifiques afin de mieux nous les exp(l)oser. Le jargon scientifique, qu’elle a progressivement intégré, est lui aussi dynamité tout au long de la pièce.

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On assiste ahuris et totalement hilares à ces calculs fous sur le grand tableau blanc qui nous rappellent ces professeurs de physique un peu fous qu’on a (presque) tous croisés durant notre scolarité. Elle a aussi besoin du public dans cette quête scientifique effrénée (mention spéciale à Simone et Thomas hier soir, qui durent répondre à des interros surprise, envoyer des ph(l)otons à travers la galaxie ou participer aux calculs de durée en année lumière…). Car Emma est un clown. Qui doit nous étourdir de rire. Tout au long de la pièce, elle fait montre d’un sens du rythme stupéfiant. On tombe d’un éclat de rire dans un autre. On a juste le temps de se ressaisir que de nouveau, la tornade Emma repasse et nous catapulte dans une nouvelle dégringolade de rires.

C’est aussi renforcé par les trouvailles de mise en scène. On ne dévoilera pas tout. Mais quelques « pauses clope » ou vidéos diffusées sur des supports à chaque fois différents ou des accessoires tombés du ciel (ou venus du réfrigérateur) renforcent le rythme de la pièce. De la même façon, on admire la gestion de l’espace. Qu’il s’agisse de ce tableau noir qui capte l’œil, du tuyau d’aspiration qui deviendra grand accélérateur de particules qui « borde » le bureau de la scientifique en hauteur ou de ce réfrigérateur multi-fonctions. Ou bien des déplacements d’Emma : recroquevillée avec sa cigarette, debout sur son bureau, domptant le tuyau d’aspiration, se déplaçant sur le sol avec des semelles de plomb ou réglant la hauteur de son microscope-agrandisseur. On a toujours les yeux écarquillés.

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Les oreilles aussi, car la comédienne nous passe du « Bach » (!), chante une aria avec une très belle voix lyrique qui en surprend plus d’un dans la salle. Ou épate par son talent de comédienne en travestissant sa façon de parler selon qu’elle a, ou non, une dent en moins. Meriem Menant a du talent à revendre. Mais pas seulement un talent comique. Être clown, explique-t-elle, lui « permet d’aborder des sujets d’actualité et de société sérieux, mais des sujets aussi plus oniriques, de la poésie à travers des textes, du chant et/ou de la musique. » On soulignera les répliques d’Emma la Clown, dans son laboratoire, confrontée aux limites de son instrumentation scientifique, ou bien forcée de donner de sa personne (au sens propre) pour mener ses expérimentations : « il n’y a vraiment plus de budget pour la science » .

Mais c’est aussi, et surtout peut-être, parce que Meriem Menant n’a pas oublié que l’univers du clown reposait sur la réunion du clown blanc avec l’Auguste. Interrogée sur la genèse du personnage d’Emma, la comédienne expliquait : « avec un ami américain, on a créé un duo musical qu’on jouait dans le métro, lui jouait du ukulélé, moi du xylophone. Pour rendre le spectacle plus attrayant on s’est habillé en clowns, lui clown blanc, et moi l’Auguste. Le personnage est né là, devenu « Emma » en 1991, quand je suis partie en solo, j’ai alors réintégré la part de clown blanc à l’Auguste » .

Sans faire de bruit, au détour d’une réplique, ou dans une scène finale étoilée, Emma interroge sur la solitude. Entre les éclats de rire, pendant la pièce, on entend progressivement que Georges, le copain du colloque, elle l’aimerait bien près d’elle. Bien sûr, c’est fait avec retenue, avec mesure. Par petites touches dans cette grande dégringolade d’éclats de rire. Emma parle à nos « archaïsmes » , à ces enfants, à ces adultes que nous sommes en même temps. Et la comédienne d’ajouter :  « Emma, c’est une introspection sur l’humain et sa solitude » .  Alors, bien sûr, au milieu des étoiles, on se sent parfois bien seul.

Heureusement Emma la Clown est là pour nous y rejoindre.

Photos : Caro

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Dieu est-elle une particule ? d’Emma la Clown à l’Aire Libre sera encore présenté dimanche 17 avril à 17h dans le cadre du festival Mythos.

Aire Libre, 2 place Jules Vallès, Saint Jacques de la Lande

Festival Mythos 2011
Du 12 au 17 avril
infos et programmation complète :
www.festival-mythos.com

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