Après Les Résidents d’Emmanuelle Hiron en 2015, qui avait su toucher fort et marquer durablement (voir notre rencontre ici), on est tout autant ravis qu’extrêmement impatients de retrouver la comédienne et la Cie L’Unijambiste à l’Aire Libre dans le cadre du festival Mythos les jeudi 6 et vendredi 7 avril. Cette année, c’est avec Le fils, une nouvelle création, que reviennent David Gauchard et son équipe. Et là encore, on risque d’être profondément remué.
Le Fils ©Léonid Andréïev
Parfois, les points de départ à la création d’un spectacle émanent de nos quotidiens. C’est ce qui s’est passé pour David Gauchard, à Rennes justement. « Deux évènements ont déclenché en moi la nécessité de travailler sur ce sujet aujourd’hui : – le jour où il m’a fallu présenter une pièce d’identité pour aller récupérer ma fille à l’école maternelle en face du TNB car la rue était bloquée à cause des manifestations de Civitas à l’occasion des représentations du spectacle de Roméo Castellucci Sur le concept du visage du fils de Dieu. – le suicide en juin 2014 de Peter, jeune gay, membre de l’association Le Refuge. Après des années à mettre en scène des œuvres du répertoire, j’ai ressenti l’urgence de parler des clivages qui sous-tendent notre société, de toutes ces haines qui deviennent ordinaires » confie ainsi le metteur en scène à la Scène Nationale de Chambéry et de la Savoie.
Il opte donc pour un monologue féminin, qui mettra à jour une dérive, une pente, un penchant. Vers le rose layette glaçant de la Manif pour tous (et autres mouvements pro-life), bien loin des arcs-en-ciel à huit couleurs. Il en confie l’écriture à Marine Bachelot Nguyen, belle auteur de théâtre engagé, chargée de mettre en mots ce glissement idéologique d’une mère de famille, pharmacienne, issue de la petite bourgeoisie provinciale, qui par besoin d’inclusion/ascension sociale, trouve progressivement sa place auprès de catholiques traditionalistes et intégristes, glissant alors vers un militantisme de plus en plus exclusif. Excessif. Dans lequel elle s’épanouit. Avec aussi, peut-être un effondrement, un drame familial, qui tendent encore davantage ce monologue qu’on pressent aussi remuant qu’essentiel. Car le portrait dressé par les paroles de cette femme (apparemment) bien rangée (incarné donc par la si juste Emmanuelle Hiron) dérange. Questionne.
Comment est-ce qu’on bascule ? S’agit-il d’ailleurs d’un basculement ou plutôt d’un glissement ? Avec un texte, une mise en scène, qui montrent mais ne se posent pas en juges, David Gauchard et Marine Bachelot Nguyen essaient de mettre à jour les mécanismes de ce glissement idéologique, font confiance à la salle pour se saisir de ces questions. Volontairement d’ailleurs, en amont/en écho des futures élections. Avec, en plus, comme bien souvent, chez l’Unijambiste, une musique, ici au clavecin, dont la partition a été confiée à Olivier Mellano, qui vient se glisser entre les plis du texte. Rapprochant la pièce de l’actualité electorale, on laissera d’ailleurs les derniers mots au musicien qui concluait sa newsletter d’avril par ces mots : « Mais, même si l’on doute que ce soit entièrement à la hauteur de nos idéaux, nous essaierons de viser juste, à l’endroit du cœur, en espérant le miracle d’un retournement ou d’un rassemblement qui nous épargnerait le dégradé de haine, d’obscénité, de cynisme en embuscade. Et, plutôt que de se résigner, continuer d’envisager le miracle fût-ce un mirage. »
Mythos présente Le Fils par David Gauchard le jeudi 6 avril 2017 et le vendredi 7 avril au Théâtre L’Aire Libre (2 place Jules Vallès – Saint-Jacques-de-la-Lande)
Tarifs – Plein tarif : 15 € / Tarif réduit : 12 € / Tarif VIF : 10 €
Texte de : Marine Bachelot Nguyen
D’après une idée originale de : David Gauchard
Mise en scène et scénographie : David Gauchard
Avec : Emmanuelle Hiron et Zacharie Brunel (enfant claveciniste)
Collaboration Artistique : Nicolas Petisoff
Création lumière : Christophe Rouffy
Régie lumière : Alice Gill-Kahn
Création sonore : Denis Malard
Musique : Olivier Mellano
Enregistrement clavecin : Bertrand Cuiller
Voix : Benjamin Grenat-Labonne
Réalisation du décor : Ateliers du Théâtre de l’Union
Production & Administration : Agathe Jeanneau & Maud Renard
Diffusion : La Magnanerie / Julie Comte & Victor Leclère