Si vous vous demandez pourquoi le 9 octobre, plus d’une vingtaine de personnes se promenaient sur le parvis du 4BIS avec un ananas sous le bras et le sourire jusqu’aux oreilles, on a la réponse. Le festival Maintenant invitait le studio Playtronica à une performance pour le moins inattendue : un concert d’ananas dans une salle comble/comblée. Explications.
L’ambiance du festival a franchement rajeuni cette fin d’après-midi, mais pas que puisque loupiots collés devant la scène côtoient têtes chenues, étudiants venus en nombre et parents enthousiastes ce mercredi 9 octobre au 4BIS. Une chouette réunion de publics différents rassemblés par la facétieuse équipe d’Electroni[k] (les doux dingues responsable du festival) avec cette proposition pour le moins intrigante au peps de guedin. Les drôles de zébulons de Playtronica qui se partagent entre Paris, Moscou et Berlin ont en effet choisi de jouer leur musique sur 16 ananas ! (Ou du moins c’est ce qu’on croyait… Parce qu’en réalité c’est plutôt 24 fruits si on a bien compté.)
Aussi quand on se faufile dans la salle sombre du 4BIS, c’est jus d’ananas offert à volonté, ce qui commence tout de suite par ravir les papilles tandis que les plus minots, pailles recyclables au bec, se fraient un chemin jusque tout devant la scène. Au dessus-d’eux, une table surmontée d’ananas, donc, un micro et un grand écran en fond de scène. On se souvient du concert survitaminé du Vienna Vegetable Orchestra sur l’édition du festival de 2010 où ces formidables frappadingues autrichien.ne.s jouaient de flûtes-carottes, d’autoroutes KraftweRkiennes avec des aubergines et accordaient leurs instruments (que des légumes, vous l’avez compris) aux couteaux (avant d’inviter tout le monde à la soupe après). Mais si nos Autrichien.ne.s jouaient de la musique avec des légumes sculptés et amplifiés, c’est un poil différent avec le collectif Playtronica. Rassemblant musicien.ne.s, ingénieur.e.s et designers, la bande crée des installations interactives autour de la musique et des sens. Et privilégie le toucher comme mode d’interaction.
Pour tous ceux.toutes celles qui en ont ras la cacahouète des musicien.ne.s électro qui délivrent leurs lives planqué.e.s derrière leur laptops, cette étrange proposition était sacrément rafraichissante. Avec ces joyeux drilles et quelques pinces crocodiles, tout peut en effet devenir instrument : des plantes, des dessins, les objets quotidiens tel le savon de votre colocataire, la surface de l’eau de votre verre, ou même la peau de votre voisin.e ! Playtronica transforme n’importe quel objet ou personne en capteur tactile pour produire un son, autrement dit en instrument de musique par le toucher. L’idée étant de favoriser un rapport plus organique avec le son, inspirer la créativité et l’esprit DIY. Les trois commencent pédagogiquement leur premier morceau en laissant découvrir les différentes sonorités associées à chaque ananas et même à chaque instrumentiste : à droite, l’un se charge des rythmiques en frappant délicatement les feuilles des 8 ananas dressés devant lui, à gauche, l’autre joue des basses et des samples vocaux de la même manière, tandis qu’au centre, la musicienne se charge des mélodies aux ananas-synthés et du chant (au micro, faut pas exagérer). Aussitôt, ça écarquille fort les yeux devant nous et ça sourit jusqu’aux oreilles.
Il faut dire que les mélodies sont en même temps pimpantes, pétillantes, plutôt simples dans leurs sonorités mais toujours joyeusement allumées, créant des symphonies d’électro légères et ludiques un tantinet secouées et forcément vitaminées mêlant aussi bien rythmiques hip hop ou house, à quelques passages plus abstraits ou à une jovialité clubbing des plus rafraichissantes. Une électro malicieuse étonnamment aussi synthétiques qu’organique ! En arrière-fond, un quadrillage minimaliste en noir et blanc en 3D défile avec des objets tout aussi minimalistes et stylisés. Jusqu’au troisième morceau, où les objets sont mêlés aux stars de la soirée : des ananas qui tombent du ciel, qui glissent avec une nappe, qui se déplacent en tous sens pour un clin d’œil facétieux tout à l’image de cette performance joyeuse et décalée.
Les ananas sont équipés de capteurs interactifs permettant au trio de fermer les circuits électriques simplement par contacts avec leurs doigts pour lancer leurs sons. Choisis pour leur stabilité voire leur robustesse (notamment quand on souhaite développer une rythmique -imaginez avoir choisi une tomate) et leur exotisme un rien cliché, les ananas produisent chacun des sons différents. Utilisant le principe de conductivité de l’électricité par le corps humain et des objets organiques, un contrôleur midi associé à diverses notes et des synthés en ligne, la performance est réellement tout aussi musicale que visuelle. D’autant quand pour faire contact, les zigues choisissent non pas de taper sur l’ananas, mais dans la main ou sur le front de leur camarade.
Ajoutez à ça une énergie pétillante, un sourire communicatif et un délicieux accent russe, et tout le monde passe un chouette moment. D’autant que les trois musicien.ne.s, sans jamais se prendre au sérieux (mais avec une réelle dextérité, tant les regards et l’écoute les un.e.s des autres trahissent la réelle concentration), jouent également avec facétie : quand la musicienne joue au chef d’orchestre et marque la fin du morceau de ses gestes, ses deux compagnons continuent à jouer plusieurs mesures ; lorsqu’ils tentent les contacts mains à mains ou en tapant sur les fronts, des évitements et autres contacts impromptus font rire petit.e.s (et moins petit.e.s).
On aura pour notre part une tendresse particulière pour la désopilante Ping pong song in Honk Kong, tout comme pour un final house au lumières clignotantes particulièrement réussi sur It’s my love for u, tube à la rythmique addictive. D’autant que la joyeuse bande invite une petite puce amenée à la performance par l’essentiel GRPAS (fantastique asso œuvrant pour la promotion des pédagogies sociales et éco-environnementales dans le quartier de Maurepas et qui propose aux enfants de l’école de Trégain d’aller en tous petits groupes à la découverte de la vie culturelle, sociale, sportive ou environnementale. On les croise souvent sur les propositions du festival Maintenant) à grimper sur scène sans le savoir pour jouer elle aussi des ananas. Les immenses sourires des deux côtés de la scène disent bien ce moment d’intense bonheur partagé et la petite loupiote s’en souviendra longtemps.
La chaleur des applaudissements et des sourires marquant la fin de la performance, comme l’immensément sympathique distribution d’ananas des artistes au public amusé et ravi achèvent une performance qui aura dans son ensemble su ravir petit.e.s et grand.e.s. Au final un moment aussi vitaminé que délicieusement sympathique. Et qui vous explique pourquoi le parvis du 4Bis était couvert d’autant d’ananas et d’encore plus de sourires ce mercredi soir.
Photos : le non moins vitaminé Mr. B.
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Maintenant a lieu du 4 au 13 octobre à Rennes.