Lundi au Terminus : le Rouge-Gorge et les Deables

Le printemps musical rennais est lancé et bien lancé. Les très belles propositions de concerts s’enchainent sur un rythme délicieusement infernal et se culbutent même parfois. Parmi toutes ces belles choses, on peut distinguer la soirée de l’Alambik du lundi 25 avril au Terminus où nous aurons la chance de pouvoir réentendre les chansons fragiles et sauvages d’Arlt en formule quatuor et la pop abrasive de Rouge-Gorge.

Terminus25 04 16

Quoi de mieux pour bien démarrer la semaine qu’une double dose de chanson bancale et ultrasensible ? C’est le beau postulat que défendra l’impeccable association l’Alambik, en invitant Arlt et Rouge-Gorge au bar le Terminus le lundi 25 avril.

Arlt&ThomasBonvalet

Arlt est un duo parisien, composé de la chanteuse Eloïse Decazes et du guitariste/chanteur Sing Sing. Leur étrange patronyme vient du nom de l’écrivain argentin Roberto Arlt chez qui on retrouve, dans les titres de ses romans (Le Jouet Enragé, Les Sept Fous, Les Lance-Flammes, La Danse du Feu), les joyeux culbutages lexicaux qu’affectionne particulièrement le duo. Dès leur premier album, La Langue, sorti en 2010 sur le label Almost Musique, toute leur singularité est en place. Leur musique aussi saisissante que fragile se joue des standards d’une chanson française trop souvent balisée. Quelques mots accolés comme par un génial bricoleur ivre, tournent en boucle, et tour à tour nous foudroient ou s’insinuent durablement dans nos petites têtes. Voilà que l’on se retrouve à fredonner « L’amour est un os », «Tu m’as pris pour un pistolet/Des fois tu es dans la lune je ne sais quoi » ou « Appelle moi choléra / Dis moi ta poison / Je ne reviendrai pas plus / Peste soit de moi / Je ne t’aime plus ». Une guitare décharnée entre blues famélique, folk dada et musique médiévale, habille de superbes guenilles ses ritournelles qui ne vous lâchent plus et jouent l’incruste dès la première écoute.

Leur second album de 2012 : Feu la figure a été enregistré dans le fameux Hotel2tango (bastion du label Constellation) par Radwan Ghazi Moumneh (qui a aussi travaillé avec Eric Chenaux, Matana Roberts ou The Suuns). Le résultat est tout aussi sublime que le premier essai. Le duo enquille alors une imposante série de concerts en France, au Canada ou aux États-Unis. Souvent accompagnés par Mocke (le guitariste de Holden), ils partagent la scène avec Josephine Foster, Eric Chenaux… et même The National dont les membres sont de fervents fans d’Arlt.

Pour leur troisième disque leur prend l’envie de demander à Thomas Bonvalet, un artiste tout aussi à part qu’eux de réorchestrer leurs compositions. Bonvalet est un multi-instrumentiste au parcours atypique. De la noise bruitiste de Cheval de Frise dont il a été guitariste de 1998 et 2004, à son projet solo L’Ocelle Mare évoluant d’un travail d’exploration des possibilités sonores de la guitare classique à un incroyable homme orchestre improvisant des trames célestes grâce à une pelletée d’instruments exotiques et autres machines étranges, l’homme n’en finit pas d’explorer et d’inventer. Ses aventures l’ont mené à participer à un de nos immenses coups cœur musicaux de 2012, l’album de Powerdove : Do You Burn ? en compagnie d’Annie Lewandowski .

C’est justement après le concert de cette formation que Sing Sing et Eloïse ont croisé Thomas Bonvalet. De cette rencontre naquit d’abord un set live commun au festival des 36h de St Eustache puis l’idée d’une reconstruction à trois de leur répertoire. Le fruit de ce travail est un disque magnifique sorti, une fois encore chez Almost Musique en mars 2014. Composé de 9 titres réenregistrés et de deux inédits, l’album tutoie les étoiles. Les arrangements abrasifs improvisés par Bonvalet avec son invraisemblable bric-à-brac (banjo désaccordé, orgue à bouche, instrumentarium, claquements sur-amplifiés) chahutent, poussent dans leurs retranchements et magnifient les voix et les textes du duo. Ces effarantes perles bruts évoquent tour à tour la grâce dégingandée de Pascal Comelade, l’épure hantée du Velvet Undergound ou encore l’étrangeté céleste de Moondog. Une merveille donc, insolite, déroutante, primitive… mais profondément bouleversante. « Pour nous, une chanson n’est pas un poème flanqué sur des accords, c’est comme un espace artisanal et bizarre où s’entrelace le magnétisme de la langue et celui de la musique ou de la danse. Une chanson a quelque chose à voir avec la sorcellerie. Elle allume des feux, jette des sorts, hypnotise, réveille, énerve ou apaise. Elle propage des formes voluptueuses de maladie. » expliquent-ils dans un très complet article de Gonzaï dont on vous conseille plus que fortement la lecture.

Le trio nous avait offert en juin 2014 un de ces moments de beauté fragile, rare et précieux au Jardin Moderne lors de la troisième édition du festival Musiq’Alambik. Nous sommes donc totalement ravis de les revoir sur Rennes en formule quatuor (avec les camarades Thomas Bonvalet et Mocke). Ce sera de plus l’occasion parfaite d’écouter en live et dans le cadre intime du Terminus, les excellentes compositions de Deableries leur dernier disque sorti en juin 2015 chez Almost Musique.

La soirée sera complétée par une prestation du Rennais Rouge-Gorge. Derrières ses synthés, Robin Poligné explore des mélodies electro-pop entre émotion pure et humour sombre ayant bien plus à voir avec la frange möderne frenchy des eigthies et ses homologues d’outre-Rhin qu’on ne l’aurait naïvement cru au départ. Un drôle d’oiseau surfant sur la minimal wave frenchy, cultivant avec talent l’ambiguïté entre désinvolture, légèreté et résonance macabre.
Pour en savoir plus sur le monsieur , vous pouvez lire son interview réalisée par le camarade Politistution.

Ceux qui s’inquiéteraient de laisser trop de points de vie dès la première soirée de la semaine peuvent se rassurer. En effet, la coutume du lieu est à une ponctualité de fer et les concerts démarreront bien à 20 h pétantes pour s’achever immanquablement avant 22h.

lundi 25 avril 2016 – Bar Le Terminus, 78 rue de Riaval, Rennes – 20h – 5 €

Laisser un commentaire

* Champs obligatoires