Oubliez le restaurant ou le bouquet de fleurs, le plus beau cadeau que vous pouviez faire à votre moitié (ou à vous même) le mardi 14 février 2023, c’était de se rendre à l’Ubu. L’impeccable association Des Pies Chicaillent y conviait en effet trois perles particulièrement étincelantes de la musique actuelle. La folk délicatement rêveuse de Rachael Dadd, le rock enfiévré de Laetitia Shériff et la pop enluminée de Rozi Plain se sont merveilleusement combinés pour un inoubliable déferlement musical d’amour.
Et dire que cette soirée du 14 février 2023 a bien failli ne pas avoir lieu ! Conséquence de l’occupation de la salle de la Cité suite au mouvement de protestation contre la réforme des retraites, l’asso Des Pies Chicaillent a été obligée de réussir le tour de force de trouver une nouvelle salle pour leur soirée à quelques jours à peine de la date. Comme les chats, les Pies savent retomber sur leurs pattes et c’est donc finalement à l’Ubu que l’on a pu retrouver l’impeccable trio programmé par la fine bande
C’est la Britannique Rachael Dadd qui débute la soirée. Derrière son clavier sur la première partie du set et accompagnée de son batteur qui assure également la seconde voix, la bristolienne démarre la soirée tout en délicatesse. Les versions live des titres de son excellent Kaleidoscope, sorti en 2022 chez Memphis industries, réussissent à conserver la douceur psychédéliques de ces compostions tout en les faisant subtilement monter en puissance. On retrouve donc avec un plaisir constant l’univers pétillant et onirique de la dame. A mi-chemin, elle passe derrière la guitare pour quelques pépites de folk tendrement expérimentale de plus. Sa musique à la mélancolie souriante, libre et généreuse nous envoute tout comme une bonne partie du public déjà nombreux.
C’est ensuite à notre chère Lætitia Shériff de venir, une fois de plus, faire sa loi sur la scène de l’Ubu. On connait déjà bien l’intensité fiévreuse de ses performances solos et on ne va être déçu. Le set de Rachael Dadd nous avait doucement enveloppé dans un petite bulle multicolore. Elle va instantanément exploser sous l’assaut du déferlement de larsens balancé pour ouvrir ce second round. Même si ce contraste radical a fait tiquer quelques personnes présentes, une grande majorité du public (dont nous) reste fascinée devant tant de volcanique intensité. Le set revisite la discographie de la dame en équilibre entre fureur sonique à la limite de la noise expérimentale et épure mettant à nu la puissance mélodique ses compositions. Elle nous avait mis sens dessus dessous en décembre 2021 en sublime version septet avec cuivres sur la grande scène de l’Antipode, elle va de nouveau de nous mettre à genou toute seule avec sa guitare. Entre exaltantes déflagrations et dépouillement à la limite du silence, Lætitia Shériff prouve encore encore une fois qu’elle est une des aventures musicales à suivre de très près en ce moment. On prend d’ores et déjà rendez-vous pour la prochaine claque qu’elle qu’en soit la formule scénique.
On a encore un peu la tête qui tourne et des étoiles dans les oreilles quand Rozi Plain arrive sur scène pour conclure la soirée. On se souvient avec un grand sourire de la somptueuse soirée de septembre 2021 au Jardin Moderne durant laquelle This Is The Kit et Pastoral Division nous avaient littéralement envoutés. Dans les savoureux ingrédients de cette soirée magique, il y avait le jeu de basse souple et vif et la voix somptueuse de Rosalind Leyden. Nous sommes donc tout particulièrement heureux que les fines gâchettes de l’asso Des Pies Chicaillent aient de nouveau invité la dame avec son projet Rozi Plain. La Londonienne arrive sur scène fort bien accompagnée de Jamie Whitby-Coles à la batterie, de Gérard Black au clavier et de Raphael Desmarets à la basse. Le quatuor vient pour défendre l’excellent sixième album Prize sur le label Memphis industries (The Go Team!, Field Music…) qui a tapé dans l’oreille d’un nombre impressionnant de personnes, dont les nôtres. La bande va le faire de la meilleure des manières. Leur interprétation tout en légèreté jazzy sublimé par un son enveloppant fait merveille. La salle flotte rapidement sur un nuage. La pop délicatement mélancolique de cette grande angoissée nous cueille autant par son évidence que par sa discrète complexité. Les arrangements à quatre voix (tout le monde chante) sont un pur délice. Le clavier Gérard Black (ex Frànçois And The Atlas Mountains) s’avère particulièrement redoutable dans sa façon de restituer et d’enrichir en live les milles fascinants petits détails du disque. Ce dernier album sera d’ailleurs presqu’intégralement repris dans la setlist avec un délicieux petit détour par les merveilles du tout aussi excellent What a boost de 2019 (Symmetrical !) et un somptueux Actually en guise de rappel. On ressort du set en apesanteur, ravi d’avoir pu assister à une soirée aussi pétillante que contrastée.
On vous maintenant rendez-vous très prochainement pour vous parler de la seconde édition du Pies Pala Pop, le formidable festival organisée par Des Pies Chicaillent en juin au jardin Moderne.