Il est midi à peine passé ce samedi 14 mai. Ciel bleu, grand soleil. Nous sommes dans le parc de Beauregard. Devant nous, 72 piliers de granit s’élèvent de l’herbe vers le ciel, alignés, tous identiques. A l’intérieur, autour, une vingtaine de personnes déambulent en silence. Non, ce n’est pas une congrégation monastique en sortie exceptionnelle. Ce sont des curieux et des invités qui se sont arrêtés là pour écouter. Pourtant, de l’extérieur, on n’entend que les oiseaux qui fêtent le soleil dans le pré juste à côté et la circulation automobile en contre-bas. Néanmoins, les intéressés affirmeront avoir entendu une voix féminine grave imposant le respect, des notes aiguës et graves, de la musique électro-acoustique. Vous, en vous approchant, vous n’entendez rien. Mais vous pouvez désormais distinguer des casques d’écoute sur les oreilles des participants.
Il s’agit en fait de la présentation d’une œuvre créée par une classe de terminale Bac Pro électrotechnique du lycée La Providence à Montauban-de-Bretagne. Initié par Serge Garin, professeur d’arts appliqués au lycée, le projet a aussi associé le FRAC Bretagne (Fonds régional d’art contemporain Bretagne) mais aussi l’association Electroni[k], toujours partante pour soutenir ce type de projets qui sortent des sentiers battus et ouvrent les oreilles.
L’association Electroni[k] est bien sûr à l’origine de Cultures Electroni[k], « festival » épatant et curieux aux propositions insolites, festives ou intimistes du début d’automne, mais aussi de projets à dimension sociale comme Parcours Sensibles ou d’événements tout au long de l’année qui mêlent souvent musiques, arts et technologies. Leur crédo : l’ouverture au public (et on a envie de préciser à tous les publics, comme le met en avant l’expérience Parcours Sensibles) des cultures émergentes et des pratiques artistiques innovantes. On n’est donc pas étonné de les retrouver partenaires de ce projet transdisciplinaire qui a permis d’intéresser une classe de terminale Bac Pro électrotechnique aux œuvres à la croisée des arts visuels et sonores et de leur donner les moyens de mettre en œuvre leur propre création.
Répondant à l’appel à projet des Ateliers de la création, lancé en 2010 par l’IRCAM et le Centre Georges Pompidou, Serge Garin a donc proposé à sa classe de travailler sur l’œuvre d’Aurélie Nemours. La commande de l’IRCAM et du Centre Georges Pompidou était très claire : il s’agissait de proposer une illustration sonore d’une œuvre d’art contemporain.
Dans la pratique, le projet s’est organisé autour de trois axes se déroulant simultanément d’octobre à décembre 2010. Premier volet : la découverte et la lecture d’œuvres plastiques de l’artiste Aurelie Nemours au lycée d’abord, puis en grandeur nature avec l’Alignement du XXIe siècle, dans le Parc de Beauregard, menées par le FRAC Bretagne.
Deuxième volet : une découverte de la musique contemporaine et concrète, des séances de captations sonores dans les ateliers d’électroniques du lycée avec Mikel Iraola d’Electroni[k]. Et comme Mikel nous l’explique, autant dans un atelier mécanique, il peut être quasiment palpitant d’arriver avec son matériel pour enregistrer les sons de l’atelier tant les découvertes sonores sont possibles. Autant cela est tout de suite moins évident dans un atelier d’électrotechnique : les machines sont soigneusement fermées, ne laissant aucune place au vagabondage d’un micro curieux. La poésie sonore du micro-compresseur semble pareillement bien moins accessible et collectable… Néanmoins, après ces enregistrements dans l’atelier, des séances de montage de la matière sonore sur ordinateur sont proposées aux élèves. Par groupe de deux, ceux-ci montent leurs projets.
Enfin, c’est Serge Garin qui s’occupe du troisième volet avec un travail documentaire sur l’artiste Aurélie Nemours, la conception d’un carnet de bord ou une recherche autour de la restitution graphique des oeuvres.
Ce projet transdisciplinaire issu de la réflexion autour de l’œuvre d’Aurélie Nemours par les lycéens de Montauban-de-Bretagne est l’un des quatre retenus sur toute la France. La classe de terminale Bac Pro électrotechnique a donc été jusqu’à Paris, au Centre Georges Pompidou, le 7 avril dernier pour présenter le résultat de ces nombreuses séances de travail. A l’issue de la présentation des 4 projets retenus, les lycéens ont aussi pu assister à un concert de musique concrète qu’ils semblent avoir apprécié… Et cela sûrement du fait de la découverte progressive qu’ils ont pu mener autour de cette musique parfois difficile d’accès grâce au projet initié durant cette année scolaire.
Mikel Iraola nous explique que lors de cette présentation parisienne, la dimension poétique de la création des lycéens de Montauban-de-Bretagne a créé un effet de surprise, mais qu’il est aussi heureux que cette restitution de la création des élèves puisse aussi se faire aujourd’hui dans l’Alignement du XXIe siècle d’Aurélie Nemours, l’œuvre point de départ du travail mené par les élèves. Cette présentation rennaise permet de boucler la boucle, ajoute Mikel. On apprend par leur professeur que les lycéens, l’heure précédant cette restitution dans le Parc de Beauregard, n’en menaient pas large, se demandant si leur création allait tout de même réussir à attirer une ou deux personnes. On imagine qu’ils ont été rassurés lorsqu’ils ont vu que les lecteurs MP3 apportés ne suffisaient pas…
Car cette restitution in situ se fait par l’intermédiaire d’un lecteur MP3 et d’écouteurs sur les oreilles. Pendant 15-20 minutes environ, on se laisse porter par la voix des lycéens et leur création sonore qui sert d’écrin aux paroles d’Aurélie Nemours… « Si on reste rivé à la terre, on a raté son départ ». Alors les regards s’élèvent, reculent entre les colonnes de granit. Quelques enfants, quelques têtes âgées qui gardent le casque vissé sur les oreilles, des invités, mais aussi des curieux qui se sont approchés en voyant de la rue, ces rêveurs solitaires le casque sur les oreilles au milieu de cet alignement minéral. A l’issue de cette présentation, un buffet champêtre attend les participants pour un brunch convivial.
On l’avoue, on est passé souvent sans trop s’ intéresser à ces drôles de piliers monolithiques. A la fin de cette restitution, les lycéens ont le sourire. Nous aussi. On ne pouvait rêver de meilleures conditions pour appréhender cet Alignement du XXIe siècle, qui nous était jusque là resté hermétique…
Photos : Caro
Beaux projet.
GM
http://bruissonieres.wordpress.com/
j ai envoyé un sms vers midi ce jour-là…
Je n’ai rien reçu…
le sms etait adressé à serge garin…