Photos : Solène
Durant ce week-end des Jeunes Charrues aux Vieilles Charrues, on peut objectivement dire que nous avons été gâtés : des groupes prometteurs, une grande variété des styles musicaux, et une organisation rigoureuse et millimétrée.
Les moments de rencontre avec les artistes dès la fin de leur concert dans l’espace Jeunes Charrues sont notamment une excellente initiative, à la fois pour la promo des groupes, mais aussi pour les festivaliers qui peuvent se renseigner sur les groupes avant de rejoindre les autres scènes. Et puis le fait de continuer à faire évoluer ce tremplin témoigne d’une véritable volonté du festival de donner un coup de projecteur sur les jeunes groupes du Grand Ouest, et de participer à l’émergence de nouveaux talents.
Cette année, la grande nouveauté concernait la nouvelle scène entièrement dédiée aux Jeunes Charrues, située à quelques encablures de la scène Xavier Grall. Nous avions quelques réserves par rapport à cette initiative, craignant de voir le public ignorer cette nouvelle scène. Mais l’alternance entre les deux scènes a au contraire permis aux festivaliers de jeter une oreille sur ces nouveaux talents. L’autre nouveauté concernait la scène Jeunes Charrues implantée dans le nouveau Village, au coeur des campings. L’initiative est bonne, mais le passage des groupes le midi n’est pas évident, la fraicheur auditive du campeur/festivalier étant inversement proportionnelle à son mal de crâne… Seul petit bémol dans cette excellente organisation : les résultats restent malheureusement confidentiels puisqu’ils sont annoncés dans l’espace des artistes. Même s’il faut reconnaître qu’une annonce publique n’aurait probablement pas eu un écho suffisant, quand on sait qu’au même moment passait P.J. Harvey…
La réussite de ce dispositif réside aussi dans l’ensemble des phases de pré-sélection et de sélection des groupes lors des différents tremplins régionaux. Retour avec les responsables de l’espace Jeunes Charrues, Nicolas Mélisson et Philippe Deshouillères, sur le dispositif des Jeunes Charrues en concert et des Jeunes Charrues aux Vieilles Charrues.
Je vais commencer par vous demander de vous présenter, votre fonction sur les Vieilles Charrues et en dehors.
Nicolas : Nicolas Mélisson, je suis coordinateur jeunesse à la fédération MJC et bénévole sur l’espace Jeunes Charrues.
Philippe : Philippe Deshouillères, je m’occupe du stand des Jeunes Charrues sur le site pendant la durée du festival et je fais la coordination entre le stand et les groupes et les médias qui sont autour.
Depuis quand participez vous au projet Jeunes Charrues et qu’est ce qui vous a incité à le faire ?
Nicolas : Depuis 1999 pour la fédération des MJC puisqu’on organise le tremplin du pays de Rennes. Pour les MJC, c’était intéressant d’avoir ce lien avec un projet culturel et une action en direction des jeunes sur les MJC d’Ille et Vilaine.
Philippe : Je suis arrivé sur le tremplin des Jeunes Charrues par l’intermédiaire du jury de Lannion où j’étais membre du jury et j’ai continué sur St Brieuc quand ils ont fusionné . Ensuite j’ai fait St Brieuc et Rennes pour voir un peu les dispositifs de chaque côté. C’était intéressant aussi de juger des groupes que l’on ne connaissait absolument pas sur la région de Rennes. Puis j’ai rencontré les gens des Vieilles Charrues qui m’ont proposés aussi de travailler sur le stand. Et depuis maintenant 3 ans avec Nicolas on gère le stand.
Justement à propos de ce stand, vous avez vu des évolutions dans les années ? On sait que cette année il y a une scène dédiée spécialement aux Jeunes Charrues, quelles ont été les autres évolutions ?
Nicolas : Le dispositif Jeunes Charrues depuis qu’il a démarré est en permanente évolution puisqu’effectivement l’objectif est d’arriver à faire la promotion des groupes amateurs sur la région Bretagne. Petit à petit, différentes étapes du projet permettent d’avoir à la fois des espaces pour jouer mais aussi des espaces pour avoir le contact au public, être visible du mieux possible. Cette année la grande évolution c’est la scène dédiée aux Jeunes Charrues effectivement, c’est aussi un espace public et accueil à disposition des groupes qui est plus important que les années précédentes. Et depuis quelques années c’est également un accompagnement des groupes autour d’une pré-production, d’une facilité pour les groupes de préparer leur passage sur le festival. Et une semaine de formation professionnelle pour le manager du groupe et une personne du groupe pour leur permettre d’évoluer dans leur projet professionnel.
On voulait vous demander comment se passent les pré-sélections dans les différents pays ?
Nicolas : Les pré-sélections dans un pays, c’est un jury, le plus éclectique possible, qui va écouter l’ensemble des groupes candidats. Chaque pays est maitre de ses modalités d’écoute, c’est à dire que certains pays font des écoutes en ligne directement sur le site et chaque jury vote à partir de ces écoutes là. Sur le pays de Rennes, on se réunit une journée pour écouter l’ensemble des 98 démos qui nous sont arrivées dans l’année et ensuite on délibère à la fin de cette journée. Certains pays font un mix entre des pré-sélections en amont sur l’écoute du site et ensuite un petit temps de retrouvailles pour pouvoir échanger et sélectionner les candidats.
Il y a une condition par contre, c’est au niveau de la composition du jury où là chaque pays a les mêmes modalités de composition, c’est à dire avoir un jury le plus large possible qui associe différents acteurs du pays au niveau musical et actuel.
Quelles sont les conditions pour qu’un artiste ou un groupe puisse participer aux Jeunes Charrues?
Nicolas : La condition principale c’est d’avoir une adresse physique dans le pays sur lequel il va se porter candidat. Ensuite il y a 2 critères qui sont indissociables : le fait de ne pas être produit par un label national et le fait que les compositions doivent être originales.
Qui compose les membres du jury?
Nicolas : Chaque pays fait sa sélection de membres du jury en fonction de ses partenaires, en fonction aussi du territoire, des structures qui existent sur le territoire. Il y a une charte commune avec les Vieilles Charrues, avec une dénomination de jury sur lequel chaque jury doit être composé. Ensuite, c’est chaque pays qui va faire sa composition.
Et sur le tremplin final des Jeunes Charrues?
Nicolas : Là, ce sont les Vieilles Charrues qui sont chargées de composer le jury. Dans ce cas les jurys sont des acteurs nationaux des musiques actuelles, ça peut être des journalistes, des labels, des producteurs, des tourneurs, etc… L’idée c’est aussi de permettre aux groupes de rencontrer à un moment donné des professionnels qui peuvent conseiller, qui peuvent orienter ou qui peuvent éventuellement repérer des groupes qu’ils souhaiteraient produire ou accompagner dans leur projet.
Pouvez vous nous expliquer plus précisément les 2 volets de l’accompagnement ? Il y a un accompagnement plus artistique avec la résidence et un accompagnement aux différents métiers de la musique.
Nicolas : La première partie effectivement c’est une pré-production qui est proposée aux groupes, 3 jours de résidence sur une scène, avec un accompagnement technique pour préparer leur set sur le passage aux Vieilles Charrues. Ensuite, l’accompagnement artistique sur ces 3 journées là se fait en fonction des moyens des structures qui organisent le tremplin de pays. Deux exemples, sur le pays de St Malo, c’est l’Omnibus qui gère la pré-production et c’est aussi dans ses missions d’avoir un accompagnement artistique. Donc effectivement eux vont être en capacité d’avoir des professionnels pour pouvoir le faire. Dans d’autres pays comme sur Blain où c’est une association qui n’a pas de salle, qui n’a pas de professionnels, c’est plus délicat d’avoir aussi les moyens pour cet accompagnement artistique. L’idée c’est quand même d’avoir ces 3 jours de filage et de disposer d’une scène et du matériel pour pouvoir préparer son passage aux Vieilles Charrues. Ensuite, chaque pays essaye de mettre des moyens supplémentaires pour avoir un volet technique en conseil et un volet artistique en conseil supplémentaire.
La deuxième phase, c’est une semaine de formation qui est organisée en partenariat avec le Jardin Moderne, qui permet aux groupes d’avoir un ensemble d’informations et de connaissances sur une pré-professionnalisation du groupe. C’est à dire qu’on balaye à la fois les aspects de la communication, de la professionnalisation, les aspects sociaux, les aspects de management. L’idée c’est de leur donner un certain nombres de clés pour leur permettre aussi de rencontrer un certain nombre de personnes ressources pour qu’ils puissent envisager de la meilleure manière leur projet professionnel.
On a trouvé, assez objectivement, que la sélection cette année était particulièrement pointue, on pense d’ailleurs que le jury va s’arracher les cheveux ! Depuis de nombreuses années est ce que vous avez senti une évolution sur les artistes qui viennent maintenant aux Jeunes Charrues ?
Nicolas : Pas spécialement, parce qu’on est toujours sur des artistes qui ne sont pas déjà sur des voies de professionnalisation, qui n’ont pas déjà engagé cette démarche là, ils sont dans une phase un petit peu intermittente sur leur projet. Donc sur la professionnalisation des groupes, pas d’évolution. Par contre sur les projets musicaux, on a de plus en plus de projets qui sont aboutis, par rapport aux premières années du tremplin où on avait effectivement des groupes qui étaient un petit peu plus en recherche artistique. C’est fluctuant en fonction des années, en fonction du vivier de groupes qui sont présents, en fonction aussi des styles, sur des tendances de mode. On va avoir sur certaines années beaucoup de chanson française, donc là effectivement on peut être beaucoup plus pointu puisque la concurrence est plus dure donc le projet qui est retenu est plus pointu que les autres.
Philippe : J’étais à St Brieuc avant maintenant je suis sur Rennes, il y a beaucoup plus de groupes sur Rennes je trouve. Et ce que je trouve un peu différent du côté artistique c’est que les gens, il y a une dizaine d’années, pensaient que le tremplin était pour les amateurs. Ce qui fait que les groupes qui jouaient depuis 5,6,7 ans et qui étaient sur un petit label local ne s’inscrivaient pas, car pensant qu’étant déjà sur un petit label local ils ne pouvaient pas s’inscrire. En se disant aussi : nous ça fait plusieurs années qu’on joue donc les gens qui viennent sont vraiment amateurs, et ils ne se sentaient pas complétement concernés. Maintenant je pense que le fait d’ouvrir le festival l’année d’après, que ce soit bien reconnu dans le règlement et sur les bulletins d’inscription (il ne faut pas être inscrit sur un label national) fait venir ces gens qui ont déjà une boite de production mais locale. Souvent ce sont des associations de 2 ou 3 groupes qui font un label et ces groupes là se présentent aussi. Il y a le cas cette année : Noïd est sur un label local et je crois que Cross Damage est aussi sur le même label, c’est un petit label. Je pense qu’il y a une dizaine d’années ces gens là ne se seraient pas sentis concernés de la même façon. Eux ont un projet artistique qui mûri depuis longtemps, ce qui fait que le niveau est aussi beaucoup plus important techniquement et musicalement sur scène après.
Il y a quelque chose qui nous a surpris, c’est la grande diversité des genres musicaux, est-ce qu’il y a à un moment une concertation entre les différents pays ou c’est vraiment le hasard qui donne ça ?
Nicolas : C’est complétement le hasard ! Il n’y a aucune concertation entre les pays sur les choix artistiques, aucune concertation non plus dans le jury de pays pour avoir une diversité sur la finale de pays. On est vraiment dans un pur hasard et une pure ouverture à l’ensemble des styles, c’est à dire qu’un groupe de musiques bretonnes peut très bien être sélectionné comme un groupe de hardcore, et gagner un tremplin. C’est vraiment la qualité musicale qui prime.
Philippe : En regardant où se passent les tremplins, on pourra remarquer qu’il y a des régions où il y a plus de groupes d’un certain style. Il y a beaucoup plus d’électro-pop sur la région de Rennes que sur la Normandie. La Normandie, ça fait plusieurs années qu’ils viennent avec des groupes de metal et la diversité se fait là aussi. Les groupes ne sont pas tous de la même origine culturelle, à Brest c’est beaucoup plus rock’n’roll, à Nantes aussi. St Brieuc, Trégor c’est plus électro-pop. La diversité des genres musicaux vient des différences entre les 10 pays et c’est ça qui est intéressant.
Une dernière question concernant le suivi des groupes, est ce que vous avez des contacts avec les groupes après leur passage aux Jeunes Charrues ou est ce que vous les laissez vivre leur vie musicale ?
Nicolas : On leur laisse complétement vivre leur vie musicale. Sur le pays de Rennes on réinvite par contre le lauréat à faire parti du jury l’année d’après, ce qui leur permet aussi de nous donner un aperçu de leur vécu après, est ce que ça leur a apporté quelque chose ou pas. Par contre je pense que dans l’évolution du dispositif, c’est quelque chose qui manque : avoir ce suivi par la suite et cet accompagnement post-Vieilles Charrues pour voir aussi quel travail en amont pourrait être fait et comment on pourrait peut être réaccompagner les groupes derrière ce passage aux Vieilles Charrues.
En fonction des pays, certains pays vont eux proposer l’accompagnement du groupe parce qu’ils ont les structures ressources pour le faire mais ce n’est pas généralisé et ce serait intéressant qu’à un moment donné on puisse arriver à généraliser un minimum d’accompagnement après le passage au festival.
Philippe : C’est un tremplin, un tremplin c’est un concours. Quand on passe un examen, il faut qu’on se prenne en charge un minimum, je pense qu’ils ont tout pour le faire maintenant. C’est aussi leur dire qu’on leur donne tout ce qui faut pour y arriver, mais si les gens ne se servent pas de ce qu’on leur a donné, combien de temps doit-on les accompagner ? Il n’y a pas de retours mais les gens ne nous recontactent pas non plus, les groupes ne nous demandent rien après. Je pense qu’il y avait une demande pour avoir ces formations concernant la législation, faire des résidences pour préparer les concerts. Mais après le concert à Carhaix, je ne sais pas s’il y a vraiment une demande. Je ne sais pas ce que l’on peut donner de plus après et si c’est vraiment notre rôle.
Nicolas : Après on peut inciter mais c’est chaque pays localement qui se positionne ou pas sur l’accompagnement. Si l’Antipode à Rennes décide que le projet artistique de Güz II les intéresse, peut-être iront-ils leur proposer, même principe pour l’Omnibus. Mais là on est vraiment dans des ressources et des orientations qui sont spécifiques à chaque structure.
Après c’est le projet artistique qui intéresse en dehors du fait d’être lauréat ?
Nicolas : Voilà, complétement, ça n’a plus de lien avec le dispositif.
Merci beaucoup à vous !
Nicolas et Philippe : De rien, merci à vous !
Un grand merci à Nicolas et Philippe pour leur accueil et pour leur accompagnement durant ces trois jours sur l’espace Jeunes Charrues.
Le site des Jeunes Charrues / Vieilles Charrues
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