Cette virée musicale dans un Maroc entre hier et aujourd’hui s’annonçait sous les meilleurs auspices en ce vendredi 08 octobre sous le chapiteau du Grand Soufflet au Thabor. Elle ne nous a pas déçue ! La fougue de N3rdistan et le rock oriental d’Al-Qasar ont scellé nos retrouvailles avec les concerts après presque 2 années en demi-teinte. De quoi passer la soirée avec un grand sourire !
Se retrouver sur la pelouse du Thabor dans l’espace convivial du festival, sans masque et sous le soleil, avouez qu’il y a pire pour retrouver les couleurs du Grand Soufflet ! Le public rennais ne s’y trompe pas ! Le Thabor est plein, les tables débordent et on perçoit une certaine fébrilité dans les conversations. Tous heureux de se retrouver là assurément !
A tel point qu’on rate les premières chansons de N3rdistan, ce collectif métissé qui mêle beats électro saturés et mélodies d’instruments traditionnels orientaux. On retrouve Walid Ben Selim, le leader charismatique du groupe sur scène, qui déclame un poème en arabe. Sa voix puissante capte l’attention du public et quand elle entre en écho avec celle de Widad Broco, une des premières femmes rappeuse du Maghreb, plus rien ne peut vous retenir. Derrière eux, un panel de musiciens dont la dextérité est impressionnante : Cyril Canerie à la batterie, Nidhal Jaoua au quanoun et Khalil Hentati aux claviers et au mix. On chaloupe sur les rythmes étonnants, à la lisière entre la musique électronique, le rap et la poésie arabe, des titres de leur album éponyme sorti en février 2019.
Le collectif fait la preuve d’une complicité vraiment terrible : que ce soit entre les musiciens, sourires vissés jusqu’aux oreilles, ou entre le duo Walid/Widad. Leurs voix se superposent en une mélopée lancinante et envoûtante. Lui chante les yeux fermés, main sur le coeur, comme habité par une puissance qui nous dépasse. Elle, elle s’éclate derrière ses claviers, fait preuve d’une énergie débordante et communicative. Leur plaisir d’être sur scène, ils le partagent avec le public, qui répond d’un seul homme sur le Ana wa Anti. Assurément « l’astéroïde des anges », traduction du nom de la poétesse irakienne Nazik El Malaïka décédée en 2007 et dont les écrits ont inspiré ce titre, s’est posé sur le chapiteau du festival en ce début de soirée !
Le duo est monté sur ressorts, et sont comme deux boules d’énergie qui se déchaînent titre après titre. Absolument pas besoin d’exhorter le public à les suivre ! Le chapiteau saute et oscille hanches et épaules sans rien demander à personne. Entre complicité terrible et énergies ravageuses, Walid et Widad déclament leurs textes engagés, esquissent quelques tombés de hanche et pas de danse orientale, jumpent comme des cabris et font accélérer notre rythme cardiaque !
Un cocktail musical puissant qui s’achève sur Safir, ce titre qui reprend le texte du poète irakien du 9è siècle Al Asmai. Un titre qui fut le déclencheur de cette aventure musicale pour N3rdistan : c’était en 2014. On leur souhaite de continuer encore longtemps, pour le plus grand bonheur de nos oreilles !
Après la fougue de la jeunesse et la fusion électro-poéto-orientale, place à Al-Qasar et son rock garage oriental. Ils sont cinq sur scène : les deux leaders du groupe, Thomas Attar Bellier, à la guitare, et Jaouad El Garouge, musicien de tradition gnawa originaire d’Essaouira qui assure les chants. Ils sont accompagnés d’un percussionniste (que l’on regrettera de ne pas entendre un peu mieux, noyé sous la puissante batterie et les riffs de guitare), d’un batteur et d’un bassiste.
Le premier morceau instrumental Dance of Maria nous plonge immédiatement dans leur univers. Ce titre, une reprise du chanteur libanais Elias Rahbani (Mosaic of Orient, 1972), nous entraîne dans ce mélange d’expérimentation funk et d’instruments traditionnels dont Al Qasar a le secret. Jaouad El Garouge occupe le devant de la scène mais notre regard est vite capté par le bassiste dont les doigts sont comme des serpents sur les cordes de sa guitare. Quant à Thomas Attar Bellier, il jongle entre guitare électrique, oud et chant.
On navigue d’un univers oriental à l’autre : Selma nous fait groover et nous envoûte pleinement ; Ahlan wa Sahlan est un morceau ultra dansant (où le chanteur esquisse quelques pas de danse) alors qu’il évoque la difficile arrivée des réfugiés et exilés dans un pays étranger et toutes les difficultés qui vont avec. Au-delà de la dextérité à mêler instruments traditionnels et rythmes rock plus affirmés, le groupe aborde en effet de nombreux thèmes engagés et politiques sur cet EP Miraj.
Le public est comme envoûté par cet hommage à la scène pop psychédélique orientale et ne se ménage pas : cela danse à tout va sous le chapiteau ! De notre côté, on adhère un peu moins au set d’Al-Qasar, la faute à N3rdistan, qui nous a filé une claque monumentale quelques minutes auparavant. Pas grave, on se rattrapera dans nos écouteurs dans et nos playlists, l’album Miraj restant une pépite musicale incontournable pour qui apprécie rock et musique orientale !
Une jolie soirée mosaïque-musik comme seul le Grand Soufflet sait le faire. On est contents de retrouver le festival, son ambiance inégalable et sa programmation toujours détonnante !
Crédits photos : Catherine Gaffiero
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