En attendant d’y découvrir le nouvel Antipode MJC en état de fonctionnement et de bouillonnement artistique ouvert à tous (on a tellement hâte), et histoire de se frotter en vrai à une œuvre dans l’espace public en ces temps de disette artistique « en chair et en os », on vous invite à faire un petit tour à la Courrouze pour y découvrir la nouvelle création de Arthur Louis Ignoré, œuvre pérenne, ce qui est loin d’être systématique dans le parcours de l’artiste (autrement dit, si vous êtes malheureusement au-delà des 10km autorisés, l’œuvre vous attendra, n’ayez crainte). Une fresque qui n’est ni au plafond, ni sur les murs, ni même peinte, mais au sol et faite de briques. Une belle manière de réenchanter l’espace urbain.
On a pour notre part découvert Arthur Louis Ignoré, aka ALI, lors de l’édition 2014 d’Urbaines. Le jeune artiste y proposait un mandala peint en blanc sur le trottoir de l’Antipode MJC, à l’image de ceux qu’il a pu également réaliser sur les bitumes rennais, finlandais, toulousain ou Chemnitz-ien entre autres. Le garçon, qui investit le plus souvent l’espace urbain (mais s’essaie parfois aussi au land art avec la même réussite et le même appétit pour l’éphémère), y présentait également un travail sensible des vides et des pleins avec un travail sur la découpe toujours autour de la figure du mandala sur une grande bâche de travaux quasi transformée en dentelle du Puy en Velay.
Pour le festival Maintenant en 2015, le garçon avait encore pris de la hauteur (et nous invitait à faire de même) en installant ses pinceaux sur le toit… de la Caisse des Allocations Familiales, aux genoux des Champs Libres. Après les rues de Rennes, de Montréal ou encore de New York, Ali s’attaquait donc aux 1000m2 du toit de la Caf et de la Cpam pour une fresque monumentale All on one roof, grâce à la belle équipe d’Electroni[k] responsable du festival Maintenant.
La même rafraîchissante équipe qu’on retrouvait à l’initiative d’une résidence au long cours, Les tracés d’ALI, sur le territoire de la Roche Aux Fées Communautés (deux ans de résidence entre 2019 et 2020), associant communes, habitant.e.s et l’artiste pour un projet tout en déclinaisons au cœur de l’espace public et impliquant réellement les habitant.e.s. L’un des temps forts de cette résidence voyant plus de 2000 balles de ping pong flotter sur l’étang de la Martigné-Ferchaud en 10 îlots éphémères s’agitant doucement sur les vagues.
On se souvient également de l’époustouflante exposition Rouages, présentée pour sa première version en février 2019 à l’Espe, autrement dit une œuvre en bois représentant les rouages d’une horlogerie en bois taillée avec la minutie de nos amies champêtres à huit pattes (par une fraiseuse numérique si on a tout compris). Œuvre féérique s’il en est puisqu’elle se mettait même en mouvement à l’aide de moteurs et de roulements à billes avec une fluidité déconcertante.
Après le réaménagement de la fontaine Maginot en plage urbaine (plage urbaine en bois, fresque colorée et cube d’aluminium à la jonction des avenues Aristide Briand et Sergent Maginot) désormais accessible sur laquelle Arthur Louis Ignoré a créé un motif en clous podotactiles (du braille pour les pieds ?), l’artiste s’intéresse à nouveau à l’espace rennais en investissant cette fois la cour extérieure du Pavillon Courrouze.
Retrouvant également le studio Ilta (production d’installations monumentales, de mobiliers urbains, d’expositions, de créations éphémères ou pérennes dans l’espace public qui interrogent le quotidien des villes) avec lequel l’artiste urbain avait réalisé une immense fresque de 100 x 60 mètres sur la place Abbal à Toulouse et ici avec la participation de Territoires et Développement et du studio Paola Vigano, Arthur Louis Ignoré continue son travail sur la mise en exergue des métissages de nos espaces urbains.
Comme toujours, attaché à travailler en résonance avec le lieu qu’il investit, Arthur Louis Ignoré a cette fois-ci choisi d’utiliser la brique pour sa création, en écho au passé industriel du quartier (le Pavillon n’est pas rue des Munitionnettes pour rien).
Au total, il aura fallu 300 briques blanches, 3 000 briques rouges, les 6 mains de salariés de la société Keravis en plus du talent d’Arthur Louis Ignoré et de plusieurs jours de montage pour couvrir les 120 mètres carrés de cette fresque-mosaïque urbaine.
Son travail, réflexion autour de l’ornementation, intègre souvent des formes végétales et interroge les organisations (la symétrie est souvent l’un de ses axes forts) des motifs ornementaux. Pour à la fois nourrir son travail sur le long terme sur l’ornementation et l’œuvre en cours de création, ALI a pour habitude de s’inspirer de l’existant. Cette fois encore, il est parti collecter des motifs présents dans les environs du Pavillon mais aussi dans Rennes (les Halles Martenot sont par exemple citées) afin de créer un nouveau motif par l’agrégation de formes anciennes et modernes.
En les combinant dans une nouvelle forme, en mêlant motifs anciens à l’espace urbain moderne, en réorganisant les axes esthétiques dans une nouvelle œuvre, Arthur Louis Ignoré frotte les époques et les esthétiques et ainsi réinvente notre espace urbain, un peu comme un palimpseste inversé sur lequel au lieu de gratter les écrits passés pour apposer une forme nouvelle, on intégrait ensemble passé et présent dans une nouvelle œuvre, à vivre.
Arthur-Louis Ignoré, La Courrouze, Rennes, France from ilta studio.
Plus d1fos sur Arthur Louis Ignoré et son travail
A voir au Pavillon Courrouze, 40, rue des Munitionnettes – Rennes.