Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…

Makassy est un chanteur de RnB et de musique tropicale (kuduro-coupé décalé-Zouk). On ne va pas se mentir, d’habitude ce n’est pas le genre d’artiste que l’on interviewe sur Alter1fo. Ceci étant dit, cet homme a pris l’initiative de faire un clip plus qu’émouvant et très original pour quelqu’un qui sort du milieu du RnB (trop souvent cloisonné dans les chansons d’amour, bluettes sans vraiment d’intérêt). Makassy nous sort ici l’un des textes les plus émouvants sur l’un des sujets les plus tabous à l’heure actuelle : « la maltraitance des femmes ». Rencontre avec cette personne formidable qui sort du cadre et sait mettre ses tripes à nu.

Alter1fo : Makassy en quelques mots?

Makassy : Pour beaucoup, une apparence superficielle malgré le fait que je sois H24 en jogging (rire). Mais pour mes proches et ceux qui voient au-delà du paraitre: un être sincère ne mâchant pas ses mots quelque soit le sujet.

Ça fait quoi de faire 2000 vues en un jour pour un de ses clips?

2000 personnes en 2 jours et 5000 en 5 jours, certes c’est dérisoire si on compare ces chiffres aux productions des artistes signés en major. Mais pour moi, qui suit un indépendant et qui ne bénéficie donc pas d’une visibilité nationale, c’est encourageant statistiquement parlant. Je compte 7000 amis, 5000 ont regardé le clip, soit 72% des gens au courant du projet. Comment ne pas rêver en se disant: « alalaa vu ce pourcentage, si WITNESS passait en TV, en radio, peut-être que ce clip, ce son, seraient considérés comme un des gros sons de 2011, nan? » (rires)

Pourquoi avoir choisi ce thème (très tabou en France), la maltraitance physique et sexuelle de la femme, dans une de tes chansons ?

En fait si tu veux, je pensais que les excisions, les maltraitances, les viols, etc. étaient surtout des actes propres au continent africain, où la femme n’est parfois pas considérée comme un être à part entière. De plus là bas, il n’y a pas d’experts ou de police en capacité d’enquêter pour prouver quoi que se soit lorsqu’un crime est commis.

Donc à la base je gardais ce projet pour ce type de femmes et ce type de pays. Quand facebook s’est développé, j’ai aussi eu l’occasion de discuter avec un tas de femmes vivant en Europe, dans des pays de droit, quoi. Et je peux te dire que pour ce qui est de mon entourage, j’estime qu’une femme sur 3 a vécu des sévices sexuels, des viols ou autres humiliations, sans jamais dénoncer les faits. Par peur de représailles, peur de perdre son emploi, peur de faire honte à la famille, par traumatisme, en pensant pouvoir oublier etc. Donc souvent, les affaires sont classées sans suite pour le criminel, et les vies des victimes classées, détruites…

Du coup, ce son, c’est pour donner du courage aux femmes d’ici. Je voudrais leur dire de craindre le silence comme la peste, car bien souvent, le criminel prend confiance dans l’impunité et devient récidiviste. Et je doute qu’une victime puisse survivre à une 2ème attaque ou souhaiter ce qu’elle a vécu à une autre femme. Et moi, beh, j’ai des petites soeurs, toi une petite copine peut-être, une mère sexy, ou une meilleure amie que tu aimes à qui ça pourrait arriver si on ne brise pas ce cercle vicieux, donc nan ! Etant donné que quelque part grâce à ma zik, je peux me poser en tant que leader d’opinions, je propose qu’on dise STOP !

Le clip est vraiment très touchant. As tu donné des idées au réalisateur du clip ou lui as tu laissé le champ libre ?

Le clip est touchant parce que le son est touchant. Et le son WITNESS, vous le devez à KREEMA de SURMEZUR RECORDS. Il a composé l’instrumental, m’a envoyé dans la cabine, et m’a dit: « MAK, quand tu fais du yaourt, t’as trop de feeling, trop d’émotions, vas-y lâche toi, chante n’importe quoi, j’enregistre, on fera une structure en fonction du contenu et après tu mettras des paroles sur un thème qui te tient à cœur.« 

Ensuite le clip, « WE MADE IT ENTERTAINMENT » a mon entière confiance, je donne des idées, mais je ne suis que chanteur, chacun sa place. Donc c’est Nicolas à qui vous devez tout. C’est un visionnaire, quelqu’un qui voit les choses au-delà du visible… Par exemple : Anne-Lise, la remarquable actrice principale, Aaron le petit du clip et tous les autres figurants, pour tous il s’agissait de leur 1ère expérience.

C’est comme des flashs qu’il a. Donc à partir du moment où il s’est imprégné du son, il s’est imprégné de mes émotions. Il a compris que la lâcheté des témoins, les silences des victimes, c’était ça qu’il fallait mettre en lumière, il a compris que je voulais un clip qui pouvait faire culpabiliser les criminels et les complices actifs ou passifs en les montrant du doigt.

Enfin le scénario découle des paroles, le tout agrémenté par des petits messages codés qu’a glissés Nicolas… Du type: la lumière verte (l’espoir), l’agression dont on ne voit pas les détails pour que chacun puisse s’approprier la suite selon son ressenti, son vécu aussi dramatique qu’il soit. En gros, ce clip, c’est un peu de toi, d’elle, de lui, de moi, de nous, vous, « elles »… Merci à elles de m’avoir parlé, j’espère avoir pu aider.

Ce n’est pas trop dur de sortir tes tripes et de faire un texte très humble dans la jungle machiste du hip-hop, RnB ?

Pour moi non car je ne suis pas un chanteur de genre enfermé dans des codes affiliés à un style de musique. Je chante pour être moi, je chante mes origines, je chante ce que la mondialisation a fait de moi musicalement parlant. Je chante ce que j’aime. Je chante donc pour être libre, je ne chanterai donc seulement qu’à condition de pouvoir rester vrai.

Et ma vérité du moment, c’est ma jeunesse qui considère de plus en plus le fait d’agresser une femme comme valorisant, comme « normal ». […]  Bref, le monde machiste du hip hop, RnB, lorsqu’il encourage à aller à l’encontre des droits de l’homme, beh je serai là pour proposer une alternative. Après le public fait en fonction de son libre-arbitre.

Mais en tant que leader d’opinions, les MC se doivent de proposer des tas de points de vue, d’être critique, objectif, et parfois instructif. Ils doivent savoir qu’ils ont plus de pouvoir éducatif que le président de la république. Les petits avec Skyrock connaissent leurs chansons par coeur sans prendre de recul dans l’assimilation des contenus. Quelque part ils sont aussi responsables de certains actes commis par les jeunes d’aujourd’hui.

D’où un appel à laisser un peu l’hypocrisie, le mythe de la vie à la Al Pacino pour devenir acteur de la création d’un monde où les femmes sortiraient sans avoir à craindre pour leur intégrité physique.

Quel est ton but quand tu montes sur scène ?

Je monte sur scène pour me nourrir des émotions du public. Ce que je veux c’est juste donner et ressentir et si je peux vivre de ce partage, ce serait merveilleux, même si ça reste secondaire.

Je sais que tu es très proche des gens qui te suivent. Pour toi, c’est important de garder un contact avec les gens qui aiment (ou pas) ta musique ?

Oui, ce sont ces gens qui t’aiment pour ce que tu es et non pas seulement pour ce que tu fais, qui font que tu restes les pieds sur terre. Ils sont mes référents avec le monde de l’humilité. Parce que je les aime et que je veux les garder, je resterai le même quoi.

Trouves-tu que la musique que tu fais est assez reconnue dans le milieu musical rennais ?

Ah nan, à RENNES, il n’y a que quand je tourne un clip, quand j’ai un concert, quand j’ai un clip qui sort, quand je vois les invitations facebook, les gens qui me reconnaissent dans la rue, les sonneries de portable raisonner avec mes sons etc… que je sais que le public apprécie ma musique. Mais si je me fie aux autres artistes de la ville, ainsi qu’à ceux qui programment les concerts, il n’ y a aucune reconnaissance.

Mais quelque part ce n’est pas un souci car du coup, j’ai été plus disponible pour les autres villes et pays, pour leurs concerts ou évènements, et du coup, mes sons sont joués jusqu’au Canada, ou en Belgique. On me connaît plus et on me fait musicalement plus confiance ailleurs que chez moi… C’est grave quand même hein? (rires)

Tes futurs projets ?

La sortie de mon DVD. Je me bats pour sortir et produire ce premier projet seul car je ne veux pas qu’un jour on me dise que j’ai été produit par un tel ou autre ou encore qu’une maison de disques m’a fabriqué de toutes pièces. En découleront des concerts, une commercialisation, etc. La suite on verra dans un an, il ne faut pas être trop gourmand.

Le mot de la fin ?

Merci Alter1fo, ce fut un honneur.

Retrouvez toutes nos interviews-focus sur la scène rennaise ici

(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba…)

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