Focus sur la scène rennaise – Korkoj en interview

Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…

KorkojLa scène noise rennaise ? Elle se porte bien, merci. La preuve avec le trio Korkoj qui sera en concert à l’Ubu le 10 mai prochain. Le trio guitare-basse-batterie (Frédéric Gablin à la guitare et aux claviers, Matthieu Noblet à la batterie et Ronan Bedo à la basse), anciennement connu sur les terres rennaises et londoniennes sous le nom d’Olgoj Korkoj, est en effet responsable de l’assez époustouflant Tranche Finale sorti en ce début d’année. Entre post-rock instrumental qui prend le temps de poser des ambiances tout en retenue, déflagrations de noise mutante teintées de furtives réminiscences parfois à la limite du métal et compositions alambiquées lorgnant du côté du jazz, la musique de Korkoj prend les chemins de traverse. Pour preuve, un album qui n’est en fait qu’un seul et même long morceau de près de 50 minutes. Pourtant si l’album est déjà passionnant, c’est en live, de l’avis même du groupe, qu’il faut les entendre pour appréhender au mieux leur musique. Rendez-vous donc à l’Ubu le 10 mai. En attendant, rencontre avec le trio.

Korkoj 3Alter1fo : Si vous deviez vous présenter en quelques mots ou quelques lignes, que diriez-vous ?

Korkoj : Salut ! On s’appelle Korkoj, mais ça se prononce korkoï. On vient de Rennes et on propose un gros mélange à base de rock instrumental qui évoquera tour à tour King Crimson, Mogwaï ou bien Shora, bref une musique mutante. De plus, chaque concert est unique et reflète l’envie du moment, alors je te conseille vivement de venir nous voir plein de fois en concert, tu seras toujours surpris !

On en prend bonne note ! Sinon, comment en êtes-vous arrivés à ce projet ? Quelle est la genèse de Korkoj ? Pourquoi être passé d’Olgoj Korkoj à Korkoj ?

On s’est connu avec Olgoj Korkoj, un groupe s’adonnant au punk math rock débridé. Durant 2 ans (2006-2008), on a eu la chance de jouer sur quelques scènes et cafés sur Rennes et Londres. Suite au départ pour Londres de deux de nos membres (Olina Svobodova et Samuel Anger, respectivement chanteuse et guitariste), nous avons essayé de fonctionner à distance, mais ça s’est avéré trop ardu.

Ainsi, nous avons tous décidé qu’Olgoj Korkoj ne verrait à nouveau le jour que lorsque tous ses membres seraient à nouveau réunis. Les membres rennais restant (Frédéric Gablin, Matthieu Noblet et Ronan Bedo, respectivement guitariste / claviériste, batteur et bassiste) ont donc décidé de continuer l’aventure sous le nom de Korkoj. Korkoj c’est donc les Rennais et, Olgoj, les Londoniens !

Korkoj 4Sur Tranche Finale, on commence par une noise mutante et répétitive, mais ensuite, tout bascule constamment vers d’autres genres, qu’il s’agisse de math rock ou de jazz, par exemple. On se dit que vos discothèques respectives doivent être bien variées… Quelles influences revendiqueriez-vous de votre côté ?

Ronan : Je ne « revendique » rien de spécial. Je trouve le terme trop fort… Je n’écoute que très peu de musique, disons que je dois apporter la petite touche post rock et progressive à Korkoj : Mogwaï, Godspeed, You, Black Emperor, King Crimson, Tortoise, Magma sont des groupes que j’affectionne.

Matt : Oui, on ne revendique rien, mais on a forcément des influences. Je viens du hardcore en tant que musicien, pour ce qui est de mes goûts musicaux, c’est un peu plus compliqué ! Ça part du métal extrême, hardcore, la noise, le jazz contemporain, le jazz-funk, en passant fortement par la musique orientale, africaine et indienne, etc.

Trois disques sans lesquels vous ne pourriez vivre ?

Ronan : Frank Black de Frank Black (1993)

Matt : Ronan, il t’en manque deux là ! Ah ah. Ouille c’est compliqué… Je dirais qu’en ce moment ce serait le troisième album de the Budos Band (sur Daptone, forcément c’est du tout bon [NDLR : on est d’accord !]), Everything is fire de Ulcerate (des Néo Zélandais qui proposent un espèce de death à la sauce Neurosis, ma plus grosse baffe death depuis 2008), et Mavra Froudia (avec Stelios Petrakis, Efren Lopez et Bijan Chemirani, un trio de musique orientale fortement influencé par Ross Daly).

Fred: Mirrored de Battles (2007)

Korkoj 2Pourquoi avoir choisi un projet essentiellement instrumental ?

Parce qu’on ne sait pas chanter ! Et puis on est bien comme ça, à trois. Nous sommes bien plus rapides, on connait tous nos instruments. Pourquoi un chant dans ce cas ?

Comment composez-vous ? Vous improvisez ? Votre album Tranche Finale, sorti en janvier dernier, est en réalité un seul même morceau de plus de 50 minutes. Comment ça s’est passé pour la composition ?

Quand on a commencé à composer pour Korkoj, on travaillait à trois, tous ensemble dans le local. Quelqu’un venait en répétition avec un bout de riff qu’il avait trouvé, on le bossait pour l’intégrer au morceau. On s’est très vite retrouvé avec un morceau de 10, puis 15, puis 20 minutes. Nous avons alors pris la décision de le continuer jusqu’à ce qu’il atteigne la durée moyenne d’un concert. Nous n’improvisons pas vraiment, c’est plutôt qu’on ne compte pas le nombre de mesures sur certaines parties. On se regarde, et on choisit de s’arrêter à un certain moment, c’est tout. Depuis on a un peu modifié notre façon de composer. Maintenant on fait des répés avec juste le bassiste et le guitariste, cela nous permet de rechercher des pistes mélodiques, et la répé suivante le batteur donne une structure à l’ensemble. On trouve ce fonctionnement efficace, on avance beaucoup plus vite ainsi.

Korkoj en studioOù avez-vous enregistré ? En studio, à la maison ? Comment cela s’est-il passé ? Des prises live ?

Nous avons enregistré chez Jérôme Cousin, un ami qui a son studio (studio Vetter) chez lui, et ce pendant 2 jours. En effet, il s’agissait de live, nous tenions à garder l’émulation et l’énergie lorsque nous jouions ensemble. Nous sommes vraiment satisfaits du résultat, Jérôme bosse vraiment bien, il a réalisé les différentes prises de son et le mixage. Nous avons tenté de minimiser le nombre de prises, en général plus tu t’entêtes moins ça sonne au final. La matière accumulée en deux jours était pourtant imposante, au grand dam du mixeur…

Côté mastering, nous avons travaillé à Passage A Niveau (PAN), chez Sébastien Lorho. Lui aussi a fait un super boulot ! Donc ces deux là sont à recommander fortement ! La doublette infernale. Il faut dire aussi qu’ils apprécient tous les deux notre musique, ce qui rend les choses plus faciles.

Matt : J’ai des attentes assez précises sur le son final de la batterie. Je connais bien mon matériel et je sais quel son on peut en tirer. Jérôme a fait un boulot terrible en plaçant les micros de façon à ce que le son de batterie soit le plus fidèle possible. Chapeau !

Korkoj - Tranche finaleQuelles étaient vos envies avec l’enregistrement de cet album ?

Une envie de partager notre musique, et de faire plein de concerts, forcément ! Korkoj se révèle en live, c’est là qu’est notre place. L’enregistrement sert simplement à nous promouvoir et donner envie aux gens de nous voir et nous entendre sur scène.

Pour le confort de l’auditeur, vous avez partagé le disque en 9 plages distinctes. Mais votre envie au départ, c’était plutôt qu’on l’écoute dans son ensemble ?

Oui, il faut écouter au moins une fois ce disque d’une seule traite.

Ronan : On s’est posé la question… J’avais déjà par le passé proposé un découpage particulier sur un disque avec un autre groupe (Monoceros) et, finalement, ce n’était pas forcément une bonne idée. On a préféré faire ainsi pour des raisons purement pratiques en se disant que si une personne avait envie d’écouter le passage qui se situe à 23min36s, il serait bien emmerdé et que ce serait sans doute un frein pour la diffusion de manière générale, ce qui est un peu idiot justement dans l’optique de diffuser sa zic. Dans ce but, nous avons effectué un découpage aux endroits où la musique le permettait.

Il peut y avoir un côté cinématographique dans votre musique, notamment sur les passages les plus calmes. Est-ce que c’est voulu ? Vous partez d’images pour composer, ou pas du tout ? (je pense notamment à « quatre minutes quarante-neuf » qui sonne comme du Shipping News).

Korkoj en studio 2Matt : Aucune image pour ma part, je n’ai jamais travaillé comme ça.

Ronan : Pas d’images, plutôt des sensations, un sentiment qui me traverse. Paradoxalement, notre univers est effectivement très cinématographique, comme souvent dans la musique instrumentale. Je comprends bien le parallèle très juste avec Shipping News. Le truc super intéressant là dedans, c’est qu’un même morceau pourra faire émerger, dans la même salle, différentes images chez des auditeurs différents qui n’auront pas vécu la même journée ou qui n’ont pas la même sensibilité musicale, c’est vraiment tripant de penser à tout ça. A contrario, ça peut ne rien évoquer du tout à certaines personnes.

Matt : Je suis peut être plus comme ça… Pas d’images, plus des sensations. Un coté intéressant dans Korkoj, c’est que l’on joue beaucoup sur les différences de volumes, cela donne des résultats surprenants en concert quand le public est « happé » par la musique.

Vous vous produisez à l’Ubu ce jeudi 10 mai. Comment s’articule le passage entre cet album et ce que vous faites sur scène, en live ?

Chaque concert est différent, on a tendance modifier sans cesse ce que l’on fait, donc en live le morceau évolue tout le temps. On rajoute de nouvelles parties, des transitions disparaissent, un thème retravaillé, etc. Par contre depuis qu’on a enregistré Tranche Finale, on l’a très peu modifiée, si ce n’est qu’en concert, on évite de jouer la partie piano pour des raisons de cohérence.

Korkoj studio 3Sur la scène rennaise, comment vous situez vous ? Êtes vous en contact avec d’autres groupes ou artistes rennais ? Desquels vous sentez vous proches ?

Ronan : Hum… On fait du noise rock …du post rock… du math rock …un peu de jazz…. Je dirais plutôt scène noise quand même ! Des amis rennais musiciens ? Il y en a quelques uns : Fago Sepia, Mermonte, We are van peebles , We only said, Trunks, Gésar Khan, Mantys, Rosa Negra, Kataplismik, Engine, Krabben in lake, Runn, 13th hole, Numerica Rockestra, Lady Jane, Laëtitia Sheriff, Olivier Mellano, et d’autres. D’une manière générale, on se sent proches de toutes ces personnes qui proposent une musique personnelle et qui ne font pas dans le copier/coller.

Matt : On se situe un peu le cul entre deux chaises. Mais oui, comme pour Ronan, c’est plutôt la scène noise qui répond le plus favorablement à notre musique. Sinon je joue dans trois autres groupes sur Rennes : Fago Sepia (je remplace le batteur quand il ne peut pas faire les concerts ou les tournées), Mermonte (le meilleur groupe pop du monde, hein !! Ah aha, c’est malin maintenant ça nous suit partout !)

(Rires) Désolée, je ne pensais pas ! Mais c’est chouette !

Sinon je joue dans Mantys (Metal hardcore). Du coup oui, des groupes rennais on en connait pas mal !

Après ce concert à l’Ubu, quels sont vos projets, vos actualités ?

On a une autre date le 16 juin au Bacardi à Callac (22). Sinon des morceaux à tonalité jazz-rock ont déjà été enregistrés. Plus du tout de guitare et un trio clavier/basse/batterie, des morceaux au format plus « standard », une énergie rock dans un format jazz assez prononcé. C’est très différent, et c’est assez marrant de jouer dans ce registre ! Un petit bol d’air frais dans la composition très rock de Korkoj. Mais on commence à se languir de notre style de prédilection et on va y revenir assez vite !

Merci !!

Ben merci à toi surtout, hein !

Retrouvez toutes nos interviews-focus sur la scène rennaise ici

(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba, Homecooking, Psykick Lyrikah, RCR, Bumpkin Island, Wonderboy, Micronologie, ReDeYe, Colin Linkoln, Sudden Death of Stars, Juveniles, Alexel, Güz II, The Enchanted Wood, James Legalize, The Missing Season, RezO, Bunch of Crows, Our Name is a Fake, Heskis’, Vortex, Users, Nola#, Mermonte, Mekah, Superets, We are Van Peebles…)

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Korkoj sera en concert à l’Ubu le 10 mai à partir de 21h -1, rue St Hélier, Rennes (3 euros)

Bandcamp de Korkoj : http://korkoj.bandcamp.com/

Tranche Finale est également disponible chez Blindspot.

Pour plus d’infos, vous pouvez aussi lire l’interview de Manon là

1 commentaires sur “Focus sur la scène rennaise – Korkoj en interview

  1. Manon

    J’avais pas vu le lien vers mon itw, merci beaucoup ! C’est très sympa !!

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