Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…
Rencontre avec l’activiste de toujours RezO, présentateur de l’émission Nex RezO (radio Canal B) et beatmaker de talent. Avec lui, nous reviendrons sur son parcours, sa façon de penser et ses futurs projets qui s’annoncent déjà lourds.
Alter1fo : Petite présentation ?
RezO : RezO (« R » majuscule , « O » majuscule , j’y tiens !), beatmaker depuis 97, animateur radio depuis 1998. Grand gamin, fan de HipHop depuis 20 ans maintenant.
Où et quand a commencé ton activisme hip-hop?
Je crois que l’activisme commence, pour chacun, lorsque tu te mets à propager ton amour pour ce mouvement. Quand tu commences à glisser à tes potes des cassettes dans lesquelles tu compiles des sons assez rares, des freestyles chopés sur telle ou telle radio. Quand tu commences à parler sans cesse de tel ou tel album, artiste, graffeur, danseur, qui déchire tout mais qui n’est pas connu… « Quoi ? Tu connais pas? Damn, faut que t’ailles écouter ça… » On est tous des activistes à notre échelle. Je ne m’estime pas être plus activiste qu’un autre. J’ai juste la chance d’avoir un média à disposition, depuis pratiquement 15 ans d’ailleurs, ce qui m’a permis de propager mon amour pour un autre Hip Hop, celui dont on n’entend pas forcément parler massivement ainsi que le Hip Hop de ma ville. J’ai ouvert la porte de mes locaux à tous ceux qui voulaient y passer, sans jugement, quitte à faire des lives où les mecs n’étaient pas forcément encore au point.
Quand as-tu décidé de sauter le pas et de commencer à faire du beatmaking?
Bah, j’ai tout de suite été attiré par ça… Dès 1997/98 en fait. Job à l’usine. Premières payes. Je me suis offert un SU10, petit sampleur avec lequel j’ai commencé à faire tourner mes premières boucles. Ca ne sortait pas vraiment de chez moi ! C’était plutôt les gars qui venaient freestyler à la maison. Je n’ai jamais imaginé en faire mon gagne-pain. Je fais des boucles comme certains chaussent les crampons, le dimanche, juste par plaisir. Ensuite, tu trouves des gens qui s’intéressent à ton taf, qui te demandent des prods. Mais si tu commences à y chercher un compensation financière, t’es pas sorti de l’auberge !
Quel type de productions aimes tu dans le hip-hop ?
Eh bien, le fait que je sois constamment en train de digguer et d’écouter du son, fait que j’ai un esprit assez large à ce niveau. J’aime vraiment beaucoup, beaucoup de styles. Concernant les nouvelles variantes Hip Hop imparables, j’ai quand même assez de mal avec les trucs Hip Hop Dubstep. Mes références sont très ambiance Golden Age comme les prods à la Pete Rock, Primo, ou encore les sons du Boot Camp de la première époque. Je ne suis pas trop fan des sons un peu trop « intello Hip Hop ». J’aime le Boom Bap plus que tout et j’ai du mal avec le discours : « non, mais moi, j’suis là depuis longtemps… Tu peux pas comprendre mon école ! » Y’a justement, aujourd’hui, tout un mouvement de MC’s de 20/22 ans, baignés au Old School, qui ont intégré, sans problème, tous les codes de notre mouvement et qui ressortent le truc avec excellence. Moi, je vois ça avec grand kiff.
Quel artiste t’a le plus marqué parmi tous ceux que tu as rencontrés ?
Je dirais Kery James ! J’avais le trac. Le gars avait arrêté sa carrière. Il n’avait rien sorti depuis Le combat continue. Il revenait sur le devant de la scène avec Si c’était à refaire. C’était à Nantes, en 2001 je crois. Sa toute première date. Son set n’était pas encore carré. Et lui aussi stressait aussi beaucoup… Mais pas pour les même raisons je pense. Moi, j’avais cent mille questions à lui poser. Quand il est rentré dans la salle dans laquelle Unstick ear et moi l’attendions, j’ai tout de suite ressenti une humilité certaine. Mais damn, quelle prestance ! Quelle aura ! C’était un truc de ouf ! Au final, j’ai du mal à réécouter cette interview car ma voix est toute tremblante. J’étais impressionné ! J’crois que c’est la seule fois ou je l’ai été d’ailleurs. Au bout de deux ou trois questions, les choses se sont détendues et, au final, on a passé plus d’une heure d’interview… Très agréable !
Il y a aussi T-Love. J’ai surkiffé notre rencontre. Je ne comprendrai jamais pourquoi si peu de gens connaissent cette MC ! Elle a tout pour elle : gentillesse, charisme et un son de dingo ! Quand j’ai été la voir en concert à Rennes, elle faisait la première partie de Don Choa, la blague ! C’était à la Cité. La salle était remplie de prépubères qui n’étaient là que pour Don Choa. Lorsque T-Love a commencé son set, c’était DJ Slurg aux platines. Vous me croirez ou pas, mais toute la salle s’est assise par terre ! Dur ! On aurait dit des mômes qui s’emmerdent devant un Hip Hop jazzy rarement aussi bien maîtrisé ! Eh bien, la miss ne s’est pas laissée démonter ! Elle a fait son show pour deux personnes : moi et une autre personne ! On était les seuls à jumper sur « Chiquita » ! A la fin du concert, je me suis débrouillé pour passer en backstages. J’ai été la voir et lui ai dit : « écoute, si ça te branche, j’ai un ami qui fait une émission Funk Hip Hop à Canal B (c’était le jeudi, à l’époque. Le selecta Funk Hip Hop, Alain, un selecta de dingue, animait la mythique émission Fat Beat Rennes). Ici, personne ne te connaît, mais là bas, les auditeurs te connaissent tous ! Elle n’a fait ni une ni deux, a pris toutes les bouteilles dans les loges, m’a fait un grand sourire, et let’s go, direction Canal B ! On s’est fait une soirée de dingue ! Ce moment restera gravé dans ma mémoire. C’était Hip Hop !
Tes futurs projets et collaborations ?
Depuis presque un an, je bûche sur mon album solo. Je ne sais pas trop ce que ça donnera. Je ne suis pas du genre à balancer : « je vais tuer tout le monde ! » Je le fais avec patience et j’y bosse vraiment dur ! J’essaye d’y injecter toutes mes influences sans copier personne, et d’y inviter les mecs que je respecte à fond. Je ne veux pas trop lâcher de noms de la tracklist. Je dirai juste qu’il y a quelques MCs reconnus de Paname, de Rennes. On retrouvera forcément mes potos de Micronologie, Panel Large et quelques connections Outre-Atlantique… Je n’ai pas trop envie d’en dire plus ! Mais, en tout cas, ça taffe dur ! Ca devrait être à disposition mi-2012 ! Deux vidéos sont en circulation afin de présenter la couleur du projet : « Nasty » avec Micronologie & Panel Large, et » Sans interruption » qui réunit A2H, Hell Maf, Micronologie encore, et 5 Majeur, sur des scratches de Dj Sauza. Je compte tourner un autre clip en décembre, qui sortira donc en début d’année prochaine. A part ça, je continue à glisser mes prods à droite et à gauche, vers ceux qui aiment mon style musical.
La question que tu aimerais que l’on te pose et y répondre ?
Je dirais : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Et là, je te répondrais : « Je cherche du travail dans la Culture à Rennes ! Alors, contactez moi SVP ! » (Rires)
3 artistes ou groupes hip-hop / Rock / Electro? (3 par style de musiques) .
Alors, je vais me permettre de transformer ta question en: 3 Artistes Hip Hop /Soul Funk /Jazz !
En Hip Hop , c’est toujours compliqué, j’en kiffe tellement ! Je vais parler en mode actu alors ! Actuellement, je me tourne en boucles le nouvel album de Evidence, qui est juste excellent ! « Gasmask » de The Left, dont je n’arrive pas à me descotcher et qui doit passer au moins, une fois par jour, par mes oreilles. Et pour faire de la promo en même temps, j’attends avec impatience, l’album de Ruste Juxx & Kyo Itachi, qui est un bête de producteur parisien. Très, très bon rappeur aussi au passage.
En soul, Nina Simone & Marvin Gaye sont des références. Je kiffe les albums de David Porter, The Dramatics aussi. En fait, y’en a trop : Betty Wright, Detroit Emerald, Jimmy Mcgriff, Crusaders… Bref ! I’m a soul man, quoi ! (Rires)
En jazz, je reste plus classique : Coltrane, Davis, Hancock qui a créé tellement de passerelles entre les styles.
Comment trouves-tu l’évolution des mentalités vis à vis de la culture hip-hop à Rennes?
Bah, je la trouve à l’image de l’évolution du Hip Hop en France. Plus ouvert, dans les mentalités. Les gens y voient moins le côté « racaille/ rebelle » … Mais, ceci est dû aussi au fait que beaucoup de nouvelles variantes du Hip Hop se sont développées. Plus légères en fait. On retrouve, maintenant, à Rennes, beaucoup d’évènements Hip Hop, des soirées bar, dans de petites ou grandes salles qui attirent un public éclectique, du trentenaire comme moi au jeune étudiant en slim ! Du coup , ça brasse une belle diversité. J’apprécie à fond même si les puristes vont dire que leur musique est récupérée. Je dirai que tout est toujours récupéré de toute manière …
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(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba, Homecooking, Psykick Lyrikah, RCR, Bumpkin Island, Wonderboy, Micronologie, ReDeYe, Colin Linkoln, Sudden Death of Stars, Juveniles, Alexel, Güz II, The Enchanted Wood, James Legalize, The Missing Season…)
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L’album gratuit d’I&A :
Le noomiz de RezO : http://www.noomiz.com/rezoprods