Fantasy : Pratchett & Jaworski

Tiphaine Patraque a 9 ans, elle est fille et petite-fille de berger, vit dans un pays de calcaire, normalement ça ne peut pas faire de bonnes sorcières.
Pourtant la jeune fille réussit à mettre une raclée à Jenny Dents-Vertes. Pour Miss Tique (oui, ça fait bien), c’est quand même impressionnant, mais pas suffisant pour ce qui arrive. Elle va chercher du renfort, laissant tout de même son crapaud à la gamine.
Ce ne sera pas son seul soutien. Le principal, c’est cette tribu de Nac Mac Feegle en kilts, peaux bleues et cheveux roux, d’une hauteur moyenne de 15 cm. Des êtres assez forts pour porter un mouton ou atterrir sur la tête.
Ils ne seront pas de trop pour aider Tiphaine à retrouver son petit frère, enlevé par la Reine des fées.

Terry Pratchett a déjà donné plus de 30 romans au cycle des Annales du Disque-Monde. Visiblement ça ne lui suffit pas puisqu’il y ajoute les Romans du Disque-Monde dont fait parti « Les Ch’tits Hommes Libres », celui par lequel on peut démarrer. On y retrouve la façon de l’auteur de déconner avec la Fantasy. Mais aussi pas mal de tendresse et de sains énervements contre les injustices ordinaires, tout ce qui va donner envie de suivre Tiphaine dans son voyage dans les rêves à l’intérieur des rêves, dans son histoire familiale aussi. Histoire dont le personnage central est Mémé Patraque, la vieille femme récemment décédée capable en son temps de faire prendre des décisions au baron et de se faire obéir de ces braillards-buveurs-voleurs de Nac Mac Feegle.

En dehors de la petite brune, ils sont les vrais héros de ce récit. De leur chef, Rob Deschamps, à Guilton simplet, le trop bavard, en passant par Jan-pwint-si-grand-que-Moyen-Jan-mais-plus-grand-que-Ch’tit-Jan ou Hamish, l’aviateur qui apprendra à atterrir avec une culotte ; avec force « Miyards ! » et coups de boules, les Pictsies vont formidablement épauler leur nouvelle Kelda dans son apprentissage risqué de la magie.

Les Ch’tits hommes libres
Terry Pratchett
Pocket, Fantasy
316 p. 7,20 €

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Benvenuto Gesufal est une sacrée enflure : assassin, violeur, joueur, capable de renier mère et presque père, mais c’est lui qui nous conte « Gagner la guerre ». On ne peut s’empêcher de le suivre et se mettre à sa place, éprouver tout ce qu’il prend dans la tronche, et il en prend !
Au service du Podestat de la République de Ciudalia, son excellence Leonide Ducatore, il est chargé d’un message pour le chah Eurymaxas, sublime souverain de Ressine. Il faut conclure un accord secret pour en finir avec le conflit que les compatriotes de notre bretteur semblent sur le point de gagner.
Cette course lui rapportera une gueule ravagée et la reconnaissance de son patron, une fois revenue dans la ville de son enfance de pouilleux. Quand on est dans les traces d’un personnage qui vise le sommet, pas sûr que cela suffise.

Près de mille pages pour un roman (en poche), c’est déjà conséquent. Il faut voir que Jean-Philippe Jaworski doit ici inventer un monde. Forcément, ça prend de la place. Mais c’est surtout parce que l’auteur de jeux de rôles n’est pas avare de mots. Pour tout dire, on ne savait pas que la langue française pouvait en contenir autant. Et comme ça n’est pas assez, il invente un jargon pour les rencontres entre membres de la Guilde des Chuchoteurs, dont fait partie notre « héros ». (Il ne serait pas surprenant cependant que ce sabir multipliât les emprunts aux argots d’Île-de-France)

Les décors choisis pour ce récit, ou leurs emprunts à l’Histoire réelle, permettent un sacré voyage et d’assez sales combats. Ce n’est pas un livre pour enfant. Des différentes rives de (ce qui ressemble à) la Méditerranée aux contrées plus septentrionales, Benvenuto a l’occasion d’exercer son métier de tueur dans des tavernes, cours, forêts, palais, bateaux etc …
Outre les noms fictifs et les mélanges de cultures, c’est la magie, le monde des sorciers et des elfes qui décalent avec notre passé.
Jaworski a la sagesse de s’en servir avec parcimonie. En toile de fond tout d’abord, puis de manière plus présente vers la fin du roman. Jamais comme une carte qui peut sortir n’importe quand pour tout truquer. Plutôt comme un ajout de l’étrange, donnant la dimension en plus qui accroche définitivement le spectateur.

C’est son premier roman, on en aurait pris un peu plus. Il peut nous en pondre d’autres quand il veut (peut), on sera plus que client.

Gagner la guerre
Jean-Philippe Jaworski
Folio SF
979 p. 12 €

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