Le monde est beau, la vie est belle et le ciel est bleu, même s’il fait quelque chose comme -15°C dehors. La raison de cette exubérance béate ? La réédition de l’un des albums les moins facilement trouvables de « La Souris Déglinguée », je veux parler de « Eddy Jones », le 5ème LP du groupe. Et à qui je dois ce petit bonheur ? A David Euthanasie, du label Euthanasie Records, le fameux label Tourangeaux (de Tours!!) spécialisé dans les rééditions de Punk et de Oi!
Un premier bon point c’est le packaging. La pochette est superbe, presque identique à mon original. Le disque est livré avec un livret intérieur qui reproduit les textes des chansons ainsi que les deux premiers opus de « Lima Sierra Delta », le bulletin propagandiste du groupe. Ce bulletin sort de façon épisodique depuis 1986 et donne des nouvelles du groupe à l’attention de « l’Internationale Raya Fan Club », les fans « hardcore » de La Souris Déglinguée. La seule modification notable par rapport au disque original de « Blue Silver », est l’ajout du punkoïde « An 2000 », mis de côté à l’époque. Le titre sera ré-enregistré pour l’album suivant « Quartier Libre ». C’est une bonne surprise de voir apparaître ce morceau que les fans réclamaient depuis un bail. Néanmoins, même avec la production soignée de Slim Pezin, le titre trouve mal sa place dans l’album.
A la première écoute (et aux suivantes), on n’est pas déçu du résultat. Eddy Jones sonne mieux que jamais. Ce qui frappe de prime abord, c’est le swing qui se dégage de l’ensemble. Il y a indubitablement une cohésion d’ensemble sur un terrain où l’on n’aurait pas vraiment vu la Souris s’épanouir. En lisant le « Lima Sierra Delta », Tai-Luc parle de « Djangoï », ce qui est assez bien vu pour définir la nouvelle direction musicale du Quintet Lysergique. Pourtant ce Rhythm And Blues jazzisant ne sort par de nulle part. Des prémices étaient déjà apparues dans l’album précédent, « La cité des anges », mais sont plus fermement assumées ici. Le résultat est sans doute dû à l’implication plus importante de Muzo dont le saxophone apporte une couche importante à cette coloration Jazzy. Un autre élément est la rythmique de l’album. Le producteur Slim Pezin, guitariste de studio formé au Rock And Roll, comprend parfaitement le jeu de Jean-Claude et il a les capacités pour l’exploiter au mieux. Enfin il baisse le volume des guitares et on se retrouve avec un disque au groove chaleureux qui garde néanmoins l’énergie et la signature du groupe. Une vraie réussite.
C’est « Eddy Jones » qui ouvre le bal. C’est le titre le plus jazzy de l’album, dont l’action se passe dans les sous-terrains enfumés du quartier latin des années 50. Ce n’est pas innocent de placer ce titre en tête car c’est lui qui va donner la tonalité de l’album, notamment par son ancrage dans les fifties. C’est aussi, une des premières fois que le piano s’invite dans un disque de LSD. Par bonheur, Slim Pezin, n’a pas opté pour le synthé qui a ruiné tant d’albums de l’époque. Le titre suivant, « Kamikaze Rock » est un classique du groupe, abonné de longue date aux prestations live. C’est aussi un des premiers titres ouvertement axé sur l’Asie, future thématique importante du groupe. L’ardeur du titre est ici tempérée par l’utilisation des guitares folks au lieu des habituelles guitares électriques. Le disque poursuit avec le superbe « En Indochine », titre autobiographique, lui aussi de toutes les setlists. Le titre oscille entre la tension du Punk avec son rythme martial et la guitare aux sonorités asiatiques. Le dernier couplet est la traduction en Mandarin du premier couplet avec un changement audacieux de rythme qui renforce la touche orientale. Puis c’est le Cha-Cha « La nuit sera blanche » qui clôt la première face. Il y est question de danse, et d’une DS noire…
La face B débute par « Jamais, jamais », une ode sentimentale Skatisante dont les paroles sont plus obscures que leur apparente simplicité. Ensuite la « Dernière chance » est une nouvelle chanson à danser. Dans celle ci, c’est le Bop qui est à l’honneur, une danse débridée bien dans le ton de l’album. On y parle même de la jungle où le soleil se lève. Le titre suivant, « Nouvelle Aube », est l’un des plus calmes du groupe, sensé freiner l’agitation des premiers rangs, avec sa touche jamaïcaine et encore une fois des guitares aux sonorités asiatiques. On y croise le fils d’Alain Delon qui malgré ses conneries ne moisit pas en prison comme le protagoniste principal de la chanson. L’album original se termine sur « Les Parents à Chantal » une nouvelle occasion de remuer ses hanches comme Chantal sur la musique en vogue durant l’été 62, le Twist. Le texte est une nouvelle fois faussement simple. Il y est question de la guerre d’Algérie et des blousons noirs qui foutent le boxon en métropole. De Gaulle veut mater les rebelles. Est ce qu’ils se donneront rendez vous à Clamart ? Il est amusant d’imaginer des rockers et des membres de l’OAS dans une action commune visant à assainir le pouvoir en place. La version Euthanasie se termine par un « En l’an 2000 » nettement plus swing et moins Heavy que la version « Quartier Libre », mais néanmoins trop brute pour se retrouver sur l’album original. Un petit plaisir pour les fans.
Eddy Jones permet à la Souris de sortir de son carcan de groupe PunkOïd ! Ils se sont montrés ambitieux et cela leur réussit. C’est aussi l’album de transition qui fait apparaître les thématiques asiatiques qui vont devenir omniprésentes dans les années à venir. Certains fidèles de la première heure vont déserter les premiers rangs, mais la palette musicale de la Souris va continuer de s’étoffer. Et puis les fans sont des éternels insatisfaits, mais ceux de la Souris sont fidèles et ils finissent tous par revenir chanter en chœur avec tous les voyous sur le front à l’avant garde.
Infos de dernière minute : La Souris Déglinguée vient de finir l’enregistrement de sa prochaine livraison que l’on espère vinylique, « Les toits du palace ». La date de sortie de la version numérique est prévue pour le 29 décembre. La raya toujours sur le front à l’avant garde a mis en ligne un site qui permet de participer au financement de l’album moyennant contreparties piochées dans les archives du groupe ou offertes par de gentils contributeurs. Donc si vous voulez vous faire plaisir ou juste soutenir le groupe, n’hésitez pas à participer.
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Liens
le site de contribution : http://www.lasourisdeglinguee.fr//a>
Le site d’Euthanasie Records
Le site officiel de La Souris Déglinguée
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