Et c’est reparti pour un tour de piste. L’artiste berlinois Robert Henke, invité spécial, en résidence sur toute la durée du festival, ouvrait dignement le bal des réjouissances lundi soir avec un voyage ludique et spatial dans l’univers sonore de l’aéroport de Saint Jacques.
On l’avoue sans honte aucune, on a totalement loupé l’inauguration du festival, avec petits fours sans doute, et présence de notre bon maire surement. Pas bien grave, puisque malgré quelques hésitations de parking, nous arrivons finalement pile à 20 h dans le hall de l’aéroport de Saint Jacques pour le démarrage de la restitution de la carte postale sonore de Robert Henke. Sur proposition des organisateurs, l’artiste sur place depuis septembre, a capté différents sons dans l’aéroport, y compris dans des zones habituellement interdites au public. Henke a ensuite retravaillé ses captations pour construire un voyage par delà le mur du son, qu’il présentait lundi 8 octobre en ouverture du festival Cultures Electroni[k].
A cette heure, ni passagers, ni personnels n’arpentent les lieux, mais le public du festival a répondu présent. Si le reste de l’aéroport semble bien vide, la partie réservée à la performance accueille une foule tout à fait respectable. Il faut d’abord un certain temps pour se faire au lieu. Le grand hall blanc d’accueil de l’aéroport est un lieu bien singulier pour une performance artistique. Mais il y a des coussins rouges au sol, la grande silhouette d’Henke derrière son laptop et surtout un impressionnant panel de six hauts parleurs disposés en cercle. On s’installe donc le plus près possible du centre de l’hexagone, et on ouvre grand les oreilles.
Ce qui frappe d’abord, c’est l’attention et la concentration du public. Les gens savent ce qu’ils sont venus écouter et le respect du travail de l’artiste est palpable. Pendant une demi-heure, Henke nous offre une épopée sonore flirtant délicieusement sur la frontière bien floue entre bruit et musique. Les compostions sont très fluides et le rythme lancinant. Pour quelqu’un de non-francophone, l’artiste utilise pourtant énormément, et avec une grande maîtrise, les paroles captées. Conversations anodines, jargon surréaliste et voix distordues par les talkies-walkies s’entremêlent et reviennent régulièrement. La traditionnelle annonce rappelant la loi Even dans les lieux publics est utilisée en guise de ponctuation. En version « No Smoking » ou « Merci de ne pas fumer », elle servira de leitmotiv avant de conclure sur un ultime malicieux «Ne laissez pas de bagages abandonnés ».
Le travail sur les sons est tout à fait remarquable. Henke bâtit son édifice avec nuance et subtilité. La spatialisation des sons est utilisée avec parcimonie et finesse. Si on a bien droit brièvement aux basses assourdissantes d’un décollage d’avion, l’ambiance est plutôt à l’apaisement. Le ballet strident mais gracieux d’imprimantes antédiluviennes ou le vrombissement de caoutchoucs subis à rude épreuve nous emmènent sur des gammes proches de l’electro glitch et minimale chère à Alva Noto.
La performance se conclut sur de chaleureux applaudissements. On en reprendrait volontiers une demi-heure de plus. Entrée en matière très réussie donc, qui place le festival sur un niveau d’excellence dont on espère bien qu’il ne redescendra pas.
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Cultures Electroni[k] a lieu du 8 au 14 octobre 2012 à Rennes.
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