Moments de douceur, souvent pleins de ce charme discret qui étreint les cœurs avec les prestations de My Sleeping Doll, Daughter et Broken Twin jeudi dernier à l’Antipode. Compte-rendu.
My Sleeping Doll
On manque les toutes premières notes de My Sleeping Doll mais on réussit tout de même à voir le set dans sa quasi intégralité. Après avoir travaillé avec d’autres musiciens pour la réalisation de son premier ep Exhale (qu’on écoute en boucle ici) réalisé avec Loïg Nguyen (et avec Pierre Marolleau à la batterie), My Sleeping Doll (en interview par ici et plus récemment par là) auparavant seule sur scène, est depuis peu rejointe par Ronan Bedo à la basse et Matthieu Noblet à la batterie (Korkoj, Mermonte).
On a pu la veille, en première partie de Trunks, au Mondo Bizzarro, redécouvrir les morceaux de la Miss ré-arrangés avec ses nouveaux acolytes. On craignait légèrement, on l’a dit, que la doublette ne fasse un peu d’ombre aux fragiles et délicates structures composées par la jeune femme et dissipe un peu de la magie qui entoure ses prestations solo.
On a vite été rassuré : si le trio en est encore à trouver son équilibre, le potentiel de la formation est aussi palpable que bigrement prometteur. D’autant que le son, ce soir, parfait, ré-équilibre la basse dans le mix par rapport à la veille, et rétablit la place de la guitare jouée par la jeune femme, toujours tout en nuances. Les apports de Mathieu Noblet à la batterie, viennent même encore ajouter de nouvelles couleurs tout aussi subtiles aux morceaux de la Belle. Avec Ronan Bedo et Matthieu Noblet, le set de My Sleeping Doll gagne également en énergie et se fait plus varié dans les couleurs qu’il propose.
Mais surtout, l’inexplicable magie qui se dégage des compositions de la jeune femme reste prégnante. Entre arpèges et résonances, parfois bouclée, la guitare se fait aussi apaisante que déchirante. Mr B. parlait hier de jeu fiévreux. On renchérit : la jeune femme ne joue pas sur l’aridité des guitares. Et pourtant, celle-ci, dénudée, joue sur le fil tendu entre sincérité et émotion, avec cette sorte de ténacité fragile qui nous la rend bouleversante.
Cela est encore renforcé par le fait que My Sleeping Doll, sans jamais en faire des tonnes, a cette façon de chanter étonnamment habitée. Sa voix, émouvante en diable, touche juste. Et profond. Les titres du ep sont juste parfaits. Seeker, par exemple, nous saisit immédiatement à la gorge. Quant à Silver Tongue, elle rentre aussitôt dans notre top 3 des chansons dédiées aux grands-mères.
Mais ce qui nous émeut finalement encore plus, c’est de voir la jeune femme, si timide et réservée, prendre davantage d’assurance et conscience du plaisir qu’elle suscite et ressent, au fil des dates. Mr B l’a dit hier, certes, la formation est en devenir et encore dans la recherche de son propre équilibre, mais le potentiel pour quelque chose de grand est là, et bien là.
La jeune Danoise Broken Twin (Majke Voss Romme) s’installe ensuite derrière ses claviers dans sa robe noire aux légères dentelles. Au milieu de l’obscurité, avec seul un halo de lumière autour d’elle, la jeune femme plaque les premiers accords. Les notes, lentes, s’élèvent sur la scène, tandis qu’une voix étonnamment profonde pour une si frêle et si jeune femme emplit l’air avec juste ce qu’il faut de résonance et de grain dans le timbre. La jeune femme est ensuite rejointe par Nils Gröndahl, violoniste qui accompagne ses maux et morceaux de lentes plaintes tout en langueur et parfois de très très légères dissonances. L’apport du violon donne davantage de nuances et de couleurs aux morceaux, tout comme l’utilisation d’un second micro par la jeune femme.
L’ensemble reste pourtant particulièrement épuré. Peut-être un poil trop d’ailleurs. Si l’on compare ce qu’on entend avec les quelques enregistrements du duo qu’on avait pu écouter (deux eps Sun has gone et Hold on to nothing, 2013), on regrette un peu les arrangements apportés par le travail en studio (voix doublées, triplées, boucles rythmiques, basse, guitare…), tout en discrétion et en élégance. D’autant que ce dépouillement et cette nudité renforcent le sentiment que chacune des compositions repose sur une idée et s’y limite.
Néanmoins, cette simplicité poussée à son extrême a aussi l’avantage de mettre l’accent sur l’émotion et sur la très belle voix de Majke Voss Romme, au timbre aussi chaud qu’émouvant et à la parfaite justesse. On apprécie également que le duo sur scène, ne se dépare pas de son élégance tout en retenue. Au final, donc, si les compositions de Broken Twin restent un peu trop sages à notre goût, l’instant est plein d’une fragilité charmante.
L’ambiance dans la salle change avec l’arrivée de Daughter, dont les fans sont venus en nombre. Dès les premières notes de Still, les cris et les applaudissements fusent dans la salle. Sur la gauche de la scène, Elena Tonra, tunique noire tombant sur un short et des collants opaques, cachée derrière une longue frange et une mèche tout aussi noire, alterne guitare et basse tout comme son comparse à l’opposé Igor Haefeli, casquette et archet en prime. En fond de scène, Rémi Aguilella, aux fûts, est épaulé par un bassiste-claviériste-guitariste sur la majorité des titres.
Les premières notes de Still, donc, donnent le ton : une certaine approche de la lenteur à la XX, de la guitare jouée à l’archet comme les Sigur Ros, de petites touches délicates qui emplissent le spectre sonore, mais surtout la voix d’Elena Tonra, qui ne se dépare jamais d’une douceur enveloppante, (un brin trop ?) renforcée par la reverb’. Amsterdam rappelle également par moments les grands frères de XX, notamment dans les accents que prend la voix d’Elena Tonra ou dans le son de la guitare.
A plusieurs reprises, entre les morceaux, Igor Haefeli s’adresse au public en français, adorable sous sa casquette, tandis que le quatuor rappelle à notre bon souvenir que ses eps valaient déjà le détour avec Love (The Wild Youth) et Handfill (His Young heart) enchaînés. Winter poursuit le travail de sape amorcé et nous plonge dans un abîme de délicatesse ouatée, avant de finir de nous emporter sur un refrain plus enlevé en empruntant des ponts bigrement bien troussés, comme le fera un peu plus tard un autre titre, Home.
Car c’est l’une des qualités du groupe (et non des moindres ; plutôt d’ailleurs une de celles qui nous impressionne le plus) : en plus d’avoir de vraies chansons (Winter ou Smother sont quand même de petits bijoux), Daughter sait aussi varier les ambiances à l’intérieur d’un même nuancier avec un sacré talent. Les morceaux sont toujours calmes, souvent un brin mélancolique, et pourtant, il s’y passe toujours des choses (on pourrait également citer Tomorrow).
Igor Haefeli plaisante d’ailleurs sur l’écoute plus qu’attentive et recueillie qui accompagne chacun des titres.
On apprécie ce rapport plein de douceur qui s’établit entre le groupe et la salle. Malgré l’impressionnante tripotée de guitares à leur disposition, les Daughter sont plein d’une humilité touchante, notamment les deux frontmen, Igor Haefeli, donc, mais aussi Elena Tonra, sincèrement touchée qui essaie de dissimuler son émotion et son embarras dans des sourires heureux adressés timidement à la salle.
On se dit que Daughter a pourtant dû jouer dans plusieurs hautes places musicales, à l’aura bien plus impressionnante. Ils ont pourtant ce soir une remarquable application à bien faire, à partager un vrai moment avec le public et semblent réellement touchés par l’accueil qu’ils reçoivent.
Les deux sont réellement adorables. Et le public ne s’y trompe pas : Youth commence dans les cris et les applaudissements. Elena Tonra, sourit alors entre humilité et timidité. Le tube de leur ep, repris sur leur album, n’est pas un succès par hasard et on se fait cueillir par ses montées émouvantes en diable « We are the reckless, We are the wild youth » . Home viendra ensuite finir le set en douceur pour un dernier joli moment partagé avec la salle. Le groupe quitte la scène en souriant, quasi sur la pointe des pieds d’humilité, en ayant comblé ses fans et charmé quelques autres.
Superbe resumé qui me ferait presque regretter de ne pas être venu à l’Antipode ce soir là, mais le concert à Nantes le lendemain était tout aussi magique 😉
Vous étiez à la buvette pour le rappel avec la sublime cover de Get Lucky ?
Sinon, très bon concert de Broken Twin une voix douce et chaude porté par un minimalisme extrême.
@ Djeepthejedi : Merci ! il va falloir que tu nous racontes 😉
@Paul-Alain : bien sûr comme le montre le reste du compte rendu, j’étais déjà torchée bien avant que le concert commence et j’ai passé mon temps au bar… d’ailleurs c’est un principe d’alter1fo : passer notre temps à la buvette, ne surtout pas passer une dizaine d’heures sur un compte-rendu et toujours dégommer les artistes en faisant bien attention d’y aller franco de port sans argumentation, parce que franchement ils ne le méritent pas. Et surtout ne jamais écouter les disques ou faire des recherches pour connaître le groupe et sa musique et toutes ces stupidités avant le concert. Non sincèrement, vous n’avez pas trouvé autre chose ?
Parce que la critique, on la prend bien, on est complètement conscient d’avoir à progresser, de ne pas être des professionnels, et même parfois de nous tromper. On essaie d’ailleurs quotidiennement de faire mieux.
On est aussi tout à fait d’accord avec le principe même de la subjectivité d’un compte rendu et que l’avis énoncé n’engage que le rédacteur du papier. On comprend donc carrément que certains soient parfois d’un avis contraire au nôtre (et même, pour tout dire, on trouve ça plutôt intéressant).
Mais le coup de la buvette, quand même ?
Donc non, j’étais bien là pour le rappel. Mais je n’avais rien de particulier à en dire, si ce n’est ce que j’avais déjà écrit (les sourires timides d’Elena Tonra en réponse au public). Dont acte.
Néanmoins, ravie pour vous que vous ayez particulièrement apprécié le final de Daughter. Et tout aussi intéressée par votre retour, différent du nôtre, sur la prestation de Broken Twin.