En se positionnant comme une alternative au Parti socialiste, Europe Ecologie Les Verts attaque les élections cantonales avec l’objectif de faire trembler la toute puissance du PS dans le département. Mais sur Rennes, les cantonales sont également pour les militants Verts rennais l’occasion de rappeler à une majorité municipale que sa prédominance n’est plus absolue.
Au soir du 20 mars prochain, les candidats d’Europe Ecologie les Verts ont bien l’intention d’être en lice pour le second tour dans certaines cantonales. Malgré la réforme électorale relevant de 10 à 12,5% des inscrits la barre à dépasser pour se maintenir, des triangulaires ne sont pas impossibles. Impossible n’est pas écolo, dira-t-on. Même si personne ne se méprend chez les Verts : « Ces 12,5% ont comme objectif de diminuer le poids des petites formations et de créer un bipartisme, explique Jean-Marie Goater, candidat EELV dans le canton Nord de Rennes. Le PS et l’UMP seraient les seuls partis pouvant prétendre au pouvoir. » A court terme, le risque de la bipartisation de la vie politique au bénéfice des deux grandes formations est bien réel. Pour Solenne Raude, candidate dans le Canton Rennes Est, « le PS veut éliminer les plus petites formations et surtout les Verts qui n’acceptent pas d’être fondus dans une majorité socialiste et de ne pouvoir développer une conception alternative de la politique. » Romain Rebillon, candidat dans le canton de Vitré Ouest ne cache pas qu’il faudra « parler de ça avec les mecs du PS et leur demander s’ils comptent vraiment nous enterrer avec leur réforme. »
Vote urbain, vote rural…
Alors, quels peuvent être les enjeux de ces cantonales ? EELV veut d’abord faire du département un outil de transformation écologique et social. S’ils parviennent à atteindre les 20% des voix, comme on se le dit dans les rangs des militants, les Verts pourraient réellement peser sur la politique du PS. Le nombre de candidats présentés est en hausse, afin « d’offrir à tous les habitants d’Ille-et-Vilaine la possibilité de voter Europe Ecologie Les Verts ».
Le vote Vert caracole désormais en tête des formations politiques dans certains quartiers urbains. Solenne Raude confirme l’intérêt des habitants : « Ici, les gens viennent vers moi et me demandent quand auront lieu les réunions. Notre ambition c’est de continuer à susciter le débat car les habitants se plaignent souvent d’un manque de concertation avec la mairie». Le milieu rural quant à lui, reste à conquérir : « Il s’agit de labourer le terrain ici aussi, déclare Romain Rebillon. A Vitré et dans les campagnes aux alentours, le but est d’abord de renouveler le débat politique, de faire parler les gens et d’interpeller la droite qui a le pouvoir depuis des décennies. » A noter que les choses avancent. Ainsi, Gilles Nicolas, le maire de Chevaigné a rejoint EELV. Celui de Parcé, Lézin Galais, n’a pas rejoint les Verts mais a accepté leur soutien. « L’objectif de nos candidatures est finalement de porter l’écologie politique sur tout le territoire », confirme Romain Rebillon.
Ancrés dans la réalité sociale
Et de fait, les Verts se coltinent à une réalité sociale qui dépasse bien évidemment l’image d’Epinal de l’écologiste intransigeant. Une économie mise au service de l’emploi, une agriculture respectueuse de l’environnement, une société solidaire et citoyenne, autant de thèmes défendus par les 27 candidats sur le territoire du département. Prévenir le chômage est ainsi l’un des axes forts du programme, avec parfois des idées particulièrement innovantes : la mise en place d’un dispositif calqué sur le « Kurzarbeit » allemand permettrait selon les Verts de sauvegarder les emplois lors de périodes difficiles traversées par des entreprises. « Il s’agit en fait de compenser la différence entre le temps plein et le temps partiel des salariés par le recours à un fonds de roulement. »
L’Ille-et-Vilaine connaît également des difficultés d’ordre socio-économique à traiter au plus vite : « Aux alentours de Vitré, dans les petites communes, il existe d’énormes problèmes d’isolement des jeunes et des personnes du troisième âge, souligne Romain Rebillon. Le département a l’obligation de se préoccuper de ces gens. »
Lors des dernières élections municipales, les Verts avaient clairement dit au PS qu’ils ne souhaitaient pas leur servir de « caution écologique », ils avaient donc refusé de faire liste commune. Leur volonté de se distinguer de la majorité départementale perdure. Mais, semble-t-il, tout n’est pas si simple en période électorale : que penser en effet de l’alliance avec l’Union Démocratique Bretonne ? Petit rappel : l’UDB fait partie de la majorité municipale à Rennes. Que fera-t-elle si, en cas de triangulaires, le PS ordonne le rassemblement des forces de gauche ? Chez les Verts, certains pensent que cela risque de brouiller les cartes : « Sur le fond, nous avons beaucoup de points communs avec l’UDB mais ça pose effectivement un problème de clarté », reconnaît Jean-Marie Goater qui remarque cependant que Valérie Coussinet, candidate sur le canton de Rennes-Le Blosne, ne fait pas partie des élus à la mairie de Rennes.
Les couleuvres de la « Real » politique
On retrouve au niveau local, toute l’ambiguïté de l’ouverture voulue par Europe Ecologie. Lorsqu’un Daniel Cohn-Bendit parle d’accueillir des gens de droite, les Verts (particulièrement ceux de Rennes qui portent un message fortement à gauche) en restent Grosjean comme devant. Aux niveaux de la région Bretagne et de l’Ille-et-Vilaine, le rassemblement à tout va donne déjà des situations ubuesques : les élus dissidents des Verts qui avaient préféré rejoindre la majorité PS aux municipales de 2008 et lors des régionales suivantes pourraient bientôt réintégrer le parti écologiste via Europe Ecologie. Déjà des approches ont lieu du côté de la Région. Les dents grincent chez certains militant Verts. L’avenir dira si la « Real » politique (et son lot de couleuvres à avaler) est soluble dans la façon de faire de la politique que veulent porter les Verts ?
Mais l’échéance des cantonales remise ces manœuvres politiciennes à plus tard. Désormais, l’objectif affiché est que les voix portées sur les candidats EELV deviennent autant d’arguments pour relayer les luttes sur le terrain – celles des sans-papiers, celles contre les ondes électromagnétiques, celles destinées à aider les mal-logés, etc. – au niveau du Département Et puisque du local au national, il n’y a qu’un an de différence, les cantonales restent la première marche vers la préparation de la bataille de 2012. L’importance de cette élection, qui passe trop souvent inaperçue, se trouverait alors dans sa capacité à rassembler (et à compter) les forces en présence avant la grande confrontation des présidentielles.