Applaudissements nourris lors des Embellies @ L’Antipode

Ce samedi soir à l’Antipode, le festival des Embellies nous a, une fois de plus, concocté une soirée éclectique. Avec la confirmation des espoirs placés dans la version groupe de Ladylike Lily, et une belle révélation avec le quintet Applause.

Christine & The Queens

Grosse affluence aux portes de l’Antipode ce samedi soir, pour cette quatrième soirée du festival Les Embellies. Sur le papier, il faut dire que l’affiche proposée a de l’allure : un one-woman band décalé et son électro-pop, un quintet franco-belge et son pop-rock métissé, et une chanteuse de folk qui explore des rivages plus noisy, après deux semaines de résidence sur cette même scène de l’Antipode.

Avec un laptop pour seul instrument, Christine & The Queens débarque seule sur scène. On vous avait prévenu. Ce projet est celui d’Héloïse Lhetisser, créé après une rencontre avec trois drag queens lors d’un séjour londonien. Vêtue d’un smoking, avec de magnifiques bois sur la tête : on attendait du décalé, on va être servi ! Elle lance la partie instrumentale sur son ordi, et fait face au public, avec pour seul instrument sa voix : un très joli grain de voix, qui passe des aigus aux graves avec beaucoup d’aisance.

Musicalement, les enregistrements sont majoritairement électro-pop, avec des influences eighties marquées. Elle danse de manière masculine, en poussant (forcément) le trait, mime, sort une paire de ciseaux (son « petit ami »), blague avec le public, avec un soupçon de provocation. C’est plutôt agréable à écouter (et à voir), mais il nous manque ce petit plus pour nous emballer : plus exactement, il nous manque ce petit moins…

Quand on fait du « décalé », on peut effectivement être complètement barré, on y va à fond et ça fonctionne. Mais quand on joue ce type de personnage en forcant le trait, on risque de tomber dans le sur-jeu. On ne remet pas en question le petit grain de folie qui existe chez Christine & The Queens, mais le fait de pousser son personnage dans une caricature trop évidente, nous distrait de l’essentiel. Dommage, car musicalement, l’ensemble tient bien la route. On se dit qu’elle pourrait probablement jouer plus facilement avec son personnage si elle était effectivement entourée de ses Queens. Les moments les plus en retenue sont finalement les plus réussis, comme cette reprise de Mickael Jackson, Who Is It.

Applause

La pause est courte, et on enchaine avec une formation hétéroclite, Applause : 4 musiciens belges (2 wallons et 2 flamands) jouant ensemble depuis 15 ans, et un chanteur français, Nicolas Ly, qui officie avec le quatuor belge depuis 6 ans.

Après un premier EP (et son tube The Lighthouse), le groupe a sorti son premier album en 2011. L’écoute de Where It All Began nous avait séduit, avec une production soignée, signée Daniel Presley. Mais sur scène ?

Le résultat : une bonne petite claque musicale, qu’on n’attendait probablement pas aussi intense ! La base est clairement pop-rock, avec des touches électro plus discrètes en live. L’une des particularités de ce groupe est de nous proposer des compositions plus complexes que cette simple formule : au détour d’un titre pop-rock, la guitare envoie un riff jazzy, la rythmique devient funky, ou bien le chant devient soul. Cet aspect protéiforme ressort sur l’ensemble du set, mais parfois au sein d’un même morceau : le tout reste très cohérent et fait preuve d’une vraie originalité .

Et le rendu scénique de ces compos est véritablement emballant. Les musiciens jouent ensemble depuis de nombreuses années, et ça se ressent : c’est d’une efficacité musicale redoutable. Ca groove, ca sature, ça swingue, et c’est surtout très carré.

Et puis la voix de Nicolas, par moment très proche de Thom Yorke, puis de Jeff Buckley, peut prendre des virages soul du plus bel effet. Une vraie bonne surprise qu’on espère revoir très rapidement (et nous ne sommes pas les seuls, si on s’en tient à la réaction chaleureuse du public).

On a du mal à s’éclipser pour une petite pause houblonnée, car les rangs du public restent denses. Il faut dire qu’après avoir longtemps tourné en solo, Orianne Marsilli aka Ladylike Lily préparait depuis deux semaines un nouveau set, en version groupe cette fois-ci : dans le cadre des Embellies (en partenariat avec le Passage à Niveaux), cette création en résidence à l’Antipode débouchait sur un spectacle donné pour la première fois ce samedi 10 mars.

Cette représentation marquait le début de la tournée de Ladylike Lily, à l’occasion de la sortie de son premier album, Get Your Soul Washed. Autant dire qu’il devait y avoir une grosse pression du côté du groupe : et les petits soucis techniques qui ont précédé le set n’ont pas dû aider à faire redescendre cette pression.

Ladylike Lily

Après une pause un peu plus longue que prévue, Orianne arrive sur scène, accompagnée par Loïg Nguyen (We Only Said) : ils se mettent aux claviers, l’un en face de l’autre, pour débuter ce set. Un set qui va gagner ensuite en intensité avec l’arrivée de Pierre Marroleau (Fordamage, We Only Said) à la batterie et Yoann Buffeteau aux claviers et aux percussions (Montgomery). Les titres prennent alors des accents noisy, ce qui tranche vraiment avec les titres joués par Orianne seule.

Il est paradoxal de sortir un premier album en version groupe après avoir tourné en solo pendant de nombreux mois : mais l’album est à la hauteur du set, avec ce savant équilibre entre titres en solo et morceaux en groupe. A la différence de son premier EP, l’ambiance générale de l’album est beaucoup plus sombre : on a notamment eu un vrai coup de coeur pour les titres qui débutent en douceur (guitare acoustique-voix) pour finir dans des envolées post-rock.

Un seul petit regret : nous aurions bien aimé voir certains des titres joués en solo dans une version réorchestrée pour l’ensemble du groupe. Histoire de pousser l’idée jusqu’au bout. Mais cette expérience en groupe est tout récente et il serait surprenant de ne pas voir ce set évoluer dans les mois qui viennent.

Ladylike Lily n’a en tout cas pas perdu sa sensibilité, son sens de la mélodie et son grain de voix dans cette nouvelle formule en groupe. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’Orianne nous avait confié en 2010 avoir déjà collaboré avec Yoann et Loïg sur un titre pour le label Range Ta chambre. Une création en résidence réussie, qui devrait inciter les spectateurs présents à découvrir ce premier album (on a déjà apprécié certains titres, comme Who’s Next ?), dont la sortie est prévue le 26 mars. Lors du rappel, Orianne fera d’ailleurs un joli clin d’oeil à la réalisation de ce disque en invitant Damien et Matthieu Tillaut (Le Passage à Niveaux) à la rejoindre sur scène pour un magnifique trio.

La réussite de ce concert nous prouve une fois de plus l’importance de ces temps de créations pour les artistes. Merci à l’association Patchrock de nous avoir une fois de plus régalés avec cette soirée Embellies à l’Antipode !

Photos : Yann

Retrouvez tous nos articles sur les Embellies d’Hiver 2012.

Plus d’infos sur le site des Embellies : http://www.festival-lesembellies.com/index.php

Site de l’Antipode

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