Alter1fo cultive son Jard1 : Slim Wild Boar en interview

Slim Wild Boar

Le trio Slim Wild Boar nous avait secoué musicalement à quelques mois d’intervalle lors de leurs deux passages au Mondo Bizarro l’année dernière. Quand le Jardin Moderne nous a proposé une carte blanche à l’occasion du vernissage de notre expo photo, le trio rennais nous a semblé une évidence. Le projet country-folk de Kévin, chanteur du groupe punk The Decline, a pris de l’épaisseur au fil des années. Du premier album enregistré en solo dans son appart au troisième album Tales From the Wrong Side of Town, le groupe a beaucoup évolué tout en gardant la spécificité musicale qui nous a séduits : un mélange de folk, de country et de blues, teinté d’une subtile dose d’énergie punk. Le projet solo est devenu trio sur ce nouvel opus, avec The Forsaken Shadow (guitare) et Skinny Kid (batterie). Ils ont même été rejoins tout récemment par Killian à la contrebasse. Une évolution qui se ressent aussi dans la musique, avec une production soignée, sans perdre le côté DIY. Kévin (chanteur, guitariste) et Nicolas (batteur) ont accepté de répondre à nos questions. Interview.

Alter1fo : Si vous deviez présenter Slim Wild Boar en quelques mots, que diriez vous?

Kévin : C’est un projet minimaliste au départ qui s’est transformé en groupe et a évolué dans le temps. A la base je voulais faire un one man band, ça a évolué au niveau du nombre de musiciens mais aussi du nombre d’influences. Au début je voulais faire one man band un peu blues crado comme Scott H. Biram. Finalement je me suis rendu compte que j’étais un peu trop limité techniquement pour le faire et que j’avais d’autres aspirations. C’est maintenant devenu un quatuor, une contrebasse, des percussions et deux guitares avec des influences américaines qui vont du blues à la country mais aussi des trucs plus contemporains comme la folk un peu dark de Nick Cave ou 16 Horsepower.

Tu as fait ton premier album tout seul ?

Kévin : Oui je l’ai enregistré tout seul sans jamais qu’il y ait eu de concerts, c’est une maquette que j’ai fait dans ma piaule sur un quatre pistes. Je l’avais balancé sur Myspace et il est tombé dans l’oreille d’un label américain  ultra spécialisé et pointu dans la folk et country gothique, Devil’s Ruins Records qui m’a demandé de le sortir tel quel. Je me suis retrouvé dans l’obligation de faire des concerts, et j’ai fait appel à Iwen le guitariste électrique. Et puis d’album en album j’ai fait appel à Nicolas puis à Killian qui vient de nous rejoindre sans avoir joué sur l’album.

Slim Wild Boar

Pour l’enregistrement, ce troisième album a été réalisé en Italie ?

Kévin : Il est enregistré en Italie, dans un studio qui enregistre pas mal de groupes que l’on aime bien et qui sont issus d’un label suisse qui s’appelle Voodoo Rythm tenu par Reverend Beat Man. C’est un studio qui a la particularité d’enregistrer tout en analogique et non pas en numérique : c’est sur des bandes à l’ancienne, on ne retouche pas toutes les petites imperfections, on les garde.

Nicolas : soit tu passes le morceau d’un coup soit tu le refais, tu ne peux pas faire du re-re, il faut faire le morceau en entier en une prise. Tu acceptes la version finale avec ses petites erreurs, ses petits décalages : c’est ce qui fait le charme du truc, un peu bricolé.

Kévin : A un moment soit tu fais vingt mille fois la prise de façon à ce qu’il n’y ait plus d’imperfections, ce qui est impossible parce qu’un studio coûte cher, soit tu acceptes un taux minimal d’erreurs. C’est ce qui fait parfois le charme d’un enregistrement, c’est aussi une volonté d’être authentique. On recherche plus la spontanéité et l’inspiration avant la perfection technique.

Slim Wild Boar

Il y a un côté Do It Yourself.

Kévin : Carrément ! On vient aussi du punk rock Nico et moi, c’est quand même une des vertus du punk rock. C’est marrant parce que j’ai aussi un groupe de punk rock (The Decline) avec lequel j’enregistre en numérique et tout est nickel, tout est bien joué et un groupe de country folk où on accepte les erreurs.

Ce qui fait qu’il y a peu d’écart entre ce que vous jouez sur scène et ce que vous avez enregistré ?

Kévin : Oui, mais tu ne trouveras pas les mêmes erreurs sur scène et sur l’album (rires). On retrouve ce côté où l’on assume nos erreurs.

Nicolas : par rapport à l’enregistrement, on a très rapidement enregistré les morceaux de l’album avant de les avoir éclusé sur scène, c’est à dire que l’on est arrivé avec des versions des morceaux tels que vous pouvez l’entendre sur l’album. Ensuite, sans complétement différer il y a des éléments qui changent sur scène : ce sont des morceaux qui vivent quoi qu’il arrive sur scène, il n’y a jamais rien de figé.

Kévin : Effectivement, les morceaux ont évolués depuis l’enregistrement, c’est une des particularité de l’album par rapport au précédent : on n’avait pas du tout rodé les morceaux sur scène avant de les enregistrer, ce qui fait qu’on les a enregistré comme un premier jet. Finalement ils se bonifient avec le temps sur scène parce qu’on les joue de mieux en mieux, parce qu’on a d’autres idées.

Dans l’album il y a un son punk enregistré en studio et en live c’est encore plus punk.

Oui en live c’est encore plus punk, il y a une énergie différente.

Mais toujours assis quand même…

Kévin : Non plus maintenant, depuis juin dernier !

Nicolas : on avait joué sur une scène qui était trop petite et trop basse : lorsqu’Iwen et Kevin  étaient assis, les gens ne les voyaient pas (à St Brieuc pendant Art Rock le Off). Ils ont donc joué debout, tout le monde a aimé, nous les premiers ! Et ce concert a été filmé, ça nous a donné une vision de nous un peu différente, on trouvait que c’était cool !

Slim Wild Boar

En étant debout ça ne te donne pas envie de prendre une gestuelle plus punk ?

Kévin : Je m’en suis découverte une nouvelle, il n’y a rien de calculé. Et puis on était assis un peu par défaut, c’est parce qu’avant j’avais la grosse caisse. On avait gardé la posture assise parce qu’on trouvait ça très bien et finalement on en est revenu.

Nicolas : Et puis j’ai l’impression qu’il y a eu un changement d’orientation : quand les gars étaient assis on était plutôt dans un délire country triste avec un côté intimiste et glauque, maintenant qu’ils sont debout, on va peut être privilégier l’énergie sur scène car on s’est rendu compte que c’est ce qui fonctionnait le plus.

Kévin : C’est difficile de parler de l’attitude sur scène dans la mesure où elle n’est pas calculée :  je suis un gros traqueux et je n’ai jamais trop maitrisé ce que je fais sur scène, il se passe ce qu’il se passe.

L’album est à la fois produit par Kizmiaz et Beast Records.

Kévin : oui ce sont deux labels qui avaient déjà travaillé avec nous, qui sont importants pour nous car ils sont implantés localement. Ils ont une identité assez forte et proche de ce que l’on fait donc c’était cohérent.

D’ailleurs vous jouez pour les dix ans de Beast (le samedi 15 juin à l’Ubu) ?

Kévin : Oui, je crois bien que nous sommes le seul groupe français : il y aura des australiens des américains, on est plutôt content.

Il y a un côté très cinématographique dans votre musique.

Kévin : au début du projet; j’ai écrit les chansons pour le court métrage d’un copain : le film n’a jamais vu le jour mais les chansons étaient écrites et je me suis dit que je continuerai bien dans cet esprit là. Il y a toujours eu ce côté bande son d’un film qui n’existe pas.

D’autant plus que ça prend du sens avec l’idée de demander à un artiste d’illustrer  la pochette en s’inspirant des textes des chansons.

Kévin : c’est vrai, il y a le côté des textes qui demandent une image, c’est Nico qui a bossé sur le visuel avec Jean-Luc Navette, le tatoueur qui est aussi illustrateur.

Slim Wild Boar

Une envie justement d’illustrer musicalement un film ?

Kévin : Oui ce serait cool, surtout qu’on est tous cinéphiles, Nico est très branché arts plastiques, le côté visuel est très important dans le groupe. A terme on aimerait bosser visuellement la scène, avec un décor.

Nicolas : Ca dépend des scènes, mais ça pourrait se prêter à une mise en scène de temps en temps pour accentuer l’ambiance et peut être raconter une histoire.

Voire un visuel peut être ?

Nicolas : Oui pourquoi pas, quand on a joué à Amsterdam sur la dernière tournée, pendant que l’on jouait les gars projetaient des films de Méliès : c’était assez cool, ça rendait pas mal !

Juste pour revenir sur la pochette, comment s’est passée la rencontre avec Jean-Luc Navette ?

Nicolas : Au départ, j’adore ce qu’il fait en tant que tatoueur et illustrateur : j’aimais beaucoup ses dessins qui se rapprochent de notre univers. Il est fan de country, de vieux blues. Je m’étais dit que ce serait trop cool qu’il fasse notre pochette : on a pris notre courage à deux mains pour l’appeler, parce qu’on ne le connaissait absolument pas. On lui a envoyé deux, trois morceaux, et il se trouve qu’il a les appréciés.

Kévin : : c’est quelqu’un qui avait déjà fait des pochettes d’album comme Heavy Trash.

Nicolas : L’idée du dessin est plutôt venu de nous : on lui a donné les grandes lignes (l’histoire des deux personnages, avec la femme derrière, est-elle vivante ou morte, …) On lui a donné les grandes lignes et il a accepté de faire le dessin : on était hyper contents du résultat, il s’est vraiment investit dans le projet.

Vous revenez d’une tournée, Allemagne, Suisse, Hollande et France. Il y a eu aussi l’Italie en novembre ?

Kévin : Oui, en gros on fait deux tournées à l’étranger par an. L’année dernière, on avait l’Espagne et le Portugal. On a eu la chance d’aller jouer à Moscou, et on va faire un festival en Hongrie en mai. On a une musique qui s’exporte bien.

Vous avez des réseaux pour jouer ainsi à l’étranger ?

Kévin : La dernière tournée est assez représentative de ce que l’on fait habituellement. Soit je contacte directement les gens dans les règles de l’art, avec un dossier de presse, soit on me contacte pour qu’on vienne jouer. Il y a aussi des contacts du réseau punk-rock, notamment en Allemagne, où il  y a pas mal de lieux auto-gérés, de squats culturels. C’est moi qui fait le booking et il y a dix mille façons de le faire. Ca donne des tournées qui tiennent plutôt bien la route dans des endroits différents.

Tu parlais d’une musique qui parle à tous. Mais est-ce qu’il arrive qu’on vous prenne pour des américains ? Tu es parfaitement anglophone, la musique est truffée de références…

Nicolas : Quand ils entendent les choeurs, ils se rendent compte que non (rires)

Kévin : les européens pourraient nous prendre pour des américains. Mais les américains ne font pas vraiment ce genre de musique : ils ont tendance à être relativement puristes avec leurs styles musicaux. Ils aiment justement ce côté européen de la country. Même s’il y a ce côté western, je ne pense pas qu’on sonne tellement américain. De la même façon qu’il y a eu les westerns spaghetti, on fait de la country galette-saucisse (rires)

Slim Wild Boar

C’est country mais aussi, blues, folk, rock. On a l’impression que vous avez pris toutes les déclinaisons d’origine du rock.

Kévin : C’est ça qui sonne américain, parce que toutes les racines du rock viennent d’amérique. C’est ce que je trouve chouette dans ce projet, c’est de pouvoir y mettre toutes mes envies. Ma mère est irlandaise, et j’aime beaucoup la chanson folk irlandaise et ça ressort aussi dans mes chansons.

Ca vous brancherait d’aller jouer aux Etats-Unis ?

Kévin : Dans l’idéal, j’aimerais jouer un peu partout, mais l’Oregon, le Wyoming, tout le nord-ouest, ça serait vraiment chouette ! Mais ce n’est pas évident de jouer là-bas : tu n’es pas très bien payé, pas toujours hébergé. Il faut amasser un petit pécule avant, mais c’est faisable de trouver des dates là-bas, on commence à avoir quelques contacts.

Dans les productions, même s’il y a toujours un côté DIY, il y a un côté beaucoup plus soigné dans le dernier album. C’est quelque chose que vous recherchez ?

Kévin : j’ai tendance à faire à faire les choses dans l’urgence : ce qui explique que mes premiers albums ont été enregistrés un peu rapidement, avant que les morceaux soient totalement au point. Mais on progresse au fur et à mesure. Pas mal de groupes auraient sorti leur premier album comme notre troisième album. Il est plus soigné que les autres, on est un peu plus exigeant sur la production.

Nicolas : Il y a aussi le temps qu’on passe dessus, on a travaillé dessus une semaine, dont trois jours d’enregistrement.

Kévin : Je ne prenais pas ce temps avant : avant j’aurais enregistré les douze morceaux dans la journée (rires).

Il y a des petites touches d’harmonica et de piano sur l’album, mais ça reste centré sur les guitares et la batterie.

Kévin : Oui, c’est l’ossature du groupe : et c’est aussi le côté punk et authentique du groupe.

Nicolas : on ne va pas ressortir le piano en live. Certaines parties de piano sont refaites avec les choeurs, soit à la guitare. On ne va pas mettre des parties de piano partout sur l’album alors qu’aucun de nous n’en joue (rires).

Kévin : On respecte les groupes qui ont cette démarche là, mais ce n’est pas la nôtre, c’est tout. C’est juste un parti pris. Mais en parlant d’arrangements différents, on a eu la chance de jouer nos titres avec une harmonie municipale d’une très bon niveau : ils ont réarrangés trois de nos morceaux.

Nicolas : Cinquante musiciens derrière nous, c’est très impressionnant !

Pas trop difficile de se caler avec eux ?

Kévin : On a eu une seule répèt’. Mais ils sont très carrés, il y a un chef d’orchestre, on s’est calé aussi sur lui. Au niveau harmonique, c’était très bien réarrangé, il n’y avait rien qui dépassait.

Ca a été enregistré ?

Kévin : oui et filmé aussi. J’ai hâte de voir et d’entendre ça ! On parlait du côté musique de film tout à l’heure : ce côté prend vraiment toute son ampleur avec l’orchestre. Si un jour j’ai un budget illimité et le temps de le faire, j’enregistrerais bien un album avec plein d’instruments dessus.

Slim Wild Boar

Tu joues parfois seul, souvent à trois…

Kévin : Maintenant, nous jouons à quatre avec un contrebassiste, Killian. On a commencé a répéter, ça devrait être plutôt cohérent sur scène. On a eu l’opportunité de faire de grosses scènes ces dernières semaines, j’avais la sensation que des fréquences basses permettraient d’occuper plus facilement un grand espace.

Tu as eu une formation jazz à la guitare ?

Kévin : J’ai eu d’abord une formation classique au Conservatoire (trombone). Puis j’ai participé à un atelier d’impro jazz. Ca ne ressort pas forcément sur scène, mais ça m’a aidé à composer, dans l’harmonie générale, l’enchainement des accords. Je pourrais improviser, mais là, on est dans une musique écrite, le rock : il y a une mise en place plus carrée.

Il y a des moments rockab’ sur l’album, la contrebasse doit jouer un nouveau rôle sur scène, non ?

Kévin : Oui, ça sonne encore plus rockab’ ! Même s’il n’a pas un jeu aussi percutant. Je me suis fait la même réflexion sur deux ou trois morceaux en répèt’.

Si vous deviez citer trois albums sans lesquels vous ne pourriez pas vivre ?

Kévin : London Calling des Clash, At Folsom Prison de Johnny Cash, Rum Sodomy and the Lash des Pogues.

Nicolas : Si tu m’avais demandé le seul album, Let Love In de Nick Cave. Mark Lanegan, Blues Funeral que je trouve fantastique. Et Rome, le projet de Danger Mouse et Daniele Luppi, avec Norah Jones et Jack White sur quelques morceaux. Dans la catégorie musique de films imaginaires, c’est terrible !

Au niveau projet, il y a la soirée du 15 juin à l’Ubu pour les dix ans de Beast Records. D’autres projets de concerts ?

Kévin : On part en Hongrie, à Budapest. On a aussi un festival dans une forêt en Picardie. Et je vais recaler des dates pour la rentrée, puis une tournée à l’étranger, en septembre, octobre.

Et envie de réécrire déjà ?

Kévin : J’ai un projet d’album de reprises, mais j’ai aussi envie d’écrire de nouveaux titres.

Merci beaucoup !

Merci à vous !

Site de Slim Wild Boar

Interview : Lionel, Solène & Yann,

Photos : Solène

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20H – GRATUIT
Le Jardin Moderne – 11 rue du Manoir de Servigné, 35000 Rennes

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