Route du Rock 2018 – Frenchy but Chic ?

C’est la question. Avec cette nouvelle collection été qui aura lieu du 16 au 19 août prochains, le festival la Route du Rock glisse plusieurs artistes d’ici dans sa programmation. Ce qui n’est pas une révolution, certes (et loin de là), mais qui n’est pas complètement habituel non plus pour un festival qui cultive plutôt l’indie rock anglo-saxon. Petit tour de France malouin des grenouilles qu’on pourra y déguster.

The Limiñanas

C’est à des Français qui ont la classe que reviendra l’honneur d’ouvrir la scène du Fort le premier jour du festival puisque ce sont les formidables Lionel et Marie Limiñana aka The Limiñanas qui fourbiront leurs armes les premiers. Le duo de Cabestany (Pyrénées-Orientales – au sud de Perpignan) devrait sans peine (et quelle que soit la météo, qu’on se le dise) darder de ses rayons le festivalier ravi. Pédale fuzz pour le garage, guitare psychée en bandoulière même si non merci, je ne suis pas très drogue et paroles sixties absurdes (je t’ai croisée chez Prisunic, parmi les tomates atomiques) aussi sexy que les robes lamées de Françoise Hardy période Gainsbourg (ton coeur de pyrex résiste au feu), les Limiñanas ont ce charme indicible qui a conduit les labels américains à les courtiser (HoZac, un label de rock indépendant de Chicago, ou Trouble in Mind) avant même ceux d’ici.

Activiste des scènes perpignanaises (musiciens dans plusieurs formations du cru, organisation de concerts…) depuis bien plus longtemps, le duo complice de Pascal Comelade s’est formé en 2009 un peu par hasard puisqu’après deux morceaux postés sur Myspace, on leur en a demandé dès le lendemain une nouvelle palanquée. Marie s’est illico mise à la batterie et cinq albums plus tard, dont le dernier excellent cru, Shadow People (Because, janvier 2018), la pop du Velvet de Perpignan, aussi lancinante et primitive que celle de Lou et John, est tout autant émoustillante. D’ailleurs nos deux larrons de noir vêtus continuent de garder portes et fenêtres ouvertes à toutes les collaborations (comme depuis toujours) et ce ne sont pas moins que Bertrand Belin (amour éternel ici pour le garçon qui signe un Dimanche impérialement addictif), Peter Hook (de New Order une nouvelle fois), Emmanuelle Seigner ou Anton Newcombe (The Brian Jonestown Massacre) -avec qui ils enregistrent d’ailleurs ce dernier album en date- qui viennent poser leurs voix (entre autre) sur ce nouveau disque. Un excellent choix pour ouvrir la scène du Fort. Et puis, qui sait, comme Anton Newcombe y est programmé le même soir avec son Massacre, le Californien pourrait peut-être venir grossir les rangs de la formation occitane.

The Limiñanas – Vendredi 17 août – Le Fort St Père – 19h15.

Le Villejuif Underground

Juste avant, d’autres Français mais avec un Australien en prime lanceront les hostilités sur la scène des Remparts. Le Villejuif Underground qu’on a pu voir l’an dernier au Binic Blues Festival devrait faire fondre la glace (dans les verres) avec son rock garage psyché lo-fi indolent qui est en fait encore plus inclassable que ça.

Prestations déjantées menées par une bande hirsute un rien cinglée à la réputation de dézingués sans foi(e) ni loi, le quatuor du Val de Marne responsable d’un premier album Le Villejuif Underground en 2016 sur SDZ Records est également à la manette d’un ep Heavy Black Matter sur Born Bad Records la fin de la même année. Spontanés, les quatre chantres de la riante (et chic !) commune du Val de Marne devraient lancer la soirée sur des bases un tantinet dérangées comme on les aime. Avant de sortir un nouvel album sans cesse annoncé mais encore attendu.

Le Villejuif Underground – Vendredi 17 août – Le Fort st Père – 18h30.

Étienne Daho

Si l’acception frenchy but chic colle historiquement à l’un des artistes de la programmation, c’est évidemment à Étienne Daho puisque le natif d’Oran qui a passé sa jeunesse à Maurepas est une des figures essentielles des jeunes gens modernes des années 80. Et que justement la chronique de Jean-Eric Perrin dans Rock’n Folk (Frenchy but chic, donc) consacrée à la scène française célébrait les encore peu connus Rita Mitsouko, Marquis de Sade, Taxi Girl, Kas Produkt ou autres Elli et Jacno. A cette époque, le jeune homme était d’abord l’un de ces activistes de la scène rennaise, qui traînait avec Hervé Bordier (Transmusicales), Marquis de Sade, organisait un concert des Stinky Toys (le premier groupe de Jacno et Elli Medeiros) à Rennes pour son anniversaire et que ses copains poussaient sur la scène des Transmusicales (avec le groupe Entre les deux fils dénudés de la dynamo en 1979, puis en solo -Étienne Daho Junior- en décembre 1980).

© Pierre René-Worms / « Avant la Vague, Daho 78-81 ».

La suite on la connaît : des albums qui rencontrent le grand public de l’inaugural Mythomane 1981 à La Notte La Notte et son portrait culte signé Pierre & Gilles (1984) en passant par Pop Satori (1986), Paris Ailleurs (1991), Corps et armes (2000), L’invitation (2007), Les chansons de l’innocence retrouvée (2013) jusqu’à Blitz (2017) pour n’en citer qu’une partie et qui en font désormais le musicien référence d’une certaine nouvelle scène française. Au total une quinzaine de disques pop (scène et studio) à la gravité légère et aux pesanteurs aériennes où le musicien reste lui-même tout en gardant les oreilles grandes ouvertes sur le monde autour (de St Étienne à Rone, de Syd Barrett à Phil Spector, de Bowie à Zdar, de Brigitte Fontaine à Kenneth Anger le cinéaste qui inspire le visuel de Blitz…), élargissant constamment ses horizons esthétiques tout en cultivant sa singularité, en multipliant les amours et les collaborations.

Un garçon qui se tient à l’écart de la musique qui l’a formé, remué, bouleversé. Le rock. Parce que selon ses dires, il aurait été tenté de reproduire ce que ses idoles avaient déjà fait et qu’il se devait au contraire de trouver sa propre voie/voix. Concilier en quelques sortes ses amours rock et yéyé. C’est tout de même à la faveur d’un album plutôt rock (Blitz) et de la tournée d’été qui s’achèvera à st Malo qu’on retrouvera l’éternel rennais sur la scène de la Route du Rock. L’occasion pour nous d’y célébrer avec lui d’abord des amours partagées (Edith Fambuena et Jean-Louis Piérot – on gage que les cordes de L’étincelle sur Blitz viennent de par là-, Jean Genet – Le Condamné à mort avec Jeanne Moreau-, Kerouac -auquel Pop Satori fait référence-, Françoise Hardy et on en passe), son enthousiasme de fan absolu qui en font un passeur, mais surtout la singularité d’un garçon qui si on ne l’écoute pas souvent, reste une figure particulièrement attachante de la musique d’ici.

 

A noter : A l’occasion de la venue de l’artiste, le festival présentera un extrait de l’exposition proposée à la Philharmonie de Paris Daho l’aime pop qui plongeait à l’aide de 200 portraits dans les sources admises et cachées de la chanson pop française.

Etienne Daho – Vendredi 17 août – Le Fort St Père – 22h40.

Charlotte Gainsbourg

Charlotte Gainsbourg © Collier Shorr

Deux jours plus tard, c’est Charlotte Gainsbourg avec laquelle Etienne Daho avait justement signé le duo aux improbables rimes If (qu’on avait déjà entendu sur le disque de Ginger Ale découvert aux Transmusicales) qui foulera la scène du Fort. Après Air (5:55 – 2006-), Beck (IRM – 2009 et Stage Whispers 2011) et bien sûr son père (Charlotte Forever – 1986), c’est avec SebastiAn -mais aussi notre chouchou Emile Sornin (dont on vous reparle plus bas)- que la belle Charlotte a enregistré, puis livré le même jour que Daho, son tout nouvel album, Rest.

Un album de la perte, des souvenirs, du deuil et du manque, de ce que l’artiste avait à se dire à elle-même d’abord. En espérant qu’il touche, peut-être ailleurs. Et parce que Charlotte Gainsbourg, à son corps défendant, a quasi un statut de monument national, on aurait presque oublié que la perte d’un être cher, tout célèbre et adulé qu’il soit, reste d’abord une déchirure intime. Que la mort d’une sœur c’est d’abord vivre avec ce manque intolérable. Et que toute fille de qu’on soit, perdre un père fait surtout de vous une orpheline (on se souvient d’ailleurs que Syvia Plath, ici convoquée, cherchait elle aussi partout ce père trop tôt disparu). Cette fois-ci, Charlotte Gainsbourg s’accroche au français (avec dans l’ombre un Daho qui épaule et rassure). Ce n’est pas la première fois, mais peut-être tout de même jamais d’aussi près.

En réponse aux textes qui poignardent doucement (j’entends toujours battre les clous) autour des deuils, du temps qui passe, de la peur que la vie abîme ses enfants, les arrangements parfois luxuriants (Melody et son ombre tutélaire ne sont pas loin, mais qu’étrangeté de lui contester cet héritage), parfois épurés (tel Rest apporté par Guy-Man de Homem-Christo de Daft Punk) viennent écarteler le paradoxe d’un disque d’une insondable tristesse et pourtant terriblement vivant (et ce malgré, on le concède, quelques ratages, qui n’entament en rien l’intérêt qu’on lui porte). Aussi, si l’album ne fait pas la totale unanimité dans les rangs altéristes (de l’ennui poli à l’attachement réel), on attend avec une impatience curieuse et/ou inquiète de voir quelle amplitude le disque prendra sur scène, louvoyant on l’espère entre les écueils de l’intime, du trop lisse à l’embarrassant. On donne pour notre part toute notre confiance à l’artiste et on ose timidement espérer le meilleur.

Charlotte Gainsbourg – Dimanche 19 août – Le Fort st Père – 20h45

Phoenix

Bon on l’avoue. On est franchement désolé mais on n’a jamais accroché à Phoenix. On reconnaît sans peine que les garçons ont du talent pour combler les foules, qu’ils savent trousser des tubes et s’attacher les faveurs des publics d’ici comme d’Outre Atlantique. On se souvient même de les avoir vus au même endroit il y a quatorze ans (l’année du déluge sur Blonde Redhead) mais rien, on était resté l’encéphalogramme plat alors qu’autour tout s’agitait. Si on se rappelle bien, un des Phoenix escaladait même les pylônes de la scène et le public hurlait à qui mieux mieux. Nous pas.

Phoenix © Shervin Lainez

Pourtant les Phoenix ont tout ce qu’il faut. Depuis quasi 20 ans, les quatre Versaillais ont écumé les scènes du monde entier, sorti sept albums, mélangé les influences rock, électro et funk, sans oublier un peu de R’nB (notamment sur Alphabetical en 2004). Lancés à pleine vitesse sur les rails par un single plébiscité même outre-Manche If I ever feel better (United, 2000) et une aura de groupe rock french touch, Thomas Mars (chant), Deck d’Arcy (basse, clavier) Christian Mazzalai (guitare) et Laurent Brancowitz (guitare) ont su concrétiser avec notamment la sortie d’Alphabetical en 2004 (et le nouveau tube Everything is everything) et surtout l’encore plus acclamé Wolfgang Amadeus Phoenix (2009) enregistré et mixé par Zdar (Cassius) sorti sur leur propre label Loyauté.

Deux ans après le plus rock It’s Never Been Like That, le disque, gorgé de singles partout acclamés (1901, Lisztomania) leur ouvre les portes du Saturday Night Live sur la NBC (et Phoenix devient le premier groupe français à s’y produire) avec de nouveau la recette qui fait mouche depuis leurs débuts : une pop ligne claire aux guitares un tantinet funky et aux textures synthétiques. On a beau être des dingues de pop, on continue de s’y ennuyer gentiment. Et Bankrupt (2013) ou le dernier en date Ti amo et son Italie fantasmée (alors qu’en Italie, il y a Visconti, Dante, Fellini, Manzoni, Uzeda, Zu, Sciascia, Montale, Michelangelo, Verdi, Pasolini, les frères Taviani et on en passe… ce n’était quand même pas difficile de trouver mieux que l’italo-pop, non ?!) n’ont toujours pas réussi à nous convaincre. Comme le dit Mr B. sur ces pages, il n’y a que les cailloux et les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Avec l’énergie du désespoir, on compte donc sur les Versaillais pour nous faire quitter l’état minéral.

Phoenix – Dimanche 19 août – Fort St Père – 22h40

Forever Pavot

Ce garçon-là va pour sa part devenir un habitué de la plage malouine. Déjà programmé en 2015 au même endroit pour la sortie de son premier effort Rhapsode – Born Bad, 2014- irrésistible de classe, Forever Pavot revient affronter les vagues de la plage du Bon-Secours (renommée plage Arte pour l’occasion) et le sable sur les orteils. Emile Sornin déroulera ainsi les vagues morriconiennes de sa pop psychée pour les surfers du festival amateurs de déferlantes ouatées (parfois plus remuantes en live). « Il y a une dizaine d’années je faisais du punk hardcore, ensuite j’ai fait de la chiptune, de la pop, des compos garage / folk enregistrées sur K7, et maintenant des choses inspirées des musiques de films 60’s…la seule ligne directrice ce sont mes envies » avait sainement précisé Emile Sornin à la sortie du désormais essentiel Rhapsode. Album qui se révélait inspiré tout autant par le prog, que les musiques de film (De Roubaix, Morricone, Jean-Claude Vannier en tête), Broadcast, Stereolab ou le psyché turc.

Après Le Bon Coin Forever où le virtuose Emile Sornin partait à la rencontre des habitants du Poitou-Charentes et de leurs instruments insolites pour créer des compositions originales, le garçon et ses acolytes (notamment les copains Adrien Soleiman et Benjamin Glibert d’Aquaserge) restent du côté des charentaises (ouch !) en façonnant un cluedo musical de pop baroque, lunatique et barrée qui répond au doux et surprenant nom de La Pantoufle. En français cette fois-ci, Emile Sornin y déroule une musique cinématographique aux improbables scenarii, une sorte de tragédie psyché funk, au montage haché et plein d’humour, qui doit autant à François de Roubaix qu’à Philippe Sarde, au clavinet (une sorte de clavecin électrique) qu’au burlesque de la scène musicale de Canterbury, sans oublier les peurs enfantines des contes les plus hallucinés.

Bref, les Forever Pavot sont immanquables pour ceux qui aiment les musiciens qui se jouent des formats (nous en sommes). Et si en plus c’est sur la plage…

Forever Pavot – Dimanche 19 août – Plage Arte Concert St Malo – 16h.

Chevalrex

Toujours sur la plage, la pop en français ligne claire et voix altière de Chevalrex devrait également accompagner, lumineuse, les baignades familiales le vendredi 17 août. Chant en avant, voix un peu à la François Marry, Chevalrex, aka Rémy Poncet semble passer à une vitesse supérieure avec son dernier album en date, Anti-slogan sorti cette année. Car après un premier album intitulé Catapulte, enregistré à la maison, sorti en 2013 et sur lequel il jouait de tous les instruments, suivi par le déjà prometteur Futurisme (2016), Rémy Poncet met le paquet sur les arrangements avec son troisième opus.

Chevalrex – Credit Photo : Mathieu Zazzo

Ce qui n’est pas pour nous déplaire (en plus de la présence de Mocke à la guitare) car la pop mélodique du drômois y gagne une nouvelle profondeur. Épaulé par Sylvain Joasson à la batterie (Mendelson…) O, aka Olivier Marguerit (Syd Matters…) et ses talents de mutlti-instrumentiste, ainsi donc que Mocke et sa guitare déviante et funambule, sans oublier un orchestre de trente musiciens enregistré en Macédoine (et Angy Laperdrix à la co-production), Chevalrex passe de cordes soyeuses à des cuivres entêtants, trouve un équilibre aussi ténu qu’époustouflant et signe un disque particulièrement lumineux. Et puisque le créateur du label Objet Disque nous invite à parier sur l’espoir, plaçons le sans réserve sur le talentueux Rhône-alpin.

Chevalrex – Vendredi 17 août – Plage Arte Concert St Malo – 16h.

Magnetic Friends

Pour finir, les plus chics seront bien sûr comme d’habitude au Fort, comme chaque année. Les djs des Magnetic Friends auront en effet une nouvelle fois en charge de réchauffer l’ambiance entre les concerts. Et comme à leur habitude, ils devraient sortir de leurs besaces une tripotée de titres pour danser, faire des blindtests avec les copains, voire chanter à tue-tête bras dessus-dessous avec son voisin (parfois inconnu quelques minutes auparavant).

Entre madeleines indie-hip-pop-electro-rock et bombinettes-turbines à danser, les facétieux djs pourraient d’ailleurs glisser quelques surprenantes pépites. [On en profite d’ailleurs pour les remercier pour le remix de Christophe par Mansfield.Tya l’an dernier, juste sublime]. Oui, ça s’est déjà vu. Comment ? Vous avez dit chenille ? On n’avait pas dit chic ?

Magnetic Friends – Les 17, 18 et 19 août au Fort St Père.

 


La Route du Rock aura lieu du 16 au 19 août 2018.

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