La contraception ne se conjugue pas qu’au féminin !

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Liberté, égalité, contraception…

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« Le jour où tu avaleras quotidiennement des hormones pour te prémunir d’une future paternité, alors là oui, on pourra parler d’égalité homme-femme… »

Voilà comment une simple phrase peut vous mettre une gifle sinon un coup de pied aux fesses et réveiller vos neurones quelque peu endormis sous la couette douillette d’une tradition familiale bien française. La pilule pour les filles, le préservatif pour les gars ! C’était simple, réglé comme du papier à musique… comme une sorte de schéma contraceptif imposé depuis l’avènement de la pilule dans les année 1960.

Et puis à force de prendre conscience des vraies contraintes, des effets secondaires et surtout des risques liés à la prise d’un contraceptif notamment pour les contraceptifs oraux œstro-progestatifs de 3ième ou 4ième génération[►1], il apparaît légitime  de se demander pourquoi nous  laissons encore les femmes assumer pleinement la responsabilité de la contraception. Liberté, Egalité, Fécondité ??!!… Pas vraiment comme nous le confirme Charlotte Marchandise-Franquet, Adjointe à la Maire de Rennes, déléguée à la Santé  et Présidente du Réseau Français des Villes-Santé de l’OMS :

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Charlotte Marchandise-Franquet  : « Non seulement la contraception reste une responsabilité portée majoritairement par les femmes, mais en plus c’est un sujet sur lequel il reste énormément d’inégalités sur l’accès à l’information et aux contraceptifs. Nous travaillons sur des parcours locaux pour aider les jeunes à avoir l’information et la situation dans les quartiers est préoccupante, tandis que les moyens sont en baisse.  »

D’ailleurs, Françoise Héritier, ethnologue et anthropologue, lançait déjà un pavé dans la mare dans son livre « Masculin/Féminin II: Dissoudre la hiérarchie » publié en 2012   en s’interrogeant sur tout ce qui pourrait permettre de dissoudre la hiérarchie entre les sexes : « Accorder la liberté contraceptive aux femmes n’était (…) qu’une manière de laisser encore à leur seule responsabilité toutes les charges qui relèvent de la fécondité et de la procréation ». Et 2012, c’était hier. Pour preuve, suite au dernier remaniement ministériel de février 2016, les droits des femmes ont été relégués dans un triptyque nébuleux aux cotés de la famille et l’enfance créant ainsi une salutaire et vive polémique [►5].

Alors oui et comme l’affirme Catherine El Mghazli, membre de la commission nationale contraception du Planning Familial,  « les femmes en ont marre de cette responsabilité, elles sont prêtes à partager avec les hommes ». Mais les hommes aussi… enfin dans un monde idéal ou du moins lorsqu’ils répondent aux sondages[►2] car aujourd’hui combien sont-ils vraiment à accompagner leurs compagnes lors de rendez-vous gynécologiques, à partager le coût du contraceptif le plus souvent non remboursé, à pratiquer une vasectomie lorsque le choix de ne plus avoir d’enfant est décidé dans un couple[►3]?***

« Mon corps m’appartient… mes spermatozoïdes aussi ! »

Le Planning familial 35‎Contraception : où (en) sont les hommes ? - RENNESMalgré tout, le sujet les intéresse et cela reste une victoire en soi. C’est en tout cas ce qu’a constaté Lydie Porée, présidente du Planning Familial 35 qui organisait durant le mois de mars dernier à Rennes des réunions publiques sur le thème suivant : « Contraception, où (en) sont les hommes »

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Lydée Porée, présidente du Planning Familial 35 : « Pour un événement proposé par le planning avec une approche féministe, le fait d’avoir autant de monde et à chaque fois près d’un tiers d’hommes, c’est inédit… du jamais vu. Sans faire de généralité à partir de nos trois événements publics, j’ai été surprise par la participation d’hommes aussi concernés et déjà informés sur le sujet. Même s’ils ne représentent pas la majorité, à nous de les accompagner dans leurs démarches. »

Pour les membres de l’association Ardecom , le manque cruel d’informations sur le sujet explique pourquoi la situation n’a pas évolué depuis ces dernières décennies. Selon eux, la contraception masculine existe bel et bien aujourd’hui en France mais reste confidentielle. « Les méthodes de contraception hormonale masculine existent en France […] Jean-Claude Soufir et Roger Mieusset, médecins hospitaliers, sont les 2 seuls à la prescrire en France. La contraception thermique, elle aussi mise au point il y a une trentaine d’années est prescrite uniquement par le Dr Roger Mieusset au CHU de Toulouse. » [►4]. Au cours des années 1970, un médecin militant rennais avait d’ailleurs lui-même accompagné un groupe d’hommes qui pratiquaient une contraception hormonale.

Ce constat plutôt sévère est également partagé par le Planning Familial 35 qui ne se défausse pas de ses propres responsabilités, bien au contraire :

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Lydée Porée, présidente du Planning Familial 35 : « Il n’est pas surprenant que l’on connaisse mal les moyens de contraception pour les hommes parce que tous les discours et connaissances portent sur la contraception en direction des femmes. Le planning familial joue également un grand rôle là-dedans en tant que prescripteur de contraception et en tant que diffuseur de discours. Nous voyons donc que nous avons un logiciel à changer, que nous devons modifier notre approche, notre vocabulaire et notre vision des choses. Les moyens de contraceptions ne sont pas limités qu’aux femmes. »

D’ailleurs, les médecins généralistes, les gynécologues, les sages-femmes, les infirmiers sont-ils eux-mêmes au fait de ces différentes avancées et s’y intéressent-ils vraiment ? Quid de leurs formations à ce sujet ? Et comment éviter certaines réponses trop dogmatiques ou l’éternel reproche face à une demande de stérilisation à visée contraceptive du genre : « Mais si vous changez d’avis, si vous voulez un enfant dans les années à venir ? ». Il est toujours étonnant de se demander pourquoi cette même mise en garde n’est jamais faîte systématiquement aux futurs parents : « Mais si vous changez d’avis, si vous ne voulez plus de cet enfant dans les années à venir ? ».

Et que dire du traitement médiatique qui cloisonne parfois le débat aux seules avancées pharmaceutiques souvent décriées comme « futuristes » ou « probables » ? Marine Combe, journaliste et co-fondatrice de ‎YEGG MAGAZINE a son explication : 

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Marine Combe, journaliste (Yegg, Madame B) : « On ne parle pas suffisamment de la contraception masculine. Et je suis bien d’accord, cela fait des années et des années que l’on entend dire que ça va arriver, que c’est en préparation, en expérimentation et que d’ici quelques années ce sera chose faite. Les articles titrés « La pilule contraceptive pour les hommes, c’est pour bientôt » n’ont pas fini de faire couler de l’encre…Si la contraception est intégrée à la réflexion sur les droits des femmes, elle n’est cependant pas du tout intégrée côté hommes. Car pour l’instant elle n’est pas concrète. Du moins, elle n’est pas présentée dans les médias comme concrète […]. (NDLR : on notera la date du 1er avril choisie par Ouest france pour publier l’article ‘Vasalgel. Un gel contraceptif pour hommes commercialisé en 2018?’) […]. Dire que c’est parce qu’on est au tout début du sujet est une erreur : le sujet est sur le tapis depuis longtemps mais on essaye de le faire passer sous le tapis. De plus c’est en le mettant sur la place publique et médiatique que l’on pourra avancer. Car là, on tourne en rond depuis des années et des années ! De quoi a-t-on peur en tant que média ? […] A force d’attendre la réponse, on passe à côté de problématiques essentielles à l’évolution d’une société égalitaire. »

►► Cliquez pour retrouver ici l’interview complète de Marine Combe ◄◄ 

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article contraception***

Finalement, il apparaît plus simple de vanter des traitements qui améliorent la sexualité masculine avec ses risques et ses effets secondaires que de contraception. Cette dernière restant, avouons-le, dans certains imaginaires testostéronés synonyme d’impuissance. A l’inverse, imaginez l’état d’avancement de la contraception masculine si elle assurait une manne financière à l’industrie pharmaceutique aussi importante que celle du tadalafil utilisé dans les troubles de l’érection par exemple (10,2 milliards d’euros de ventes dans le monde depuis son lancement) ? Comment ne pas s’interroger sur le fait que la contraception ait aussi peu progressé par rapport à d’autres domaines ?

Pourtant être maître de sa paternité pour les hommes présente de nombreux avantages : accomplissement d’une conviction personnelle et épanouissement sexuel comme nous le confesse Laurent, 48 ans, sans enfant par choix, ayant pratiqué une vasectomie il y a bientôt deux ans :

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Laurent : « La vasectomie?… j’y pensais depuis plus d’une dizaine d’années déjà car non désireux d’enfant, je ne voulais pas devenir père par négligence (oubli de prise de contraceptif) ou par accident (craquage du préservatif)… sinon pire, à l’insu de mon plein gré… J’ai donc pratiqué la vasectomie il y a un an et demi. Je suis loin d’être un précurseur puisque des hommes stérilisés existaient déjà dans les années 1920-1930 dans les milieux libertaires et féministes. Ma réflexion découle de ces mouvements et ma démarche est plutôt militante, philosophique et politique. Un autre argument à cet acte est de donner la possibilité à ma future compagne d’arrêter la pilule qui n’est pas très bonne pour la santé. Cela fait partie de ma motivation : la contraception dans un couple ne repose pas que sur la femme. Et puis si vraiment j’ai envie de paterner, en plus de m’occuper de mes neveux, il me reste aussi l’adoption… Au final, cela n’entache en rien ma virilité, cela ne joue pas sur ma capacité à avoir des érections bien au contraire ! Personnellement, cela m’a libéré. Je peux jouir de la vie sans entrave. » 

En conclusion et en paraphrasant Charlotte Marchandise-Franquet, le mot d’ordre serait bien d’affirmer que la bonne contraception est celle que l’on choisit. Choix individuel en tant que personne, homme ou femme, responsable de sa fertilité, d’abord et puis choix de couple. A nous toutes et tous de permettre à chacun de faire et d’assumer ces choix éclairés.


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[1] Contraceptifs oraux estroprogestatifs : préférez les «pilules» de 1re ou 2e génération
[2] La contraception, une affaire de couple pour 9 Français sur 10
[3] La vasectomie, ce tabou français…
[4] Extrait du site web de l’association ARDECOM
[5] « Les droits des femmes sont davantage qu’un bout de scotch »« Les droits des femmes sont davantage qu’un bout de scotch »

rubrique_unjourINTERVIEW de MARINE COMBE – JOURNALISTE –

(AVRIL 2016)

Photos Yegg - Marine Combe article Alter1nfo

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► Alter1fo : Quel regard portez-vous sur le traitement médiatique  de la « contraception » ?

Marine Combe :  La contraception fait partie des sujets qui ont été intégrés aux réflexions sur les droits des femmes et leurs évolutions. C’est un des symboles des luttes féministes des années 60 / 70. Les médias, dans leur majorité, n’ont donc pas de réticence à traiter ce sujet et les angles vont êtres assez divers et variés selon les périodes de l’année (journée internationale des droits des femmes, journée de la contraception, etc.), selon les sujets (si on parle sexualités, sexualité féminine, IVG, risques, contraception naturelle, etc.) et selon les actualités (en ce moment on parle beaucoup de la suppression du pass contraception, résultat de la politique de Valérie Pécresse en IDF, et qui devrait se propager à la région Rhône-Alpes… ou on en a parlé lors des élections régionales lorsque le FN annonçait vouloir réduire/supprimer les subventions et aides financières aux associations féministes et notamment aux Planning familiaux… Ou encore à l’occasion des 60 ans du Planning Familial… Ou lorsque l’on célèbre l’anniversaire des lois sur la contraception…).

► Dans une France du « tout pilule », selon vous, sommes-nous bien informés sur les risques de la prise quotidienne de certains contraceptifs ?

Depuis 2012/2013 et le scandale des pilules de 3ième génération, les médias sont plus vigilants et attentifs aux risques encourus par la prise de pilule. On parle quand même assez peu des risques, ou alors ils sont associés à un autre facteur comme le tabac par exemple (« pilule et tabac, le cocktail explosif » peut-on souvent lire dans les articles ou en titre d’article). Une manière de minimiser les risques ou de trouver une autre excuse, puisque ce ne serait pas la pilule prise seule qui présenterait des risques pour la santé des femmes.

Professionnel-le-s de la santé – médecins et gynécos – sont divisé-e-s sur le sujet, les lobbys pharmaceutiques et gynécologiques exercent certainement une forte pression sur ces dernier-e-s et sur les pouvoirs publics. Les risques ont déjà été présentés dans les médias et sont rappelés régulièrement (embolie, phlébite, AVC…) mais toujours avec des pincettes, du conditionnel. Une manière de minimiser la véracité ou de se prémunir d’une vérité plus complexe ? La question est difficile car il y a certainement des deux. Et également d’autres éléments, entre les problématiques religieuses, éthiques et philosophiques.

Aussi, les alternatives jugées « sérieuses » étant assez rares (les méthodes de contraception naturelle sont décriées, contre-indiquées, moquées ou autre / le stérilet (avant une grossesse), s’il est de plus en plus répandu, n’est pas encore suffisamment ancré dans les mentalités – encore moins dans les pratiques gynécos – etc.), pointer les risques de la prise quotidienne de pilule, c’est s’exposer à un manque de solutions à proposer.

C’est un point auquel en tant que média on peut réfléchir : si on fait un article sur les risques, ok, on délivre une information (mais quelle plus value, si aucune étude n’est sortie entre temps, si aucune nouvelle preuve scientifique est venue s’ajouter à la liste des potentielles autres ?) mais que peut-on proposer comme alternatives si les pouvoirs publics et les professionnel-le-s de la santé, n’investissent pas eux-mêmes ces problématiques à cause d’enjeux financiers ou éthiques ? En 30/40 ans, la norme autour de la contraception s’est imposée dans la pilule contraceptive et il est difficile aujourd’hui de faire bouger cette norme, même en parlant des risques. Mais tout comme la première question, on n’en parle pas TROP, on en parle jamais trop.

Pour les effets secondaires, là, je pense qu’on n’en parle carrément pas assez. Est-ce que les médias craignent d’inquiéter les jeunes filles et les femmes autour des effets secondaires et par conséquent de les démotiver à s’orienter vers une pilule contraceptive ? Peut-être. Ce serait entendable. Mais je pense que l’on doit réfléchir en terme d’information et de prise de conscience. Laissant peut-être de côté nos jugements et surtout les jugements de la société. C’est-à-dire qu’il est important qu’une femme opte pour tel ou tel choix en toute connaissance de cause. Et non parce que c’est LA contraception N°1 en France…

Par contre, ce que je remarque dans les médias, c’est que la question de la contraception est très souvent détachée du corps des femmes. On parle de « droit à disposer de notre corps ». Oui, dans la régulation des naissances, dans le choix à avoir ou non des enfants, à interrompre ou non une grossesse, etc… Mais dans le fonctionnement du corps, qu’en est-il ? La prise quotidienne de pilule contraceptive bloque tout le processus naturel des cycles hormonaux. Les femmes ne connaissent pas le fonctionnement naturel de leurs corps qu’elles s’injectent déjà des hormones de synthèse qui auront des conséquences, plus ou moins graves, plus ou moins positives, plus ou moins négatives, sur le court ou long terme dans la majorité des cas. Si les médias s’accordent à partager cette injonction imposée aux femmes à connaître leur corps, par contre, rare sont ceux qui remettent en question ce facteur qui empêche de véritablement connaître son corps. Ce n’est pas un jugement porté envers les femmes qui prennent la pilule mais simplement un constat d’un chaînon manquant dans l’information sur le sujet.

► Alter1fo : Quelles sont les premiers moyens d’informations sur le sujet selon vous ?

Je pense qu’en général, les premiers moyens d’information sont les ami-e-s et les professionnel-le-s de la santé, puis vient la famille (tout dépend dans quelle famille on est, car dans certaines familles on ne parle pas de ça par exemple). Internet je pense doit aujourd’hui être un moyen d’information (de nombreux sites abordent ces questions là, l’OMS par exemple compare les efficacités des différentes méthodes de contraception, etc.) et les médias passent vers la fin.

Pour moi, un des meilleurs moyens d’informations à l’heure actuelle en terme de contraception est le Planning Familial. Elle offre la gratuité, l’anonymat, l’écoute, l’information, l’accompagnement… Je ne comprends pas qu’on ne lui accorde pas plus d’importance. En Ille-et-Vilaine, on a quand même deux antennes : une à Rennes et une à Saint-Malo, c’est tout de même une chance. Et dans le traitement médiatique autour de la contraception, je trouve qu’on oublie souvent de faire intervenir le PF ou d’en faire mention. Ils ont une expertise et une expérience quand même essentielles dans ce domaine et on ne les place pas en référence ?

► Alter1fo : Nous avons l’impression que les médias traitent peu et toujours sous le même angle la contraception masculine. Faites-vous la même observation ?  

Je suis bien d’accord, cela fait des années et des années que l’on entend dire que ça va arriver, que c’est en préparation, en expérimentation et que d’ici quelques années ce sera chose faite. Les articles titrés « La pilule contraceptive pour les hommes, c’est pour bientôt » n’ont pas fini de faire couler de l’encre…

Si la contraception est intégrée à la réflexion sur les droits des femmes, elle n’est cependant pas du tout intégrée côté hommes. Car pour l’instant elle n’est pas concrète. Du moins, elle n’est pas présentée dans les médias comme concrète. Car soit elle est en cours d’élaboration, soit elle est à revoir à cause des effets secondaires et des risques encore trop importants, soit elle n’est pas fiable, soit elle est trop contraignante. Pour cette dernière excuse, je prends notamment l’exemple d’injection hormonale que les hommes seraient amenés à se faire. Parce que prendre la pilule tous les jours à la même heure ce n’est pas contraignant ? Je trouve l’excuse lamentable.

Sans titreEt quand dans les médias on aborde les différents laboratoires pharmaceutiques, les différentes méthodes qui pourraient fonctionner (ou sont déjà en état de fonctionnement mais le recul est encore trop maigre pour être pris comme élément sérieux de référence), on parle soit des enjeux financiers pris comme une mauvaise nouvelle (une pilule masculine rapporterait moins d’argent qu’une pilule féminine : tant mieux non ?), soit des risques ou des effets (réversibles ou non). Mais prend-on en compte le ressenti des hommes ? le ressenti des femmes sur ce sujet ?

Non, c’est vu uniquement de manière scientifique ou pécuniaire (bien bien pire). Pourquoi ne pas faire témoigner des hommes désireux de choisir une méthode contraceptive ? ça c’est quand même très très rare dans les médias. Pourquoi ne crée-t-on pas du débat entre les pouvoirs publics, les pros de la santé, les labos, les assos féministes, des hommes et des femmes de la société civile qu’ils-elles soient pro contraception masculine ou non ?

Dire que c’est parce qu’on est au tout début du sujet est une erreur : le sujet est sur le tapis depuis longtemps mais on essaye de le faire passer sous le tapis. De plus c’est en le mettant sur la place publique et médiatique que l’on pourra avancer. Car là on tourne en rond depuis des années et des années ! De quoi a-t-on peur en tant que média ? Des opposant-e-s ? J’y crois pas… Des hommes ? Peur de les heurter dans leur virilité ? Que le sujet ne soit pas vendeur, pas « sexy » ? Ou alors est-ce de l’indifférence ? Du style, les femmes ont la contraception donc ce n’est pas une priorité pour les hommes de l’avoir également ? C’est tellement ancré dans les mentalités et les inconscients que l’on ne s’en soucie guère. Alors qui doit agir en premier ? Les pouvoirs publics ? Les médias ? Les pros de la santé ? Les hommes ? A force d’attendre la réponse, on passe à côté de problématiques essentielles à l’évolution d’une société égalitaire.

De nombreuses voix féminines et masculines témoignent d’une envie/besoin de partager la responsabilité de la contraception. Un sondage indique même que pour 71% des hommes, la contraception doit être « autant l’affaire de l’homme que de la femme ». Nous parlons souvent d’égalité de salaire, d’une meilleure répartition des taches ménagères, d’usage de la ville etc… mais très rarement d’égalité face à la contraception. La contraception serait-elle donc genrée ?

yegg magQuand on regarde un peu les titres des articles autour de la contraception masculine genre « La pilule qui a du mâle à passer » ou alors qu’on trouve les termes : interrupteur de sperme, contraception qui prend le contrôle, etc. on ne peut pas se dire qu’on tend à une égalité face à la contraception. C’est peut-être inconscient mais ça ne donne pas envie aux hommes de prendre une contraception qui va prendre le contrôle de leur système reproductif ni interrompre leur sperme ! Et ça se comprend ! C’est orienté pour qu’inconsciemment les hommes soient rebutés par la contraception masculine. Dans la plupart des cas, ça va être vécu comme une atteinte à la virilité et je pense que ce n’est pas comme ça qu’il faut présenter les choses. Car entre ça et les contraintes qu’on leur présente en terme de fréquence, il faut être sacrément motivé pour se porter volontaire.

La contraception est genrée, c’est certain : la contraception, c’est une affaire de femmes. C’est faux ! Même sans parler de contraception masculine, peu d’hommes se sentent impliqués dans la contraception des femmes. Et je pense que les femmes ont aussi tendance à intégrer cette indifférence et ignorance, en faisant alors leur affaire et ne cherchant pas forcément à inclure les hommes là dedans.

Mais déjà premier problème selon moi : les femmes sont mal informées autour de la contraception, des choix qu’elles ont, des risques qu’elles encourent, des effets secondaires qui peuvent survenir, du fonctionnement de chaque méthode et du fonctionnement de leur corps. Il y a là une nécessité d’éduquer les jeunes filles et les jeunes garçons à ces questions : connaître le corps. Que les filles et les garçons connaissent les fonctionnements des corps féminins et des corps masculins. Cela déjà arrêtera cette séparation : le corps des femmes est une affaire de femmes / le corps des garçons est une affaire de garçons. (je vais me répéter mais je crois à l’importance de l’éducation à l’égalité et à la collaboration entre l’éducation nationale et les associations qu’elles soient féministes comme le Planning familial ou d’éducation populaire comme l’asso Aroeven ou Liberté Couleurs par exemple).

Ensuite, les hommes devraient être inclus dans la contraception, qu’elle soit prise par la femme, par l’homme ou qu’elle soit naturelle.

Ainsi, les médias doivent casser les tabous autour des menstruations. Arrêter avec les images saugrenues de sautes d’humeur « incompréhensibles et inexplicables » en période de règles, arrêter avec les clichés (souvent très utilisés par les marques de produits hygiéniques). La contraception doit être l’affaire de tou-te-s. C’est ce que nous avons mis en avant lorsque nous avons fait le dossier sur la contraception avec l’interview d’un couple qui pratique la méthode Billings depuis 20 ans et parle de l’implication de l’homme et de la femme. C’est ce qui a été mis en avant également par le Planning Familial de Rennes à l’occasion du 8 mars en posant la question « La contraception : où (en) sont les hommes ? » Et c’est essentiel !

► La pose de stérilet, la ligature des trompes pratiquée sur des jeunes femmes sans enfant se pratiquent un peu plus mais des réticences fortes existent toujours; idem pour la vasectomie pratiquée sur des jeunes hommes ayant moins de 35 ans et qui n’ont pas eu d’enfant. « Disposer de son corps » n’est pas totalement vrai…

Disposer de son corps est encore une utopie. Le corps des femmes est la clé du pouvoir patriarcal. C’est un enjeu financier énorme et le marketing, les labos et les lobbys pharmaceutiques ne sont pas pas prêts de laisser tomber ça pour la seule cause de l’émancipation véritable des femmes. C’est leur fond de commerce l’émancipation des femmes, l’impression d’avoir le choix de sa contraception, de son mode de vie… Mais on en est encore loin. Surtout quand on parle des femmes sans enfants, elles subissent tout un tas de pression (nous l’avons évoqué dans YEGG à l’occasion d’un dossier sur les mutations des schémas familiaux et dans Madame B avec Charlotte Debest) destinées à leur faire penser qu’elles ne sont pas normales. Là aussi les médias commencent à en parler, à donner la parole aux « child free » comme on peut lire parfois (ou « nullipares », terme scientifique et froid, qui pointe inconsciemment l’échec des femmes qui n’ont pas voulu enfanter alors que c’est là leur mission principale… hum hum). Mais c’est encore très dérangeant pour la société d’entendre parler de celles et ceux qui ne souhaitent pas avoir d’enfant. On essaye de trouver des raisons biologiques ou psychiques pour expliquer qu’une connexion ne s’est pas faite, ou s’est mal faite, chez ces personnes-là.

Sans titreLes médecins, gynécos et autres ne sont pas forcément formé-e-s à l’envie de ne pas avoir d’enfant. Ils-elles réagissent donc avec leurs propres codes, leurs inconscients et leurs références genrées. Et ils-elles réagissent en pensant que c’est dans l’ordre des choses pour une femme d’avoir envie d’un bébé (elle est censée être programmée pour cela depuis petite, depuis qu’on lui a collé sa première poupée dans les bras et qu’on lui a dit de bien en prendre soin). Les professionnel-le-s, décontenancés, vont alors infantiliser la personne qui en face partage une vision différente de celle de la norme. Car cela veut dire que chez cette personne, il y a une forme d’ignorance, de méconnaissance. Et le savoir, ce sont les pros qui l’ont : le corps de la femme est fait pour y accueillir un fœtus et le faire grandir jusqu’à donner la vie à un être humain. Et les conneries d’horloge biologique n’arrangent pas les choses… Mais c’est un peu dangereux car ça peut être vécu comme une violence par les femmes qui ne veulent pas d’enfants. Elles se sentent jugées dans leur choix et obligées de se justifier ou de mentir alors qu’on ne demandera jamais à une femme qui est mère pourquoi elle a voulu avoir un enfant. Apprendre à respecter les choix des personnes, je ne suis pas sûre que ce soit la priorité dans les formations des professionnel-le-s de la santé. Mais attention, ce n’est pas une généralité. Il y a évidemment des médecins et des gynécos qui savent écouter, respecter, échanger, etc. avec leurs patient-e-s sans les juger et sans leur mettre la pression. Et sans demander aux femmes pourquoi elles veulent ou non un enfant.

C’est là la preuve de cette liberté à disposer de son corps. Mais c’est encore très minoritaire. Et disposer véritablement de son corps, c’est remettre en question des siècles et des siècles de domination masculine, idéologique et théologique. Et devoir réinventer, recréer des sociétés, trouver des solutions, croire en l’individu, etc. C’est compliqué et complexe car on passe notre temps à glisser d’une norme à une autre. Alors comment imaginer que la nouvelle norme soit la véritable émancipation des femmes à travers la liberté à disposer de leur propre corps ?

Pour le traitement médiatique, la réflexion n’est pas poussée aussi loin dans les médias généralistes puisque les rédactions ne vont pas prioriser les questions liées aux conditions des femmes. Et c’est vrai, l’égalité des salaires est devenue une problématique dont on parle dans les médias, mais pas l’égalité face à la contraception et aux assignations de genre dans leur ensemble. Les médias diront qu’ils ne peuvent pas parler de tout, qu’il faut des angles, des actualités, etc. Ce qui n’est pas faux. Et le rôle des médias alternatifs est alors de s’intéresser aux sujets moins médiatisés ou de justement prendre le temps de pousser la réflexion plus loin et de proposer autre chose sur le sujet.

 

 

 

 

1 commentaires sur “La contraception ne se conjugue pas qu’au féminin !

  1. Fix

    Je confirme : s’occuper du problème de son côté, c’est simple et très motivant.

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