The Horse With Wild Eyes en interview

29857788034_db4bcc4f40

A l’origine, The Horse With Wild Eyes est le projet solo de Vianney Bohu. Depuis le premier EP, Uncanny Valley, le projet a pris la forme d’un trio, avec Vianney aux guitares et au banjo, son frère Brieuc à la guitare électrique et Thomas Piederrière à la batterie (remplacé par Franck Goueri depuis le début de l’année). Nous avions pu les découvrir sur scène début 2015 au 1988 pour un concert qui nous avait renversé : un savant mélange d’americana, de bluegrass, de rock noisy, voire de metal, puisant dans l’EP mais avec aussi un paquet d’inédits. Nous étions très fiers de les inviter pour notre troisième soirée au Bar’Hic ce vendredi 21 octobre, à l’occasion de la sortie de leur excellent premier album, Bow & Arrows, réalisé par François Tison et paru sur l’excellent label Beast Records. Nous avons posé quelques questions à Vianney, peu avant le concert, pour évoquer le groupe et la genèse de cet album.

Alter1fo : Si tu devais présenter The Horse With Wild Eyes en 2-3 mots, que dirais-tu ?

Vianney : Western rock, tendance noise.

Pour éviter la question classique des influences, si tu devais citer trois albums sans lesquels tu ne pourrais pas vivre ?

En priorité The Downward Spiral de Nine Inch Nails, Sackcloth’n’Ashes de 16 Horsepower. Et en ce moment Meliora de Ghost.

30189537590_fbc58d05ca

Comment s’est passée la formation du groupe ?

Au départ c’était un projet solo que j’ai débuté chez moi lorsque ma compagne était enceinte. Mon frère m’a fait découvrir 16 Horsepower à ce moment là, et j’en suis tombé fou amoureux ! Je me suis acheté un banjo fin 2012 dans un magasin de matos d’occas’. Quand je suis rentré chez moi, j’ai changé les cordes et j’ai commencé à composer The Horse With Wild Eyes. J’ai enregistré 5 titres à la maison, et j’ai ensuite voulu m’entourer d’autres musiciens pour défendre le projet sur scène.

Vous venez de sortir Bow & Arrows. L’enregistrement a été réalisé par François Tison, mais votre batteur, Thomas, a dû quitter le groupe. L’enregistrement s’est passé en plusieurs sessions ?

Oui on a fait plusieurs sessions. Je suis venu enregistrer les guitares principales, Thomas est ensuite venu enregistrer toutes les parties de batterie. On a effacé toutes mes guitares pour les réenregister par rapport à la batterie, pour récupérer le dynamisme du jeu de batterie. Ensuite Brieuc a fait ses arrangements de guitares derrière, et j’ai enregistré les voix à la fin. Puis post-prod, rajout de quelques sons, on a essayé de faire quelque chose d’assez rock. Mais ça a été long, on a mis plus de 4 mois à tout enregistrer, en fonction des disponibilités de chacun.

C’est l’un des tous premiers concerts depuis la sortie de l’album. Vous jouez certains morceaux depuis plusieurs mois en live. Sur l’album, il y a uniquement des morceaux que vous jouiez en concert ou bien vous avez composé des titres pendant l’enregistrement ?

Pas pendant l’enregistrement : ce sont des titres qu’on avait déjà éprouvé sur scène. J’avais continué à composer après la sortie de l’EP Uncanny Valley pour étoffer le set. On tenait une petite demie-heure et je voulais qu’on puisse faire des sets d’une heure environ. On a éprouvé ces nouveaux titres et on a trouvé ça dommage, car on avait réussi à trouver cette énergie rock, un peu grunge, qui nous manquait. Donc on a décider de repartir en studio pour les mettre en boite. Mais on a par exemple réarrangé un morceau de l’album pour qu’il colle plus à la scène.

Justement, comment se passe le travail d’arrangements ? Y a t’il une volonté de retrouver l’énergie du concert ou bien vous cherchez à poser les morceaux en studio ?

Pour Bow & Arrows, on a vraiment recherché cette énergie de groupe. Si on avait eu la capacité et le talent pour enregistrer ça en live tous ensemble, on l’aurait fait. Mais c’est techniquement assez compliqué à mettre en place. Pour un prochain EP ou album, j’aimerais retrouver le travail plus posé que j’avais eu sur le premier EP, où j’avais pris le temps d’avoir des arrangements plus soignés, plus atmosphériques. Retrouver le côté cinématographique du premier EP qui est moins présent sur l’album.

J’avais découvert le groupe sur Youtube, sur The Horse (mai 2013), et quand j’ai découvert la version sur Uncanny Valley, j’ai découvert la guitare de Brieuc. Il y a eu un réarrangement ?

Oui, les versions d’Uncanny Valley présentes sur Youtube sont celles que j’avais faites seul à la maison. Ce sont les tous premiers jets. A la fin de The Hardest Path to Hell, on entend même ma petite fille pleurer à la toute fin ! Mes proches voulaient écouter ce que je composais, donc j’avais mis ça sur Youtube. Je n’ai pas réussi à les enlever ensuite, il y avait un côté sentimental.

30371077382_7ab41e8c2a

Pour revenir aux influences, tu évoquais tout à l’heure 16 Horsepower. On y pense mais très vite ! Parce qu’il y a un son bien à vous : il y a de l’americana, de l’alternative country, des guitares noisy, voire même du metal. Comment composez-vous ?

Je compose au-delà de l’ossature : j’arrive avec un morceau écrit au niveau de la guitare, des idées pour la batterie et pour le placement des guitares de Brieuc, et mon texte qui est également posé. Les gars se calent ensuite parfaitement : mon frère, Brieuc, a les mêmes influences que moi, si je lui parle d’une guitare d’un titre de Nick Cave, il le fait tout de suite. Il y a un dialogue facile entre nous trois. Mon frère est probablement celui qui a le plus de liberté dans la création : c’est le côté noise du groupe, il est libre de faire ce qu’il veut. Il apporte un autre regard sur le travail que j’apporte au départ.

C’est Thomas qui a enregistré les parties de batterie ?

Thomas a réalisé tous les enregistrements et il a quitté le groupe juste après pour poursuivre ses études sur Nantes. On était content de l’avoir sur l’album parce qu’il a fait un super boulot depuis le début : il est parti de rien sur le projet, puisqu’il n’avait que les batteries que j’avais enregistré sur mon clavier. Franck a pris la relève au début de l’année : il bossait déjà avec mon frère sur un autre projet, donc ça s’est fait facilement.

L’album s’ouvre sur The Ride of Tyto : ça commence americana, puis noise pour finir en metal. Ce morceau t’a semblé évident pour ouvrir l’album ?

On voulait que l’on aborde l’album avec un morceau qui donnait un panel de ce qu’on allait découvrir ensuite. On ouvrait le menu avec ce morceau. Il a l’avantage d’être assez marquant, assez simple : il est basique dans sa structure, couplet/refrain/couplet/refrain/pont, terminé. On commence aussi les concerts avec The Ride of Tyto, il permet de nous mettre dedans tout de suite.

Il y a des envolées puissantes mais aussi des moments plus calmes, comme sur God here Below : comment avez vous choisi les titres figurant sur l’album ? Un ordre précis ?

Le tracklisting a été difficile à gérer. Je ne peux pas dire que j’ai mis des morceaux à contrecoeur, mais il y avait des titres que je devais enregistrer pour les faire figurer, comme God here below ou The Flame. Mais c’était des compos difficiles à placer. Pour Uncanny Valley et Bow & Arrows, j’ai commencé par composer le premier et le dernier titre. J’aime bien le côté rentre dedans et percussif des premiers titres et l’idée du générique de fin pour le dernier titre. Et pour le reste, les morceaux s’articulent plus ou moins bien entre eux. Sur Bow & Arrows, il fallait emmener les gens un peu partout mais sans trop les perdre : c’était moins évident à faire sur un album que sur un EP.

30487996815_678aed24a6

L’EP est effectivement plus homogène, et globalement assez sombre. Bow & Arrows est beaucoup plus riche, plus varié. Il y a des titres plus « joyeux », je ne sais pas si c’est vraiment le terme, plus souriants, comme So many Ways, War is rumblin’.

Oui, un côté plus bluegrass en fait. Pour War is Rumblin’, je voulais retrouver cet esprit bluegrass : j’ai composé ce morceau en sortant d’un concert de Broken Circle Breakdown, qui a composé la musique d’Alabama Monroe. Et je me suis dit : « on est tellement proche du bluegrass, pourquoi ne pas y faire un tour ? ». J’ai accordé mon banjo plus traditionnellement, et ça amène forcément un côté plus joyeux. Un peu comme sur un piano : si l’on joue sur les dièses, on va avoir un côté plus triste, à l’inverse des notes majeures.

Il y a aussi un morceau acoustique, God here Below. L’album semble beaucoup plus complet : c’était une volonté au départ ?

On avait envie de se tester un peu partout, même si nous ne sommes qu’un trio. C’est la formule que je préfère : envisager un groupe à 4 est déjà beaucoup plus compliqué. Je suis un enfant des années 90 et pour moi, un groupe, c’est trois musiciens (rires). Sur scène, si l’on doit prendre une guitare acoustique au lieu d’une basse, ce n’est pas grave, on fera les changements d’instruments pour emmener les gens ailleurs. Lorsque je compose les morceaux, je veux pouvoir les amener dans différents univers : si on fait un concert acoustique, on ne doit pas se contenter de débrancher les amplis, les morceaux doivent prendre une couleur bluegrass. On a notamment travaillé une nouvelle version de War is Rumblin’.

Cette démarche vous ouvre plus de portes, l’album est plus aventureux.

Exactement. Le fait d’avoir fait l’EP tout seul joue beaucoup : j’avais une idée précise. Les apports de chacun des musiciens donnent un album plus hétérogène, effectivement.

Tout en restant très cohérent.

Globalement, je trouve qu’il déroule pas trop mal (rires).

Après le premier EP, vous restez sur l’excellent label Beast Records : comment s’est passée la rencontre avec le label ? Avec Seb je suppose ? (ndlr : Sébastien Blanchais, boss du label et disquaire de l’incontournable Rockin’Bones).

Pas directement. C’est une histoire un peu dingue : j’avais mis une pédale d’accordage à vendre sur le Bon Coin. J’ai été contacté par Régis, le guitariste de Dead Horse Problem, qui est aussi l’un des projets de Seb. On se retrouve Régis et moi pour faire le troc au Ty Anna : on parle musique et il me demande de lui faire écouter ce que je fais. Il trouve ça super bien et me propose d’aller faire écouter ça à Seb. Seb trouve ça carrément bien et me propose de sortir l’EP sur Beast Records. J’étais aux anges parce que j’étais auditeur des sorties du label depuis deux ans, et c’était une vraie reconnaissance. Et j’étais encore plus heureux qu’il signe le deuxième, Bow & Arrows.

Avec une vraie cohérence par rapport au label.

Oui, c’est vrai. J’ai par exemple découvert Slim Wild Boar via le label, et c ‘est un des groupes qui m’a donné envie de faire ce genre de musique sur Rennes.

Vous avez quelques vidéos, comme sur The Ride of Tyto mêlant images de studio et images d’archives du farwest, ou bien God here Below en solo au pied d’un arbre. Vous avez d’autres projets de vidéos ?

Oui, on aimerait bien pouvoir faire un tournage pour le titre The Shelter. J’ai un pote cinéaste, Kevin Antoine : il a réalisé le clip God here Below, mais aussi la photo qui figure sur le premier EP. J’aimerais bien tourner le clip aux Monts d’Arrée, sous la forme d’une procession : le texte parle d’une personne pris dans une tempête, qui ouvre la porte d’une chapelle et se retrouve dans un lieu agréable. Il y a toujours un thème religieux dans mes titres alors que je ne suis pas du tout croyant. Ce sont des paysages que j’aime beaucoup en Bretagne, ce sont nos montagnes à nous (rires). Un clip qui aurait une esthétique particulière, comme celle d’Anton Corbijn avec Tom Waits.

Vous venez de sortir l’album : vos projets, des concerts je suppose ?

Oui le but maintenant est de défendre l’album en concert le plus possible et le mieux possible. On va également rééditer le premier EP, puisqu’il est épuisé, en le remastérisant. Et puis replancher sur un troisième.

Effectivement, j’ai lu que tu avais déjà commencé à écrire de nouvelles chansons !

Le gros avantage de ce projet, par rapport à ceux que j’ai eu précédemment, c’est que ça vient tout seul. Je me sens très investi dans ce projet, je n’ai pas l’impression de me forcer. Je me freine même en ce moment : l’album vient de sortir, j’essaye d’éviter de me projeter sur autre chose.

Peut-être jouer de nouveaux morceaux sur scène ?

J’aimerais présenter le troisième album sans qu’il ait été dévoilé avant, peut-être tester deux trois morceaux sur scène mais pas plus. J’aimerais aussi réarranger certains titres sous d’autres formats : j’ai un copain qui joue du bodhran, un tambour qui se joue avec une mailloche. J’aimerais bien jouer quelques titres avec lui, et pourquoi pas enregistrer un EP, ce ne sont pas les idées qui manquent. Si on avait plus de temps pour répéter et réarranger les morceaux, on aimerait proposer des concerts différents à chaque fois : jouer les morceaux tels qu’ils sont sur album ne présente aucun intérêt.

Pour finir, pourquoi ce nom ?

Je voulais un nom de chef indien : je venais de lire Paroles Indiennes, recueil de témoignages d’indiens racontant l’invasion de l’homme blanc, très poignant. J’écoutais beaucoup 16 Horsepower à cette époque : dans Poor Mouth, David Eugene Edwards dit : « I am Hoarse With Wild Eyes ». J’ai recherché l’expression sur le net et je suis tombé sur The Horse With Wild Eyes, expression qui signifie qu’on ne peut pas dresser un cheval lorsqu’on voit le blanc de ses yeux. J’aimais bien l’idée, ça donnait un nom de groupe qui permettait de rentrer dans un univers bien marqué.

Merci beaucoup !

Merci à vous !

Bandcamp de The Horse With Wild Eyes

Bow & Arrows sur Beast Records (à retrouver également chez Rockin’ Bones)

Laisser un commentaire

* Champs obligatoires