Soirée très attendue par les clubbers rennais à en croire par le nombre de gens présents ce soir-là, la nuit Clubbing de Cultures Electroni[k] a eu lieu à l’Ubu ce vendredi soir.
La soirée affiche complet et c’est dans une ambiance moite et surchauffée qu’on pénètre dans la salle. On arrive trop tard pour entendre DyE et on le regrette. L’électro du producteur signé sur le label de Joakim (Tigersushi) semblait efficace et son titre Nike, présent sur la double compilation des 10 ans du label, à la fois épique et lyrique (on pense au Dudun-Dun de Para One en moins crade dans le son) laissait présager un warm-up agréable. Tant pis…
Bot’Ox
On arrive juste à temps pour le début du set de Bot’ox. On est plus qu’impatient de voir le duo parisien en live. On les avait découverts en 2006 sur la compil’ mixée à quatre mains par Ivan Smagghe et Chloé The dysfunctional family sur le titre « Hummer Party » . On avait aussitôt accroché à leur son et on s’était empressé de se renseigner à propos d’eux. Quelle ne fut pas notre surprise en découvrant qu’il s’agissait d’un duo formé de Cosmo Vitelli et de Julien Briffaz, la moitié de [T]ékël, duo techno excellent en live et auteur de maxis aussi drôles que dansants (Ridvo, Snake Tartare, Deep Turtle) et d’un album aux climats variés qui nous avait emballé à sa sortie en 2006 sur Initial Cuts. On s’était donc promis de les suivre et on n’a pas été les seuls.
Leurs morceaux sonnent étonnamment fluides alors qu’ils passent des mois à créer chaque chanson de l’aveu même de Cosmo Vitelli. Interrogé par Le fond et la forme, le producteur explique : « On essaye de ne pas s’en tenir à une forme classique de musiques électroniques, en mettant pas mal d’instruments. Je joue de la guitare, de la basse, [Julien Briffaz] est batteur et on improvise beaucoup. Julien a un gros studio professionnel à lui à Paris qu’on utilise. C’est le genre de conditions quasi absurdes pour ce genre de projet, il y a beaucoup de matériel et on fait de la musique que finalement beaucoup de gens feraient avec un laptop. «
Car l’ambition de Bot’Ox est de proposer de l’électro live, avec des instruments joués en direct. Sur scène, ils sont donc quatre : batterie, basse métronomique, guitare et machines et déploient une énergie impressionnante.
Lorsqu’ils arrivent sur la scène de l’Ubu, ils portent une sorte de masque sur le front avec un visage agrandi qui les fait paraître encore plus immenses. Ils ne perdent pas de temps et lancent la machine.
La qualité et la fluidité de leurs compositions nous scotchent très vite. On se doutait aussi, connaissant les deux hommes, que l’énergie live qu’ils apportent sur scène décuplerait encore la puissance de leurs morceaux. Pari tenu et le live se déroule sans temps mort.
On est d’autant plus épaté que l’écoute de leur premier album dont la sortie est prévue pour la fin du mois (en pré-écoute en streaming ici) nous avait montré des climats variés, alternant entre énergie paranoïaque (Overdrive), ambiance plus éthérée (Blue Steel avec Anna Jean aux vocaux), mélancolie et aridité post-punk ou construction Kraftwerkienne (le slogan de leur blog étant d’ailleurs Fun Fun Fun on the Autobahn) et qu’on craignait une prestation moins pêchue. Le groupe lève complètement nos craintes et s’affirme d’une énergie sans faille en live.
On est d’autant plus conquis qu’on a vraiment l’impression d’avoir à faire à un groupe aussi intéressant sur scène que sur album. On soupçonne en effet que le disque va hanter nos platines dès sa sortie.
Logo
C’est ensuite au tour de Logo de monter sur la scène de l’Ubu. Le duo nouvellement signé sur Kitsuné, repéré par le label il y a un an, a sorti un premier maxi fin août « La Vie Moderne » avec entre autres des remixes de DyE et Danton Eeprom (sur la version digitale). Les deux parisiens ont d’ailleurs signé la bande son plutôt addictive du teaser de cette édition de Cultures Electroni[k] avec ce titre.
Il s’agit d’un de leurs premiers live ce vendredi soir à l’Ubu. Côte à côte face à nous, les deux musiciens triturent leurs machines et délivrent cette électro à la fois naïve et tendue. Facile d’accès, relativement évidente, la musique de ce jeune duo parisien ravit le public avec ses mélodies synthétiques et ses rythmiques qui font bouger les pieds. Les mains en l’air, les clubbers apprécient le moment et la température monte encore de plusieurs degrés.
Superpitcher
Il doit déjà être 3h3O du matin quand Superpitcher, la tête d’affiche de la soirée rejoint les platines installées sur la scène. On a déjà dit ici tout le bien qu’on pensait du producteur allemand qu’on avait découvert à la sortie de son premier ep, Heroïn, sur Kompakt, l’un de nos labels de musique électronique préférés. Depuis on avait suivi toutes ses sorties quasiment religieusement, qu’il s’agisse de son premier album de techno mélancolique et mélodique Here Comes Love (2004, Kompakt), des ses maxis, remixes ou compilation mixée (la sublime Today) ou de son side project avec Michael Mayer, Supermayer aussi loufoque (les deux producteurs apparaissant sous les traits de supers héros sur le point de sauver le monde) qu’apprécié dans les clubs du monde entier.
Ce n’est pourtant pas un dj star en costume de super héros sûr de lui qui apparaît sur la scène de l’Ubu. On le retrouve aussi angoissé et peu sûr de lui qu’à l’habitude. Pourtant le public est en grande partie venu pour lui, la renommée internationale du dj allemand y étant sûrement pour beaucoup. On est d’ailleurs un peu surpris. Si on ne doute pas du succès du producteur, on n’imaginait pas qu’autant de rennais feraient le déplacement pour entendre son dj set. Est-ce que le succès de « Rabbits in a hurry » qui est vite devenu un hit sur les dancefloors à la fin de cet été y est pour quelque chose ? Ou bien la sortie début septembre de son second album, Kilimanjaro, sur lequel il a travaillé d’arrache-pied pendant quatre ans, essentiellement bien reçu par la critique a-t-il donné envie au public de venir l’entendre à l’Ubu ? On n’a pas de réponse. Toujours est-il que lorsque le producteur allemand s’empare des platines, un ralentissement du tempo immédiat surprend une partie du public.
Pourtant, comme la longue introduction sur la route nocturne de Mulholland Drive nous avait plongé dans un état second et fait rentrer dans l’univers lynchien, l’entrée en matière d’Aksel Schauffler, tout en ralentissement et en nuances nous plonge progressivement dans l’univers du dj. On dit souvent que les bons djs sont ceux qui nous emmènent avec eux et nous font voyager au gré des disques qu’ils passent. On a vraiment cette impression avec Superpitcher, qui même en dj set, en passant des disques d’autres producteurs, nous embarque dans un monde personnel.
Car Superpitcher, c’est un son à part. Une sorte de techno à la fois sexy (tout comme ses compères de label, rappelez-vous Closer Musik), délicate et racée. Pas de turbine dans cette techno-là. Mais de la mélancolie plein la tête qui fait bouger les pieds. Aussi quand résonnent les premières mesures de Lovefood de Michael Mayer remixé par Matias Aguayo, on bondit de plaisir, rassuré de retrouver cette nuit tout ce qu’on aime dans la techno de Superpitcher. Désepérément classe, le mix du dj allemand nous éblouit par ses enchaînements glissés et progressifs, par cette science des montées retenues (oh la la cette montée sur Rabbits in a hurry qui envoûte, vous embarque et vous laisse là, hébété, attendant d’être happé par la prochaine vague qui ne tarde pas à surgir, gonflant progressivement, imposant de relever les mains en l’air et de se noyer dans cette voix désabusée. Et cette sirène qui vous appelle une nouvelle fois vers les profondeurs, précédée d’une basse rock qui vous ferait tomber à genoux).
Pour autant, cette techno est essentiellement minimale dans ses effets.On imagine, malgré l’ambiance encore plus chaude sur le dancefloor de l’Ubu, que certains spectateurs, plus habitués à une électro survitaminée à la french touch 2.0, peuvent être désarçonnés ou déçus par ce dj set . Pour nous, vrai fan du producteur allemand et sûrement de parti pris, cette prestation transpire la classe. On est ému par le set du dj de Cologne et lorsque le mix s’achève sur une ritournelle au glockenspiel (comme si la fée Clochette avait gobé un acid), on applaudit la prestation à tout rompre. Superpitcher, en dj sensible, semble ému par les applaudissements renvoyés par le public. Il quitte la scène après un moment de flottement (peut-il continuer à jouer ou doit-il s’arrêter ?) avec le sourire et sous les cris enthousiastes du public.
On n’est pas mécontent d’avoir pu entendre le dj/producteur allemand mélancolique et sa classe éblouissante sur une scène rennaise pour employer un euphémisme. On est aussi heureux de voir que nos vieilles amours sont toujours aussi vivaces et émouvantes. Dehors, il pleut. Mais on s’en fout.
Photos : Caro
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