Jouer sur une batterie en porcelaine ? Frapper des fûts d’un blanc immaculé sans en briser un seul ? C’est le défi que relèvera Valentina Magaletti le jeudi 4 février 2020 sous nos yeux et nos oreilles ébahis. En streaming, crise sanitaire oblige, mais avec un feeling et une délicatesse époustouflants.
En ces temps sibériens pour la culture et ses acteurs, on se réjouissait tambour et cœur battants, d’entendre les jours prochains la programmation hybride proposée par le Bon Accueil-Reverb : le joliment nommé Batterie-Etendue. Une batterie fragile, une montagne de 120 cymbales ou des baguettes montées sur ventilateurs et on en passe, des artistes surtout, qu’on était ravis et impatients de retrouver et/ou de découvrir.
Làs, l’exposition, initialement prévue en avril puis novembre 2020, qui s’était étoffée de nouveaux artistes et même d’un nouveau lieu, au gré des reports et annulations dus à la situation sanitaire, ne peut -pour le moment- toujours pas accueillir de public, que ce soit aux Ateliers du Vent ou au Jeu de Paume où le Bon Accueil avait temporairement posé ses valises.
Entre 2008 et 2020, sise sur les bords du canal St Martin dans une maison aussi ouverte aux quatre vents que chaleureuse devant laquelle nous aimions bien garer nos vélos après une arrivée par le chemin de halage, la petite structure du Bon Accueil (petite par la taille, mais pas par ses ambitions et son ouverture aux artistes internationaux) qui s’appelait alors Le Bon Accueil-Arts sonores, nous a en effet réjoui les oreilles et les sens avec ses expositions-propositions-performances liant toutes bien serrés arts visuels et arts sonores.
La petite maison sur les bords du canal n’étant définitivement pas des plus adaptées, le Bon Accueil, à l’horizon 2023, pourra enfin retrouver de nouveaux locaux, entièrement rénovés au cœur de Rennes, qu’on espère enfin raccords avec la qualité des ambitions artistiques de la structure. En attendant, l’équipe a investi de nouveaux lieux, dont le Jeu de Paume et les Ateliers du Vent cette fois-ci, où devaient donc être proposées les principales œuvres et performances de Batterie Étendue.
On s’impatientait ainsi de retrouver l’artiste autrichien Andreas Trobollowitsch, qui nous avait joyeusement vrillé les oreilles avec ses ventilateurs lors de l’édition 2017 du festival Maintenant (voir là) et dont les projets légèrement siphonnés (des symphonies pour haches et bûches au concerto pour papiers et ventilateurs en passant par ses guitares suspendues dans les airs) nous ont durablement marqués.
D’autant que l’œuvre choisie, une nouvelle fois à la croisée de la sculpture et de l’art conceptuel, des arts sonores et visuels, UnWuCHt (une caisse claire frappée par des baguettes montées sur ventilateurs), était ici couplée à une autre, Shimmering Beast de Nicolas Field. Couplée au sens propre, puisque plutôt que de proposer deux œuvres distinctes, les artistes et programmateurs avaient choisi de réunir les deux dans un même mouvement. Le froissement des 45 cymbales à la verticale de Nicolas Field venant apporter un contrepoint aérien (6 mètres de haut, quand même) aux roulements intempestifs de la caisse claire martelée par les ventilateurs. On devra donc finalement attendre encore pour avoir la chance de les voir et entendre.
Même chose pour les œuvres qui étaient réunies autour de la Batterie Fragile d’Yves Chaudouët : d’une part les 120 cymbales en désordre de Stéphane Vigny, s’élevant comme une foule massée autour du batteur de Pneu (c’est à dessein qu’on l’évoque puisque Jean-Baptiste Geoffroy aka Tachycardie était comme Valentina Magaletti invité à jouer sur la batterie fragile d’Yves Chaudouët), prise dans une furie rythmique des plus jouissive, d’autre part Cosmic Call, d’Alexandre Joly qui par une autre transe, une nouvelle expérience sonore, se proposait de lever le voile sur le monde invisible à l’aide du son ténu de piézos suspendus sur les murs et d’un tas de grelots vibrant sur un tom basse. Enfin, encore plus aérien -et sûrement Caldérien, le Météore de Paul Destieu s’ingéniait à suspendre les toms et autres caisses claires à 5 mètres de haut.
Quant à la Batterie Fragile d’Yves Chaudouët, constituée uniquement de toms et autres cymbales en porcelaine d’une blancheur immaculée (fantomatique ?) on aura la chance de l’entendre et la voir à défaut de la caresser du regard en chair et en os kaolin. Valentina Magaletti (batteuse et percussionniste de The Oscillation, également aux fûts sur MellanoisEscape et qu’on aimait ici aussi avec Tomaga, duo mené avec le regretté Tom Relleen) est en effet invitée à prendre possession de cette Batterie Fragile, le temps d’une performance diffusée en live sur les internets ce jeudi 4 février à 18h30. Connaissant la virtuosité et la finesse de la musicienne, nul doute que le moment devrait stimuler avec bonheur nos rétines et conduits auditifs. Et l’on en remercie d’autant plus chaleureusement les artistes et programmateurs, qui tentent en ces temps troublés de maintenir leurs barques contre vents et marées et de continuer à nous y accueillir.
Jeudi 4 février à 18h30 – Solo de Batterie de la batteuse italienne Valentina Magaletti, sur une toute nouvelle version de la batterie en porcelaine d’Yves Chaudouët au milieu des œuvres de l’exposition « Batterie étendue ».