Pour commencer sa collection hiver de la meilleure manière (enfin si vous avez déjà vos places pour l’Antipode MJC pour jeudi et pour la Nouvelle Vague le samedi car les deux soirées sont complètes), la Route du Rock vous convie à une bien belle soirée d’ouverture à la Chapelle du Conservatoire ce mercredi 15 février avec les immanquables Les Marquises et My Name is Nobody. Explications.
Cela fait plusieurs mois qu’on rêve d’entendre Les Marquises en live à Rennes. Depuis le premier album de Jean-Sébastien Nouveau sous l’entité Les Marquises, Lost Lost Lost (qu’on avait pour notre part découvert avec sa version vinyle en 2011 -la version 6 titres datait de 2010), on est tombé raide amoureux des compositions à la beauté insidieuse du Lyonnais, tête-pensante (et chercheuse) de ce collectif sans configuration fixe.
En 6 titres (plus huit remixes, dont ceux d’Olivier Mellano, Angil ou Volcano The Bear), le multi-instrumentiste (clavier, basse, violon, violoncelle, cithare, percussions et on en passe) nous a plongé tête la première dans une pop galvanisante et précieuse. Une pop inouïe qui nous a ouvert les oreilles à 360 degrés (un peu comme celle du trop confidentiel Bed). Inspirés par les œuvres picturales de l’artiste chicagoan Henry Darger (1892-1973) resté inconnu de son vivant (on raconte que l’homme, peut-être retardé mentalement, aurait travaillé toute sa vie dans un hôpital de Chicago sans s’ouvrir à personne de son oeuvre ; ce n’est qu’à sa mort qu’on trouva les treize volumes de Realms Of The Unreal, sorte de bande dessinée aux atours dérangés et naïfs, racontant les aventures des non moins étranges Vivian Girls), les morceaux de ce premier long format se révèlent bourrés d’idées et de finesse.
Sur ce premier album, sans trop oser y croire, le Lyonnais avait demandé à Jordan Geiger (Minus Story) de prêter sa voix à ses compositions. Retour gagnant. Écorchée, jouant à la limite, de la dissonance parfois, la voix de l’Américain ouvre entier le champ de l’émotion et permet à ces chansons de passer de l’épiderme aux flux sanguins sans toujours passer par le cerveau. Après cet excellent premier disque, la barre était placée haut (« j’ai un peu peur de ne pas faire aussi bien par la suite. En tous cas ne pas aller plus loin. » disait le Lyonnais en interview sur Xsilence).
La sortie d’un second album, Pensée Magique, cette fois-ci sur le label Ici D’ailleurs en février dernier (2014) prouvera tout le contraire. Encore plus foisonnante, la musique de Jean-Sébastien Nouveau se fait encore plus dense et excitante. Percutante, rythmique, sans jamais être agressive, cette pop aux idées larges passe en trois dimensions et nous invite à pénétrer dans une jungle (le point de départ/concept de l’album) aux lumières toujours changeantes et surprenantes. Avec, comme compagnons d’aventures, une palanquée d’orfèvres et sorciers ès raffinerie musicale, notamment (on ne les citera pas tous), l’indispensable Etienne Jaumet au saxophone sur The visitor, le magicien Benoît Burello (aka Bed, dont on parlait justement plus haut) ou (et on en passe donc) Nicolas Laureau (Don Nino, NLF3) et Johannes Buff (Dubaï) au chant…
La jungle nous appelle, disaient les Mansfield.Tya avec une conque comme artwork rappelant Sa Majesté des Mouches. On aime à voir Pensée Magique comme une autre version sonore de la jungle que nous dévoilait William Golding (on aime aussi d’amour celle émouvante en diable réalisée par Lætitia Shériff pour le ciné-concert autour du film de Peter Brook), tour à tour nourricière ou cruelle, paradisiaque ou inquiétante. On ne sait si le film/livre a inspiré ce Pensée Magique, mais le dos du crâne de l’enfant sur la pochette nous y a fait penser. Tout en même temps sauvage et cérébrale, la musique de ce second album parle aussi bien à l’âme et au corps. « Il parle de la mort, comme tu parles d’un fruit. Il regarde la mer comme tu regardes un puits » écrivait Jacques Brel dans Les Marquises. On dirait volontiers de même pour cet album. On frémit donc d’impatience à l’idée de découvrir enfin le groupe en live (sur scène, Les Marquises sont Arnaud Lemoine -chant, claviers-, Julien Nouveau -batterie-, Jean-Sébastien Nouveau – claviers- et Souleyman Felicioli -trompette, percussions)
Avant le quatuor live Les Marquises, on aura le plaisir de retrouver le stakhanoviste aux multiples projets Vincent Dupas (Fordamage, Binidu, Boy and the echo choir…) sous son alias My Name is Nobody. Après quatre albums de folk rustique et inspirée, le Nantais est parti du côté du lac Michigan pour enregistrer un nouveau disque tout en délicate retenue.
Accompagné par les Pillars and Tongues (avec du Dark Dark Dark dedans !) sur les terres chicagoanes, le musicien s’est essayé (avec succès) à composer davantage autour d’ambiances vaporeuses, tour à tour profondes ou éthérées. Les compositions ont pris le temps de s’étirer différemment dans le sous-sol de cette vieille maison américaine des années 30 où le Nantais a choisi d’enregistrer. Safe Travel, résultat en 5 titres pleins de classe (sorti chez My Little Cab Records et Havalina Records), vous promet un voyage immédiat jusqu’aux grandes plaines de l’Illinois. La voix grave de Vincent Dupas ancre ses chansons dans une americana fantasmée allant de Bill Calahan à Jim O’Rourke (Devon Avenue Blues) sur des notes suspendues (à un archet de violon, à quelques notes de piano, sur un profond lit de guitare baryton). Avec, surtout, un art de l’épure et de la composition particulièrement maîtrisé. De la belle ouvrage. A savourer sans modération sur scène.
______________________________________
La Route du Rock Collection hiver présente Les Marquises et My Name is Nobody en concert le mercredi 25 février 2015 à 20h30 à la Chapelle du Conservatoire (26 rue Hoche, Rennes).
A noter : en ouverture, les élèves du conservatoire revisiteront des morceaux des Marquises.
Tarifs : 7 euros (tarif réduit), 8,5 euros (en location), 10 euros (sur place).