Et si la plus belle des soirées de cette Route du Rock 2015 n’avait pas lieu au fort Saint Père mais à salle de la Nouvelle Vague ? A la vue de la splendide programmation de la soirée d’ouverture du jeudi 13 août, on se prend à sérieusement l’envisager. On y retrouvera Sun Kil Moon et The Notwist, deux formations aguerries et à haute valeur scénique ajoutée qui devraient nous offrir la plus chouette des détonations du starter.
Dans la catégorie « Nostalgie » de la programmation de cette édition 2015 de la Route du Rock, il faut bien avouer que ce n’est pas vraiment la venue de Ride qui fit le plus frétiller nos oreilles. Ce qui a fait battre un peu plus vite le cœur des quadras de l’équipe, c’est l’impeccable combo proposé jeudi 13 août à la Nouvelle Vague en préambule à cette édition. L’alliance inespérée de la folk ténébreuse de Sun Kil Moon et de l’indy-électro élégante et mélancolique de The Notwist devrait en effet produire une alchimie à la beauté hautement singulière.
Si vous n’avez jamais entendu parler des Red House Painters, il est hélas fortement probable que votre premier contact avec Sun Kil Moon, n’ait eu lieu par l’opportuniste récit des frasques de son maître d’œuvre : Mark Kozelek. Les fracassantes déclarations de cette grande gueule aussi râleur que provocateur ont en effet largement fait le bonheur des appeaux à clics de Pitchfork en particulier et de la blogosphère indy-rock en général. Il serait cependant dommage de s’y arrêter tant le monsieur est tout simplement un des songwriters les plus passionnants de ces deux dernières décennies.
Nous avions revu avec beaucoup de bonheur le bonhomme seul avec sa guitare espagnole au Palais du grand large pour l’édition de la Route du Rock 2009. Il nous avait offert un concert hanté par des arpèges de guitares acoustiques et la sublime voix du musicien, dans une réverb’ ouatée. Avec un set tout en délicatesse, le leader de Red House Painters (formé en 1989, avec 6 albums de folk hantée à leur actif principalement chez 4AD) et Sun Kil Moon (depuis 2002 avec déjà 7 longs formats si on a bien compté) nous avait laissé des étoiles dans les oreilles. Malgré cette sublime prestation, les disques qu’enquillait avec frénésie le monsieur à l’époque nous avaient pourtant fait tourner en rond. Sauf qu’il n’avait pas dit son dernier mot et qu’il nous avait décoché en 2013 une nouvelle flèche en plein cœur. Like Rats est tout simplement une compilation des reprises qu’il réservait à ses fins de concert solo. Il y métamorphosait en ballades troublantes, les bombes hardcore des Bad Brains ou de Godflesh, y sublimait avec une classe folle Yes, Genesis et même Sonny & Cher. Un disque aussi simple et direct qu’éblouissant qui confirmait que le monsieur était encore loin d’avoir épuisé son inspiration. Impression qui se confirma brillamment l’année suivante avec Benji, sixième album sous l’appellation Sun Kil Moon. Il y atteignait des sommets de folk habitée, introspective et déchirante. Accompagné par Steve Shelley (Sonic Youth) aux percussions mais aussi par d’autres invités tels Jen Wood (Postal Service), Will Oldham ou Owen Ashworth, Mark Kozelek y livrait 11 titres arrangés avec une subtilité désarmante (voix doublée et décalée, cascades d’arpèges de guitare claire, claviers décharnés, chœurs occasionnel, passionnants changements de rythme). Onze morceaux narrant avec une frontalité désarmante aussi bien la perte de deux membres de sa famille victimes d’explosions de bombes aérosols, que les complications de sa vie amoureuse/sexuelle où l’amour de sa mère dont il ne pourrait se passer, le tout conté le plus simplement du monde, en prise direct, sans aucune métaphore ou sens caché à découvrir.
Il continue d’être plus que prolixe puisque le voilà de retour avec Universal Themes sorti en juin dernier (Rough trade, Caldo Verde 2015). Kozelek continue dans la même veine d’autobiographie frontale délivrant sans ponctuation des textes/journaux intimes/conversations « quasi comme ils viennent ». Sur ce nouveau disque, les titres s’étirent en longueur (9-10 minutes le plus souvent) ce qui lui donne l’occasion de pousser encore plus loin les arrangements subtils et nuancés dont il a le secret. Le musicien se permet même parfois de durcir le ton comme sur le rageur With a sort of grace I walked into the bathroom to cry où il déverse sans retenue toute sa colère. L’album confirme pleinement le retour en forme du monsieur et s’achève sur un ample et très touchant This Is My First Day And I’m Indian And I Work At A Gas Station.
Nous sommes donc plus que ravis de retrouver le bonhomme sur scène, qui plus est en pleine forme créative. Les conditions semblent donc bien réunies pour que le tout premier concert de cette édition 2015 soit rien de moins qu’un moment magique.
L’autre grande joie de cette soirée sera le retour des essentiels The Notwist. En effet, le combo allemand fait partie de ces formations dont on a chéri les disques successifs avec l’attention toute particulière qu’on porte à ceux qui n’ont jamais vraiment eu le succès qu’ils auraient pu avoir.
Fondé à Hanovre l’année de la chute du Mur, par les deux frangins Markus et Micha Acher (eux originaires de Weilheim, en Bavière) avec le batteur Martin Messerschmidt, The Notwist fut d’abord responsable d’essais bien plus punk/metal et bruitistes (the Notwist en1990, Nook en 1992). L’arrivée de Martin (Console) Gretschmann (programmations) viendra amplifier une tendance vers une électronica et un indy-rock plus mélancolique et tempérée apparue dès 12 (1995) sur lequel on retrouve par exemple le déchirant Torture Day et le limpide Puzzle. C’est avec Shrink (1997), que le groupe prend définitivement un virage mélodique plus marqué. Sorti en France chez Vicious Circle, l’album brasse avec un sens de l’équilibre peu commun une foule d’influences. Entre musique électronique lancinante et sensible, rock aux mélodies imparables mais aussi jazz frondeur et musiques expérimentales, l’album possède une richesse rare qui en fera un de ces albums sur lequel on revient sans cesse avec un bonheur inégalé.
Ce sera pourtant avec Neon Golden (en 2002 chez City Slang) que le groupe va connaître une certaine reconnaissance. Il faut dire que le disque est une pure merveille, un chef d’œuvre « à la fois moderne et déjà patiné« , véritable coffre-fort à chansons belles à pleurer. De la sobriété exemplaire avec laquelle ils sont tissés au songwriting étincelant qu’ils recèlent. Guitares cristallines, rythmiques à la subtilité rarement égalée, mélancolie troublante, cuivres profonds et cordes sombres, les Notwist ont épuré et peaufiné avec un soin maniaque leurs morceaux pour atteindre le stade de l’évidence.
C’est donc cet album-là, ce disque toujours aussi essentiel que The Notwist viendra jouer à la Nouvelle Vague. Les suivants ne sont pourtant pas mal non plus (The Devil you and me en 2008, Close to the Glass en 2014 et le plus expérimental The Messier Objects sorti en janvier 2015) mais Neon Golden restera à jamais la pierre philosophale avec laquelle on découvrit que les quatre Allemands savaient changer leurs étincelantes compositions en or.
L’exercice du retour en arrière n’est pas des plus simples. On se souvient des Sonic Youth un poil goguenards revisitant en 2007 au fort Saint Père leur inépuisable Daydream Nation. Pourtant, à chacune des fois où nous avons eu la chance de les voir sur scène, nous avons pu constater la puissance scénique et la folle capacité qu’ont les Notwist à réinventer leur musique en live. C’est donc en totale confiance que nous irons nous replonger en leur compagnie dans ce qui reste un de ces disques qui garde au fil du temps une place toute particulière dans nos vies.
La Nouvelle Vague, Rue des Acadiens, 35400 Saint-Malo – Jeudi 13 août
ouverture des portes à 20h30
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La Route du Rock Collection Eté 2015 du jeudi 13 août au dimanche 16 août.
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