Attention avis de tempête musicale de force 10 annoncée dimanche 16 août au fort Saint-père. Dan Deacon, l’électro zébulon de Baltimore, débarquera en effet sur la scène du Fort en fin de soirée et l’on compte bien sur lui pour nous livrer un de ses sets surréalistes et débridés dont il a le secret. Retour sur la discographie bigarrée du monsieur et sur notre très chouette rencontre avec lui en 2011.
C’est désormais une habitude bien ancrée, le dernier soir de la Route du Rock se conclut généralement par des sets bien dansants histoire de conclure l’affaire dans une fiesta débridée. Cette année, ce sont les groovy et moites The Juan Maclean et Jungle qui auront pour mission de filer des fourmis dans les gambettes ankylosées des festivaliers. Sauf que juste avant ça, les programmateurs ont la malicieuse idée de coller l’imprévisible Dan Deacon, soit une véritable arme de jubilation massive qui devrait mettre le fort joyeusement sens dessus dessous.
Dan Deacon vient de Baltimore, soit une des villes les plus dures des Etats-Unis, ce qui n’est pas peu dire. Pourtant la musique qu’il bricole depuis le début des années 2000 est un joyeux foutoir électro bourré de beats délurés et de synthés cartoonesque. Nous l’avions découvert en 2007 avec le vibrionnant Spiderman of The Ring (plus geek comme titre, tu meurs). Nous avions aussi la douleur de le voir louper totalement son passage aux Trans Musicales la même année, pour cause de cataclysmiques problèmes techniques. Nous l’avions ensuite revu en 2011 au Fort Saint-Père. Il venait de sortir son tout aussi jubilatoire Bromst et il avait enfin pu mettre un délicieux bordel perché sur la petite scène de la Tour de l’époque. On savait déjà qu’on pouvait faire faire des trucs incroyables à une foule. Mais le faire avec gentillesse, respect et humour, ça c’est fort. Entre décharges soniques acidulées et moments de communions aussi déconcertants que marquants, la prestation du bonhomme nous avait laissé un souvenir assez merveilleux. Il a depuis multiplié les projets plus ou moins dingues (B.O. de films, de cartoons cinglés de la chaîne Adult Swim…). Il a aussi sorti en 2012, l’ambitieux et un poil grandiloquent America et il vient de sortir en mai dernier le pétillant Gliss Riffer dans lequel il adoucit (très légèrement) le tempo et injecte avec bonheur un soupçon de pop synthétique. Peu de chance par contre qu’il retienne les chevaux dimanche prochain à Saint Malo. Un seul conseil donc : foncez y le plus tôt possible pour être le plus près possible de l’œil de ce joyeux cyclone.
Nous en profitons pour ressortir la très sympathique interview que le monsieur nous avait accordée en 2011 juste avant sa folle prestation et au lendemain d’un mémorable désastre boueux qui devrait désormais faire partie du passé du festival si les tant attendus travaux tiennent leurs promesses.
Ecoutez l’interview en VO (14 min) :
Alter1fo : Ce soir, tu joueras en solo. Tu as récemment fait des concerts avec le Dan Deacon Ensemble où tu étais accompagné par une quinzaine de musiciens. Cette expérience a-t-elle modifié ta façon de jouer seul ?
Dan Deacon : Oh absolument ! Je me souviens du premier show que j’ai fait après un an de concerts avec le Dan Deacon Ensemble. C’était à Amsterdam et c’était si… bizarre. J’ai joué en solo pendant 5 années avant de changer et, pour une raison ou une autre, cette chose que j’avais fait des centaines de fois, m’a semblé soudain si étrangère et bizarre. Changer a aussi été cool et rafraîchissant, j’avais construit une sorte de système qui finissait par être une routine et là, je réfléchissais à la performance sous un angle nouveau.
Les deux sont très différents. Quand je joue solo, c’est beaucoup plus facile. Je n’ai pas à m’inquiéter de la rythmique ou des contretemps, parce que tout est fait par des machines. Mais quand je joue avec des musiciens, il faut être beaucoup plus attentif… mais c’est aussi beaucoup plus libre. En tant qu’orchestre, on peut accélérer, ralentir, jouer en douceur ou improviser.
Ce sont deux choses très différentes qui ont chacune leurs avantages et leurs défauts.
Est ce que pour ce soir, tu as préparé un set spécial boue ?
Mais qu’est ce que vous avez tous à me parler de boue ?
C’est parce que tout le monde était là hier.
J’ai entendu dire que c’est assez intense.
Je vais juste voir comment ça se passe. Comment le public réagit. Ça a l’air d’être une nuit musicalement assez douce et ma musique ne l’est pas vraiment donc… je vais voir comment le public réagit à un set dansant et rapide.
Les Crocodiles qui arrivent ensuite vont sans doute accélérer le tempo.
C’est bon à savoir. Je ne vais sans doute rien faire de dangereux. Je l’ai déjà fait mais pas ce soir parce qu’il va faire sombre et que les gens seront sans doute fatigués ou bourrés. On va donc rester dans le domaine de la sécurité.
C’est bon à savoir (rires).
Le show est autant la décision du public que la mienne.
Des gens ont fait des choses très dangereuses hier !
(Rires) Je connais plein de musiciens qui disent : « C’est le public qui me donne mon énergie » mais pour moi c’est vraiment le cas. Si le public n’est pas là, je ne suis pas là. Comme je joue au milieu de la foule, c’est vraiment elle qui pilote le truc. 99% du public ne voit que le public donc c’est une histoire d’effet boule de neige. Je pense que c’est autant la musique, que les mouvements des autres gens qui font danser.
On peut trouver sur Internet une page où on voit ta table de matériel et on peut cliquer sur chaque élément pour voir des vidéos explicatives. Ce qui m’a frappé, c’est qu’alors qu’on vit aujourd’hui une sorte de course aux synthétiseurs le plus rare ou le plus ancien, tu expliques comment tu tires le meilleur de clavier à 5$.
Est ce qu’il y a une sorte de philosophie de la décroissance dans ton travail ?
Heu… j’étais surtout très très pauvre à l’époque (rires). J’essayais juste de faire du mieux que je pouvais.
Chaque instrument a ses forces et ses faiblesses. Une grande partie de la musique américaine est ancrée dans le D.I.Y. (Do It Yourself : Fais le toi même) et la Low Fi (Basse Fidélité voir l’article sur Sebadoh) parce que les gens l’ont faite dans des garages ou des sous sols. Les gens bossent avec ce qu’ils ont. En tant que composeur, j’essaye d’explorer tous les timbres et les aspects du son. Un son Low Fi, c’est magnifique… mais un son Hi Fi, c’est aussi magnifique. C’est chouette de mélanger les deux. Parfois, c’est chouette d’écouter une veille cassette pourrie et parfois c’est chouette d’écouter une super chaine dans une salle faite pour ça. Donc ce n’est ni «Low Fi pour toujours» ou «Va te faire foutre Low Fi». L’intégralité du spectre musical mérite qu’on s’y intéresse.
Sur ton site, il y a une liste de projets sur lesquels tu travailles et celui qui m’a le plus intéressé c’est la réalisation d’un album avec le Dan Deacon Ensemble. Est ce qu’il va sortir bientôt ?
Je ne sais pas vraiment pour le bientôt (rires). Nous en sommes à la moitié de l’enregistrement, et cette tournée le met en pause, mais il va sortir c’est sûr.
J’espérais que tu dirais que le projet de la liste qui t’intéresse le plus serait : battre Ed Schrader à la vie (un de ses amis artiste de Baltimore) mais tu ne l’as pas choisi.
C’est le premier album sur lequel je ne me fixe pas une date de sortie. Je veux expérimenter et voir ce qui va sortir. Les autres albums étaient plus des traces de chansons déjà écrites. Ici, c’est plus : «Voilà le squelette de la chanson. Maintenant ajoutons-y de la chair et une âme ». C’est une expérience et j’espère qu’elle sera réussie.
Un autre de tes projets est l’écriture de la bande originale du prochain film de Francis Ford Coppola : Twixt. Où en es-tu ?
J’ai fini d’écrire la musique, il y a deux mois.
Tu avais déjà écrit des musiques de film avant.
C’est mon premier travail sur un film narratif et en tant qu’invité. Une partie de la musique est écrite par un autre compositeur. Une partie par moi et une autre est co-composée. Ça a été un sacré apprentissage. Les autres films sur lesquels j’ai travaillés étaient faits par des copains et ils étaient beaucoup plus expérimentaux, beaucoup plus libres. Ce film a une histoire à respecter, des thèmes, il y avait une sélection de musique dont je devais m’inspirer. C’était un sacré changement pour moi. C’était la première fois que je travaillais comme ça et j’ai beaucoup apprécié le risque pris par Zoetrope et Francis de m’impliquer sur le projet. J’espère que ça donnera envie à d’autres réalisateurs de faire appel à moi.
Pour finir avec les projets, celui qui m’a le plus intrigué c’est d’enregistrer un album de chansons tristes.
C’est drôle parce que j’y pensais justement aujourd’hui et ça fait bien un an que j’aurais dû le faire mais j’ai été très occupé. Ce sont des chansons que je joue à l’orgue, parfois en concert sous l’alias Pardalint Bird. Mais… je ne sais pas comment les sortir. Le faire moi même ou sur un label. Une partie de moi veut les mettre sur mon prochain disque sous le nom de Dan Deacon mais… je ne sais pas trop. Je sais juste qu’il faut que je les enregistre.
Je suis en train de construire un studio à Baltimore. Quand je rentrerai à la maison, l’orgue sera là. Elles seront finalement enregistrées et alors.. elles existeront.
Parmi tes nombreux albums, je ne suis familier qu’avec les deux derniers : « Spiderman of the rings » et « Bromst ». Ce qui me frappe dans l’évolution entre ces deux albums, c’est que ça reste la même musique, mais en plus large, en plus bizarre. Vers quoi penses-tu que ta musique va évoluer maintenant?
Quand j’ai commencé à écrire la musique que l’on trouve sur Spiderman et un peu sur Bromst, j’étais jeune et ignorant du monde. Je ne jouais que dans des sous-sols et des petits clubs. Avec le bon accueil de Spiderman, j’ai commencé à voyager et à voir le monde.
Je sens que la dinguerie est toujours là mais qu’elle est différente. J’aime toujours faire la fête mais je ne la fais plus juste pour la faire. Quand j’avais 20 ans, c’était fun de faire la fête et de se bourrer la gueule mais… je ne suis plus cette personne désormais. Bon, j’aime toujours faire la fête et picoler…
J’espère bien pour le concert de ce soir ! (rires)
Je ne serais pas bourré ! (rires) Le prochain disque prendra des éléments des deux. J’ai l’impression que Spiderman explore des éléments pop avec une perspective unique et que Bromst s’appuie sur une nature plus épique des chansons, une luxuriance de ces formats très longs. Chacun à ses forces et ses faiblesses, donc pour le prochain album, je vais essayer de conserver une forte sensibilité pop tout en gardant un caractère épique à certaines chansons. Ça devrait être cool.
D’où vient la magnifique tente qui orne la pochette de Bromst ?
On l’a construite moi et ma petite amie. J’ai créé les motifs et les ai fait imprimés. Elle a fait tout le reste en s’appuyant sur mes croquis. Je n’avais jamais rien conçu qui devait être cousu. Donc ça a été un peu difficile et elle a, brièvement, voulu me tuer… mais elle s’en est très bien sortie et la tente est particulièrement jolie quand on l’éclaire de l’intérieur. Je l’ai installée dans différentes expositions d’art, une à Baltimore et une à Toronto. J’aurais aimé l’emmener en tournée. Peut être pour la prochaine.
Merci, parce que personne ne m’avait jamais posé la question. Ça a pris un putain de temps à faire ! (rires)
A l’origine, elle devait être photographiée de jour au printemps sur le recto et éclairée de l’intérieur la nuit en hiver sur le verso. Mais elle a pris tellement de temps à être construite que le printemps est passé et avec la date de sortie de l’album, il a fallu tout changer.
Pour finir, peux-tu nous citer trois des albums sans lesquels tu ne peux pas vivre ?
Hum, Music for 18 musicians de Steve Reich, Harvest ou After the Gold Rush de Neil Young et Bridge over troubled water de Simon et Garfunkel. Voilà les trois que je choisirais aujourd’hui… ou alors trois mixtapes par mon pote Jim Petts.
Photos et son : Caro
Fort Saint Père, scène du Fort – Lundi 17 août – 00h40
Retrouvez tous nos articles sur La Route du Rock, avant, pendant et après le festival ici.
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La Route du Rock Collection Eté 2015 du jeudi 13 août au dimanche 16 août.
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