[Report Jeudi] – La Route du Rock 2024 : le sourire de la tempête

Compte rendu écrit à six mains par Isa, Mr. B et Yann, et photographié par Mr B.

La Route du Rock fête ses trente ans et ce jeudi 15 août, c’était la première soirée de concerts au Fort St Père de cette édition. Et bien, une fois n’est pas coutume, le soleil est venu d’Angleterre. On vous raconte.

Enola

On a beau trainer nos guêtres à la Route du Rock depuis un paquet d’années, on apprécie toujours autant cette arrivée sur le Fort Saint-Père, une bière à la main, prêts pour trois jours que l’on espère les plus excitants possibles. Pas de nouveauté majeure sur le site, si ce n’est l’abandon des douves (qui n’avaient pas vraiment rencontré leur public).

On attaque les hostilités avec Enola, et on constate toute de suite l’envie de Ruby Marshall d’en découdre avec le public qui s’installe gentiment devant la scène des remparts. Avec sa veste de jogging noire à trois bandes, Ruby mime un échauffement de boxe et entre sur le ring avec Strange Comfort qui monte tout doucement et s’enflamme avec la hargne de l’artiste australien.ne. Le set alterne les morceaux, du dansant It’s not Love au plus classique Hurt, en passant par Metal Body et sa petite louche de shoegaze.

On a une petite préférence pour les titres post-punk qui démarrent en guitare-voix et montent en puissance, comme sur Waves. Ruby Marshall ne réinvente rien mais le tout est fait avec sincérité : si les plans de guitare sont parfois un peu convenus (Looking Back), Ruby se révèle poignant.e sur Father et son chant qui transpire l’urgence et le déchirement. Seul bémol, le backing band de l’artiste : à la fin du concert, l’artiste nous confie que ce groupe joue pour la première fois ensemble. Si le guitariste assure plutôt bien, le duo basse-batterie cachetonne et ne s’en cache même pas. Cela a l’avantage de faire ressortir l’énergie de l’autralien.ne qui aura parfaitement lancé cette soirée inaugurale au Fort Saint-Père.

Kae Tempest

Crevons le suspense :  Kae Tempest est sans aucun doute l’artiste dont on attend le plus l’entrée en scène ce soir. Enfant prodige venu.e d’un quartier bien pourri de Londres, poète.sse (on compte déjà 6 recueils à son actif, dont l’un a déjà reçu le prestigieux prix Ted Hugues outre Manche), figure du spoken word anglo-saxon, rappeur.euse, slameur.euse, romancièr.e (The Bricks that built the houses, 2016 –Ecoute la ville tomber), dramaturge, musicien.ne, Kae Tempest est depuis toujours multiple, tout.e autant nourri.e de Beckett que de hip hop US, de mythologie grecque que du Wu Tang, de Yeats que de Tupac ou Tirésias. Iel avance, cherche (et trouve !) une voie différente, intime et généreuse. Avec les trois missiles à déflagrations multiples The book of traps and lessons (2O19), Let them eat chaos (2O16) et Everybody Down (2014), d’abord, dont les fulgurances poétiques âpres et douces en même temps, nous ont tour à tour mis chaos, avec The line is a curve, ensuite (encore une fois aidé.e des fidèles Dan Carey et Rick Rubin), qui propose des sonorités différentes. Un disque plus apaisé et lumineux. En même temps chaud et intime. Intègre et ouvert. Puissant et fragile. Oui, on l’a avoué en préambule, on a hâte.

Dense couverture nuageuse. Kae Tempest s’avance, souriant.e jusqu’aux oreilles, le cœur immense et plein. Prêt.e au partage. Iel commence par nous remercier. De notre venue. De ce qu’on va partager ensemble. Le sourire qui donne, déjà, tellement. Derrière, sur une immense teinture noire, un arbre vénérable élance ses branches, qui toutes partent d’un même tronc. Belle image de ces connexions que Kae va faire naître avec la foule pendant toute la durée d’un set immense. Pourtant, iel a prévenu. Pas d’arrêt pendant le show pour nous parler. Seulement à la fin. Le flow doit couler, sans interruption. Pour rester concentré.e. Parce que la performance physique et la mémorisation sont ardues (on n’en aura pourtant jamais l’impression durant tout le concert). Une course de fond. Qu’iel semble passer sans effort. Mais certainement avec une concentration intense (et un travail de dingue en amont !).

Clare Uchima, complice de toujours, derrière son Prophet 6, un piano électrique (et d’autres machines qu’on ne voit pas) lance les premières nappes de Priority Boredom, titre inaugural de The Line is a Curve, quatrième et dernier album en date de Kae Tempest dont le flow rythmique prend immédiatement le Fort dans le sens du poil. Kae n’a rien oublié de la révolte (il y a quand même quelques trucs qui ne vont pas en Angleterre – et dans le monde, c’est un euphémisme), de l’anxiété, des solitudes, des injustices sociales qui consument de l’intérieur, de la santé mentale.

Alors sans violence, mais avec une inébranlable vulnérabilité, Kae raconte. Dissèque. Accompagne. Tend la main. Toujours tourné.e vers l’autre. Tout aussitôt, la doublette No Prizes/ Salt Coast, nous cueille par sa douceur. D’abord avec l’écrin des chœurs soul de Clare Uchima. Avec la scansion rythmique créé le flow de Kae Tempest ensuite, qui caresse l’oreille. Dans le ciel, six canards passent au-dessus de la scène. Et puis par une étrange sorcellerie, le soleil perce les nuages pour venir éclairer le visage immensément ouvert de Kae. Qui sourit et transforme le « rain » initial des paroles en un « sun » hilare. Les sourires se partagent. De chaque côté de la scène. On a les yeux humides, déjà, et on n’est pas les seul.es.

Le final de Salt Coast avec ces cuivres qui prennent aux tripes finit de nous retourner. Le flow lancé à toute allure sur les nappes grasses de Thinking Clearly (sur l’ep de 2023, Nice Idea) relance la machine tambour battant. On pourrait même lever les bras quand le lumineux et dansant More Pressure (en solo) résonne dans le Fort. Des sourires, le soleil sur les visages. Kae rit, se colle contre le caisson de son pour se laisser traverser par les vibrations sonores. Le Fort rit. Le Fort crie. Le Fort danse. Le plaisir, lui aussi, se partage. Ensemble. That was great, rigole Kae, oubliant une seconde qu’iel a promis un enchainement sans commentaire. A la suite, les arpèges de guitare de Grace s’accompagnent de sourires. Le flow caresse, réconforte, dans l’éblouissement des lumières du soir – comme dans les lyrics, que le Fort écoute avec une attention rarement vue. Et que Kae poursuit a capella. Let me be love, let me be loving. On a les larmes au bord des yeux. Nous et partout tout autour.  Kae aussi. It was grace. Définitivement.

Et Kae poursuit. On n’est qu’au milieu de la setlist qui va nous faire naviguer avec un ineffable bonheur de Let Them Eat Chaos (avec Europe is Lost et le tout aussi irrésistible Ketamine for Breakfast), à The book of Traps and lessons (le merveilleux Firesmoke, one of our favourite ever, dont les arrangements au piano ce soir fleurent du côté de Sakamoto et qui s’enchaine avec les basses lourdes de l’époustouflant Un/Holy Elixir, sur le final duquel Kae se tient derrière Clare Uchima et son Prophet 6 pour leur laisser la lumière) en passant par le bien plus récent Nice Idea avec ses rythmiques jazz voire jungle, aux accords jazz plaqués au piano. Prouvant une fois encore qu’en matière de productions, Kae Tempest ne s’interdit rien et affranchit là aussi les frontières.

Et puis Kae nous regarde. Attrape constamment les yeux dans la foule. Mais pas avec l’œil prêt à en découdre, comme souvent avec d’autres. Là, Kae vous regarde, vous. Avec une infinie et intime bienveillance, chacun.e respecté.e dans son individualité. C’est assez dingue à vivre. Et tellement à l’image de cet.te artiste dont l’empathie touche au plus profond. Le Fort ne s’y trompe pas. Et clame. Et crie. Et pleure parfois. Alors Kae nous offre un titre inédit (qu’on appellera provisoirement A statue in a square…), en déroule les paroles comme s’iel était en train de nous parler, là, directement, à nous. Oui, après avoir tant conspué, on élève des statues. Mais peu importe, finit-iel avec le merveilleux Peoples’ Faces, ce sont les visages des gens qui nous sauvent, les vies de chacun.es. « But it’s hard to accept that we’re all one and the same flesh / Given the rampant divisions between oppressor and oppressed / But we are though /… More empathy /Less greed/ More respect ». More empathy, More respect. On n’aurait pas mieux dit. Kae Tempest a plié le game. Et nous a offert, si tôt, le concert de la soirée.

Nation of Language

Comment faire pour succéder à la tempête que l’on vient de vivre ? En prenant le contre-pied parfait (merci les programmateurs), même si la tâche semble insurmontable. Le trio originaire de Brooklyn, Nation of Language, relève le challenge avec un live plutôt bien foutu : après deux premiers morceaux mélancolico-romantiques, le groupe balance une doublette On Division St / Sole Obsession qui fait irrésistiblement remuer les gambettes. Allergiques à la cold-wave originelle, passez votre chemin, on baigne dedans : rythmiques mid-tempo, gestuelle et danse stéréotypées, et effets sur la voix de Ian Devaney, tout y est. Aussi étrange que cela puisse paraître, on se laisse embarquer dans cette machine à remonter le temps, bien aidés par l’impeccable voix froide et romantique de l’élastique chanteur, qui ne s’arrête pas de couvrir la scène en dansant.

Sa présence hypnotique pallie la faiblesse scénique de ses comparses, Aidan Noell (synthés, choeurs) et Alex MacKay (basse), qui donnent la sensation de jouer sur une bande pré-enregistrée. On peut reconnaître une constance dans le choix assumé de s’inspirer très largement des sonorités synthétiques version eighties, mais on regrette pour notre part le manque d’originalité : à l’image d’autres groupes, le trio new-yorkais gagnerait peut-être en épaisseur s’il s’inspirait quelque peu de ce qui se fait depuis quarante ans. Le dernier titre aux allures de tube, A New Goodbye, montre la voie de ce que l’on aurait aimé découvrir : une version purement synthétique sur album, mais qui se révèle plus péchue lorsque Ian Devaney s’empare de sa six-cordes. Un bon concert de transition, à défaut de nous avoir complètement emballés.

Slowdive

On n’est pas vraiment dans la nouveauté non plus avec les suivants, puisque Slowdive a bercé les jeunes années d’un paquet d’honorables festivalier.es depuis… une poignée de décennies. Figure du début des années 90 (qui avait pourtant peiné à s’attirer à l’époque de ses sorties, la reconnaissance d’une grande frange de la critique musicale – mais, les années passant, nombre d’artistes ont clamé l’influence qu’avaient pu avoir les compositions de Slowdive sur leurs propres univers), Slowdive a su revenir en force, ou plutôt avec la délicatesse qu’on lui connait en 2014. Notamment d’ailleurs avec un concert impeccable et touchant avant l’entrée en scène de Portishead sur la même scène de la Route du Rock. C’est donc un retour au Fort St Père. Mais un chouette retour.

Pour preuve, ce titre inaugural issu de leur dernier album en date (Everything is alive, 2023), Shanti, qui envoûte immédiatement l’oreille avec ses basses profondes au synthé, ses guitares parfois claires, parfois noyées de reverb, sur lesquelles les voix de Rachel Goswell et Neil Halstead, à l’unisson, emportent très vite l’adhésion. L’enchaînement avec le plus enlevé Star Roving (Slowdive, 2017) n’est pas pour nous déplaire : les guitares s’emmêlent, le son grossit et le duo de voix, tantôt solo, tantôt à l’unisson est des plus réussis. Et quand Rachel Goswell chante des « houhou » dans les hauteurs avant le retour du délicat mur de guitares, on est plutôt séduits.

Alors certes le poids des années n’a épargné ni la bande de Neil Halstead qui se présente sur scène, ni ses innombrables fans qui se pressent tout devant, mais qu’importe, Slowdive n’a rien perdu de ses qualités (loin de là même) et va livrer une heure de concert tout en délicatesse et en maîtrise. Avec trois ou quatre guitares (dont une basse), parfois des claviers (Rachel Goswell mi blonde, mi brune alterne guitares et claviers) et une batterie, les cinq musiciens disposent de toute la palette nécessaire pour faire résonner dans le Fort leur shoegaze délicat et mélodique qui, certes parfois ennuie un peu les moins fans, mais auquel on doit reconnaître un pouvoir particulièrement envoûtant, tout comme des qualités de compositions plus qu’évidentes.

Les plus anciens (mais pas seulement) se régalent des madeleines nineties, vieux (mais excellents) titres dont le groupe ponctue sa setlist tels Catch the Breeze (Just for a day, 1991), Crazy for you (Pygmalion, 1995), et bien sûr Souvlaki Space Station, puis plus tard dans le final des émouvants en diable Alison et When the Sun Hits (tous trois sur Souvlaki sorti en 1994), si on ne se trompe pas. Mais les derniers titres en date ne déparent pas non plus dans la setlist. Kisses et Chained to a cloud nous gagnent progressivement par leurs évidentes qualités. On retrouve ce soir ce qui nous plait tant chez Slowdive : un sens mélodique certain (dont d’aucun .es pourraient prendre de la graine), un travail sur les textures toujours immensément soigné, des harmonies limpides et des voix aériennes, tout ça dans un halo de reverb’ toujours envoûtant. Qui aura, nous semble-t-il, su séduire les fans de toujours et sûrement aussi une bonne partie du Fort.

The Kills

Les rangs se resserrent et l’on constate que The Kills fait toujours recette, 13 ans après leur dernière apparition au Fort Saint-Père. Le duo, composé d’Alison Mosshart aka VV et Jamie Hince aka Hotel, n’avait pas donné de nouvelles discographiques pendant 7 ans… jusqu’à l’an dernier. Avec la sortie de God Games à l’automne, le duo, flamboyant certes, mais qui par le passé avait pu parfois tomber dans une certaine facilité, se montre bien plus inspiré qu’on aurait pu le craindre. Avec la production de Paul Epworth au goût du jour, qui arrive à trouver un équilibre entre rugosité et appétences plus variées (chœurs gospel, accents trip hop, balade quasi piano voix), en 12 titres, le duo parvient à se réinventer et ranime l’envie de découvrir les effets de cette partielle mue en live. Le résultat ?

Jamie et Alison entrent sur scène avec deux classiques dans leur besace : il faut être honnête, le riff bluesy de Kissy Kissy fait immédiatement son effet, et le langoureux U.R.A. Fever fait irrésistiblement onduler le public. Le duo présente ensuite très largement les arrangements scéniques du nouvel album : ce dernier passe plutôt bien l’épreuve de la scène, et permet de découvrir de nouvelles influences au blues-rock d’origine.

Petit regret cependant : le nouvel album laisse très souvent Alison seule au chant (l’enchainement Love and Tendreness / 103 / Going to Heaven). Et si elle bouge dans tous les sens à travers la scène, à grand renfort de renversements capillaires (elle s’en amuse même avec Jamie, lorsqu’elle dégage de larges mèches de sa bouche), cela ne suffit pas à meubler l’immense scène.

Même s’ils font l’effort d’occuper l’espace, le duo paraît moins complice sur ces nouveaux titres. On rappelle qu’ils ne sont que deux, Jamie à la guitare et au chant et Alison au chant (qui s’empare parfois d’une guitare), le tout étant accompagné d’une boîte à rythmes : au bout du quatrième passage à la Route du Rock, est-ce que l’effet de surprise est passé ? Ou bien le duo est-il un poil vieillissant ? Il faut quelques incursions dans leur discographie précédente (Baby Says / Black Balloon) pour nous raccrocher à ce duo de voix parfaitement complémentaires. Le rythme retombe avec LA Hex et My Girls My Girls, qu’on avait beaucoup aimé sur album pour cette fraicheur retrouvée, mais qui se trouvent être poussifs en live.

Jamie et Alison concluent en beauté avec l’imparable Future Starts Slow et Sour Cherry : finalement, on apprécie de retrouver The Kills pour leurs tubes, qui ont cette capacité à vous choper l’oreille à coups de petits riffs accrocheurs et clairement identifiables. Mais si le duo a su en partie se renouveler avec God Games, cela se révèle insuffisant pour nous emporter complètement.

Backxwash

A ce moment de la soirée, on commence sérieusement à avoir besoin d’un bon coup de fouet. Ça tombe bien c’est exactement ce qu’on attendait avec la canado-zambienne Backxwash sur la scène des remparts. Le set démarre avec des projections sur une scène uniquement occupée par un pied de micro puis par un avertissement sur l’usage de lumières stroboscopiques. Précaution hautement justifiée. C’est en effet dans un déluge de lumières et de décibels que déboule Ashanti Mutinta, de son vrai nom, grimée comme une écolière possédée par un maléfique esprit vaudou.

Son rap furieusement militant et percutant comme un camion sans frein, nous remet d’aplomb en un rien de temps. Son flow abrasif à souhait porté par des beats transpercées de stridences métal, indus et horrorcore fait merveille.

Seule en scène mais experte dans l’art d’embraser les premiers rangs, elle livre un set ultra généreux et dont la fureur ne baissera pas d’un cran. Il manque encore juste un petit quelque chose dans les modulations et la montée en puissance pour que nous soyons totalement emportés mais ce fut quand même une bonne petite claque. Nous suivrons ses prochaines aventures musicales avec beaucoup d’attention.

Soulwax

La soirée se concluait (pour nous) par le retour des frères Stephen et David Dewaele avec leur formation Soulwax. En 2019, ils tentaient de réactualiser sur la même scène leur autre projet 2 many dj’s, peinant cela dit à nous convaincre quasi 20 ans après le set qui avait mis le feu aux TransMusicales.

Pour cette fois, nous espérions que le spectaculaire dispositif scénique tout en claviers, tables de mixages analogiques à gros boutons, métallophone vertical, triplette de batteries et déluge de spots lumineux nous réconcilierait avec les frangins. Ce ne fut pas le cas. Passé l’effet waw de la débauche matériel, nous coinçons sévère sur la voix de Stephen et la lourdeur du jeu rythmique des trois batteurs. Même le pilonnage soutenu de diaboliques boucles de synthés ne nous déride ni les zygomatiques, ni les gambettes. On espérait que le show des Belges propulse le Fort la tête dans les étoiles, il nous aura laissés au ras du sol.

Notre galerie photos complète de la soirée du jeudi :
Route du Rock 2024 : jeudi 16 août

Retrouvez tous nos articles avant, pendant et après la Route du Rock 2024 ici

 


La Route du Rock Collection Eté aura lieu du 14 au 17 août 2024 à St Malo et au Fort de St Père

Plus D’1fos


 

Laisser un commentaire

* Champs obligatoires