Mercredi 22 janvier, l’Antipode de Rennes vous proposait une date qui célébrait parfaitement la musique dans ce qu’elle a de plus passionné et libre. On y retrouvait, dans toute la chaleureuse intimité de la scène club, le collectif américain de free jazz Irreversible Entanglements mais aussi les sélections en vinyle de Jean-Louis Brossard en DJ de luxe. On revient en mots, mais également en images, sur une soirée parfaite pour démarrer cette année 2025 de concerts.
Nous avons été gâtés pour notre premier concert de cette nouvelle année à l’Antipode. C’était le mercredi 22 janvier 2025 sur l’impeccable scène du club du lieu et c’est peu dire que la soirée a largement dépassé nos pourtant très hautes attentes.
On y a eu le grand plaisir d’enfin pouvoir voir en live le collectif de free jazz américain Irreversible Entanglements.
On y retrouve la poétesse et MC Camae Ayewa (alias Moor Mother), le saxophoniste Keir Neuringer, le trompettiste Aquiles Navarro, le contrebassiste Luke Steward et le batteur Tcheser Holmes. Formé aussi bien grâce à des affinités musicales qu’à des camaraderies de lutte au sein de mouvements comme Books Through Bars (asso proposant des livres gratuits aux détenu.e.s) ou Musicians Against Brutality (Mouvement contre les brutalités policières), le quintet propose un mélange aussi détonnant que passionnant Leur jazz sans œillères mêle ainsi improvisations, groove sans frontières et textes d’une acuité et d’une puissance peu communes. Portée par la présence scénique volcanique de la fascinante Moor Mother (son album The Great Bailout est un de nos grands chocs de 2024) la musique du collectif est à la fois complexe, militante mais aussi sensoriellement immédiate.
Leurs quatre albums : Irreversible Entanglements (2017 chez International Anthem / Don Giovanni), Who Sent You? (2020), Open the Gates (2021) et Protect Your Light (2023 sur le mythique label Impulse! Records) et leurs deux lives sont des disques vastes et aventureux salués à de multiples reprises par des critiques de tous horizons. C’est donc peu dire qu’on attendait de se prendre ça à bout portant avec une fébrile impatience.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils n’ont pas déçu nos folles attentes. Leur long et généreux set démarre en douceur avec des petits motifs free jazz s’étoffant petit à petit. D’emblée, nous sommes très impressionnés par la section rythmique. Tcheser Holmes, mâchoire serrée derrière les fûts, tisse avec expertise, des toiles rythmiques en parfait équilibre entre délicatesse et puissance. Le contrebassiste Luke Steward n’est pas en reste avec un groove envouté lui aussi à la fois chaleureux et alambiqué. Plus discrets au départ, le saxophoniste Keir Neuringer et le trompettiste Aquiles Navarro, vont eux-aussi progressivement monter en puissance avec une imposante générosité. Au cœur de tout ça, vibre avec une intensité rare les incantions vocales et bruitistes de Moor Mother. Malgré la noirceur de l’époque, sa voix profonde nous invite avec autant de douceur que de ferveur à ne pas céder au désespoir et à lutter, encore et toujours, car, à la fin, c’est nous qui gagnerons bien sûr. Sa psalmodie envoutante réussit à nous filer un coup de fouet tout en nous collant le grand frisson. Le concert va petit à petit encore gagner en amplitude en s’aventurant vers des motifs afro-cubains, des volutes coltraniennes ou par des boucles vertigineuses à la Sun Ra.
Après une courte pause, le quintet revient pour un long dernier morceau qui va, là encore, monter en puissance jusqu’à un embrasement final éblouissant nous laissant des étoiles dans les yeux et les oreilles.
Avant et après le concert, nous avions en plus droit aux sélections avisées et en vinyles de Jean-Louis Brossard invité en DJ de luxe ce soir-là. Mêlant classiques et perles rares avec une érudition et une largesse réjouissantes, son set fut la cerise sur le splendide gâteau que fut cette soirée.
Gare à toi 2025 ! Il va falloir être à la hauteur de ce tonitruant démarrage.
Notre galerie photo complète de la soirée :