Le duo féminin des Mansfield TYA était venu à l’Antipode il y a quelques mois. On aurait pu craindre que le concert proposé ce soir reprenne linéairement leur show précédent. Il n’en est rien, leur nouvelle prestation ce soir à l’Ubu, sera tout à la fois différente et semblable. Semblable en intensité, et différente grâce à une tracklist revisitée et aux morceaux souvent réarrangés. Comme cette excellente version de « So long » en canon à la batterie et au piano…

 

C’est un autre nantais qui ouvre le concert. Federico, le frontman des French Cowboy a abandonné ses comparses le temps de quelques dates solos. Seul, avec sa guitare, son vocoder et sa pédale à boucles et à effets, il va parfaitement assurer le show. Pour preuve, cette entrée en matière sur Little 15 de Depeche Mode tout aussi hypnotique que l’original, grâce à des boucles vocales habitées.

 

Pour autant, le bonhomme est un drôle et n’hésite pas à faire rire le public tout au long de son set. Il propose une ballade pour sa fille (qui préfère Rihanna), elle se finit dans des stridences complètement décalées, ose une reprise du « Umbrella » de Rihanna justement, à la chorégraphie étudiée, invite le public à enregistrer des boucles pour faire ses morceaux et garde l’une d’elle avec un terrible larsen, que l’on doit subir, dans les rires à chaque nouveau refrain, nous parle de sa future nouvelle coupe de cheveux (l’homme est quasi chauve), invite à choisir la chanson suivante sur son sopalin-playlist et finit le concert sous les acclamations du public. Blague mise à part, l’homme est plutôt fort dans son style et qu’il propose covers déjantées ou plus sérieuses ou ses propres compositions, son rock’n roll mâtiné d’americana frenchy emporte plutôt les suffrages. A sa suite, il annonce la venue des « deux déesses » de Mansfield TYA.

 

Leur dernier album, Seules au bout de 23 secondes, sorti cette année chez Vicious Circle a reçu un excellent accueil public et critique (mérité !). On n’est donc à peine surpris de voir l’Ubu bien rempli, malgré l’actualité ‘ »footbalistique » de la soirée. Lorsque les deux jeunes femmes arrivent, le public se fait aussitôt attentif.

 

Et Mansfield TYA, sur scène, c’est d’abord une histoire de regards. Celui du public vers elles, captivé, mais aussi le leur. On ne devrait pas être surpris, c’est déjà souligné par la pochette du second album. Entre leurs deux visages en ombres chinoises, des points reliés, comme un regard échangé. Ce groupe, c’est d’abord ce regard. Entre Julia Lanoë et Carla Pallone. Elles ne se lâchent pas des yeux, elles ne s’abandonnent jamais, chacune, toujours, veille sur l’autre et si leurs regards appuyés se tournent parfois ailleurs, elles restent aimantées. Carla Pallone, la violoniste, vient derrière Julia Lanoë (pour ce morceau, à la batterie), et joue dans son dos, juste au-dessus de son visage. Et si elles se tournent le dos, on sent pour autant toute la confiance qu’elles s’accordent, et comme des aimants semblent toujours deux pôles attirés. Aussi, à deux, elles occupent tout l’espace de la scène, il n’y a pas de vide. C’est comme un pas de deux musical. Chacune souligne toujours la présence et l’importance de l’autre.

 

On assiste à cette intimité à la fois troublante et rassurante, le souffle retenu. Pourtant le concert, une nouvelle fois montrera la maîtrise des deux jeunes femmes, justement, dans l’ambivalence des registres. Si on a le souffle coupé par l’intensité de leurs morceaux, le cœur remué aussi, par des paroles émues ou cruelles, les deux musiciennes contrebalancent toujours le sérieux de leur composition par des éclats de rires et toujours ce recul de faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.

 

Dès le premier morceau, le ton est lancé car une araignée s’invite sur la scène et descend juste devant le visage de Julia Lanoë sous le regard mi-amusé, mi-compatissant de sa complice. Nous, on ne se doute de rien, jusqu’à ce saut : « Wahhhh y a une araignée » et l’éclat de rire général qui s’ensuit. Le concert sera ponctué de ces éclats de rire (les deux jeunes femmes sont vraiment très drôles), des mimiques et des poses rock’n roll appuyées de Julia Lanoë qui n’hésite pas, pour le rappel, à se transformer en Elvis pour une reprise hilarante de « Love me tender».

 

Même si elles ne sont que deux sur scène, le spectre musical de leur concert reste étendu, non seulement grâce à la variété  de leurs morceaux issus principalement du dernier album (rock aride, pop détournée, à l’évidence mélodique, mélancolie ou rage sombre, en anglais ou en français…) mais aussi parce que les deux jeunes femmes échangent leurs instruments. Et si Carla Pallone est la seule à jouer au violon (et de quelle manière !), et que Julia Lanoë assure la voix principale, elles s’échangent sans complexe, basse, guitare électrique, piano ou batterie… (Et même œuf…)

 

La soirée s’achève face à un public enthousiaste (et content) qui réclamera deux rappels. On sent qu’on n’a pas vraiment envie de les laisser repartir et on les écouterait bien un peu plus longtemps… Malgré tout, le concert s’achève, sous des applaudissements plus que fournis.

 

Aussi,  « s’il n’y a pas d’étoiles sur le plafond », l’Ubu a prouvé qu’il y avait au moins une araignée et deux étoiles sur scène…

 

Les photos du concert de ce mercredi 18 novembre à l’Ubu :

Photos concert : Caro.