C’était dimanche 25 mai. Pour protester contre les mensonges de nos politiques, plein de gens avaient choisi de voter pour d’encore plus gros menteurs. Bref, ce n’était pas la joie. Pour échapper à l’atroce soirée électorale inhérente à ce naufrage, nous avions décidé d’aller voir le trio anglais Poino invité par Kfuel au Bar’Hic, histoire de nous réconcilier un peu avec l’humanité. Grand bien nous en a pris.
Drôle d’ambiance place des lices en ce soir de résultats des élections européennes. Il y a ceux que ça fout en rogne, ceux qui s’en foutent, ceux qui préfèrent en rire… mais tous ceux qui sont venus au Bar’Hic sont très impatients de voir les trois britanniques de Poino dans leurs œuvres. Les Londoniens avaient squatté nos platines en 2011 avec la noise labyrinthique et insidieuse de leur excellent album Moan Loose. Nous avions particulièrement été ravis de retrouver dans la bande le chanteur/guitariste Gaverick de Vis rescapé des épatants Giddy Motors (autre formation tortueuse et furibarde dont les phénoménaux Do Easy et Make it Pop ont également tourné en rotation lourde par chez nous).
Les gars étant arrivés en retard et comme ce n’est pas vraiment la foule des grands jours, le concert peine à démarrer. Le trio s’installe finalement vers 22h, visiblement pas trop emballé de démarrer devant un bar aussi peu rempli. Ça ne va pas durer longtemps. A droite se place Gaverik de Vis avec sa guitare, sa silhouette dégingandée et sa drôle de tignasse. Il est accompagnée de deux binoclards ne payant pas de mine au premier abord : John Greenhorn au centre à la batterie et de Ross Blake à gauche dans l’ombre à la basse. On va vite se rendre compte qu’il faut se méfier des apparences.
Le set démarre plein pot avec l’excellent Bird Trick, premier titre extrait de leur nouveau disque Bon Ick Voyeur, dont on va avoir la joie de découvrir presque l’intégralité des morceaux au fil du set. On s’aperçoit vite que l’on a affaire à une triplette de musiciens hors normes et largement au dessus du lot. La voix chuintante et râpeuse de De Vis susurre ou hurle de peu rassurantes prédications flottants au dessus d’une guitare agressive, ondulante et abrasive. Ross Blake fait vrombir sa basse avec une précision et un doigté redoutable tout en n’étant jamais où on l’attend vraiment. Le truc magique et biscornu qui se lie entre les deux instruments à cordes est quelque chose d’assez fascinant. Mais pourtant le plus spectaculaire, reste l’incroyable John Greenhorn qui derrière ses futs, maltraite et cajole avec la même dextérité des rythmiques alambiquées et envoutantes. Beaucoup de nouveaux titres donc, même si on reconnaît au passage le tétanisant Widow’s Cube et que leurs talents de composition et d’interprétation font que l’on s’y laisse prendre dès la première écoute. Le public n’est pas très nombreux mais donne tout ce qu’il a pour rendre justice à une telle démonstration. Du coup, nos gars, ravis, retournent la générosité en jouant pendant presqu’une heure passant comme un charme et s’achevant sur l’explosif Bunny Up en guise de rappel. Malgré les bravos de l’assistance, les gentlemen trouvent encore le moyen de s’excuser du fait que d’habitude ils jouent beaucoup plus fort alors que le son précis et juste intense comme il faut mitonné par l’ami Etienne était un pur bonheur.
Comme nous sommes généreux et que les camarades Appolosmouse (aux images) et Etienne (au son) ont encore merveilleusement bossé, nous vous offrons la possibilité de voir ou de revoir ce formidable concert en intégralité dans des conditions dont on ose à peine rêver quand on peut voir l’effroyable qualité de l’immense majorité des concerts visibles sur la toile. Merci à nos Lomax de la noise pour le travail et merci également à Kfuel qui ajoute un concert de grande classe de plus à son imposant palmarès.
Pour de basses raisons de réveil réglé déraisonnablement tôt, nous ne restâmes hélas pas pour le concert de Fairhorns qui suivit. Tant pis pour nous.