Sophie Hunger est venue à l’Antipode ce jeudi soir. La jeune chanteuse suisse passait par Rennes pour présenter son nouvel album 1983 sorti en 2010 à un public venu nombreux. Il faut dire que la jeune femme a fait du chemin depuis sa première démo enregistrée en 2006 dans son salon (Sketches on Sea) et a su rallier un public fidèle, notamment avec la sortie de son premier album studio Monday’s Ghost, en 2009. Ce premier opus lui a permis de se faire remarquer hors des frontières de Suisse et de rencontrer un public de plus en plus nombreux dans toute l’Europe.
Musicienne ouverte à différents univers, on a déjà pu la voir sur scène en compagnie d’Erik Truffaz ou des Young Gods ou encore de Camille. En 2008, elle était même l’une des artistes invitées au Festival de Montreux. On n’est donc pas étonné que l’Antipode soit bien rempli ce jeudi soir.
Mais avant l’arrivée de Sophie Hunger et de ses musiciens, c’est The Last Morning Soundtrack qui ouvre la soirée. Nous les avions découverts à l’automne dernier en première partie d’Efterklang. A l’époque, sur scène, Sylvain Texier l’auteur-compositeur à la guitare folk et au chant, était accompagné par 4 musiciens qui se partageaient un violoncelle, une guitare électrique, une basse, une batterie, mais aussi un toy piano, un métallophone, un clavier…
Depuis, la formation s’est resserrée autour de Sylvain Texier à la guitare acoustique et électrique et à la voix, et Viet Nguyen au violoncelle, parfois sur quelques chœurs. Les chansons folk du jeune homme apparaissent plus dépouillées, mais les arrangements, essentiellement au violoncelle (mais le toy piano n’a pas disparu) continuent de donner une profondeur mélancolique aux compostions.
Des arpèges à la guitare, quelques ornementations, des contrepoints au violoncelle : les deux jeunes gens jouent avant tout la carte de l‘émotion alliée la simplicité. On pourra rapidement entendre ces chansons sur un premier album. « Nous avons enregistré et mixé le premier album en août dernier, expliquait Sylvain pendant l’interview [Interview de The Last Morning Soundtrack là] que nous avions réalisée d’eux au printemps. Mais, après ré-écoute quelques mois plus tard, je n’étais pas satisfait par le mixage. Je suis donc en train de faire remixer l’album. D’ailleurs, le travail touche à sa fin et je suis, cette fois, très satisfait de la couleur de l’album ! Je ne veux pas encore me prononcer sur une éventuelle date de sortie, mais nous approchons ! » Le duo explique finalement ce soir au public de l’Antipode, qu’il devrait sortir son premier opus en début d’année prochaine. Les spectateurs semblent attentifs et curieux et les deux jeunes gens finissent leur concert sur un rappel applaudi.
C’est maintenant au tour de Sophie Hunger. Celle-ci est accompagnée par 4 musiciens (un guitariste, un batteur, un bassiste et un tromboniste-glockenspieliste…) et alterne elle-même entre deux instruments : le piano et la guitare (qu’elle soit acoustique ou électrique). Pour le premier morceau, la jeune femme chante accompagnée par un bourdon formé par ces quatre voix mâles, ce qui donne tout de suite encore plus de relief à sa voix. Car le premier atout de la jeune femme c’est d’abord sa voix. Un timbre attachant, émouvant, une technique qui lui permet de passer de l’intensité du murmure à la puissance, d’ébrécher le grain de sa voix sur des compositions plus accidentées qu’elle n’en ont l’air a priori.
Sophie Hunger passe sans effort apparent de l’allemand à l’anglais, en passant par le français. Et il faut le reconnaître, écouter des chansons pop ou à la tonalité blues et jazzy en allemand, ce n’est pas chose courante sur nos scènes bretonnes. Mais peu importe la langue utilisée, les chansons de la jeune femme font mouche à chaque fois pour un public réceptif et conquis.
La musicienne parle fréquemment en français entre les morceaux, ce qui renforce la facilité de la communication entre elle et son public. Elle se souvient de sa première date à Rennes, à l’Ubu, « dans une salle comme ça » et elle mime la forme d’un croissant sous les éclats de rire du public rennais. Cette date, dit-elle, reste un très bon souvenir pour elle et ses musiciens. Le public aura à cœur de lui laisser une aussi belle impression pour cette nouvelle date à Rennes. Les applaudissements fournis, les cris et les éclats de rire complices ponctueront tout le set.
Les chansons écrites par la jeune femme sont parfaitement servies par les quatre musiciens qui l’accompagnent. Qu’il s’agisse du batteur qui joue sur la subtilité, du trombone qui donne en même temps une touche jazzy et davantage de coffre aux différentes chansons, des choeurs à deux, trois ou quatre voix, les morceaux sont toujours arrangés avec une réelle maîtrise. Le groupe alterne les morceaux calmes, les chansons énergiques, les ambiances pop, folk, jazzy et le set apparaît vraiment parfaitement équilibré entre ces différentes couleurs musicales.
Les spectateurs applaudissent, conquis entre autre, par la présence de la jeune artiste, dans sa petite robe noire, avec sa guitare ou son piano comme alliés. La cover de Le vent nous portera de Noir Désir finit de lui aliéner un public déjà ravi. Le concert se poursuit sans temps mort, porté par le charisme de la jeune femme et la maîtrise des cinq musiciens. Lorsque le dernier morceau s’achève, on n’est donc pas étonné d’entendre l’engouement non feint des spectateurs. Les cinq musiciens se mettent en ligne et saluent de concert, visiblement touchés par cet accueil.
Le groupe revient alors pour un premier rappel, pour trois nouveaux titres qui finissent de combler le public. Pour autant, les spectateurs réclameront un nouveau retour des musiciens. Leur appel ne reste pas vain et les cinq musiciens apparaissent finalement pour un dernier rappel… qui commence dans un gigantesque fou-rire. Sophie Hunger se moque gentiment d’un de ses musiciens « trop vieux pour lire la setlist sans ses lunettes » et le groupe comme le public rit à gorge déployée. On restera sur ce dernier fou-rire, à l’image de la relation qui a unit la jeune femme et ses musiciens à leur public toute la soirée : la complicité.
Photos : Caro