Jeu de l’Ouïe : Autopsie d’un rock toujours vivant

Autopsie du Rock

Le Jeu de l’Ouïe, projet d’éducation artistique de l’ATM en coproduction avec les Champs Libres, faisait sa rentrée à l’Aire Libre. On peut se poser légitimement la question de l’intérêt d’aller, un soir d’été indien, s’enfermer dans une salle, aussi agréable soit-elle, pour suivre une conférence. Mais les conférences du Jeu de l’Ouïe sont un moment à part dans le paysage musical rennais, et le public nombreux (et probalement fidèle) est là pour le prouver.

Cette première conférence-concert de la saison 2011-2012 s’inscrit dans le cycle « Décryptage du Rock » qui a débuté début 2010. Après avoir couvert entre autres l’historique du rock (1945-1960, 1960-1989, 1990-2010), cette conférence nous proposait de faire l’Autopsie du Rock , analyse approfondie d’un courant musical qui survit depuis plusieurs décennies aux diverses révolutions musicales. Et le conférencier n’est autre que Pascal Bussy. Journaliste, auteur de nombreux ouvrages (notamment sur Coltrane, Can, et plus récemment Kraftwerk), il est actuellement responsable de labels chez Harmonia Mundi.

autopsie du rock

Ce dernier nous rassure tout de suite, l’autopsie pratiquée est celle d’un mouvement bien vivant. Pendant cette conférence, il s’est attaché à nous fournir des éléments de connaissance et de compréhension du mouvement rock et de ses composantes. A travers l’analyse de différents éléments constitutifs du rock (la voix, la guitare, la rythmique), il tente de dégager des éléments communs qui fondent le rock. Et si les instruments forment le coeur de ce genre musical, il n’oublie pas non plus la présence essentielle de la mélodie et du rythme, dans un chapitre consacré à l’Art de la mélodie et à la science du rythme. Rien de bien nouveau que nous ne connaissions déjà, nous direz-vous : mais cette synthèse de différents éléments que nous connaissons (plus ou moins) intuitivement permet d’éclairer de façon plus intelligible un mouvement protéiforme.

L’un des passages les plus intéressants (parce que peut-être moins prévisible), concernaient le sens des paroles : pour les non-anglophones, celles-ci sont souvent inintelligibles. Si ceci est parfois une bonne chose, Pascal Bussy démonte quelques fausses interprétations concernant ces paroles de chansons (par exemple Born in The USA de Springsteen). Pour conclure sur le fait que le rock actuel, reflet d’une époque, n’a plus vraiment de slogans et que son contenu verbal s’est considérablement aseptisé.

Autopsie du Rock

A contrario, le rock se régénère musicalement de manière permanente, et la tendance s’est accentuée ces dernières années. La porosité de plus en plus forte entre le rock et les autres musiques multiplie l’émergence des nouveaux styles musicaux. La famille rock s’aggrandit de jour en jour et est plus vivante que jamais. Mais le conférencier nous rappelle en conclusion que le fait d’être devenu un produit de consommation comme un autre, fait qu’on entend beaucoup de rock autour de nous. Mais qu’il ne faut pas oublier de l’écouter. Et en nous apportant des éléments de réponse sur la situation actuelle du mouvement rock à travers ses évolutions, on peut dire que l’objectif de cette conférence est atteint.

On peut aussi souligner la qualité du livret fournit au début de la conférence, qui permet d’approfondir le sujet, notamment à travers une riche bibliographie. La séléction rigoureuse et cohérente des vidéos et extraits musicaux qui illustrent le propos participe aussi de la réussite de ce genre d’évenement.

Enfin Pascal Bussy a déjà donné de nombreuses conférences dans le cadre du Jeu de l’Ouïe, et ça se voit. Pendant la conférence, il n’hésite pas à se référer aux précédentes conférences : cette autopsie du rock s’insère dans un projet plus global que vous pouvez retrouver sur le site de l’ATM (ici). Et la présentation des prochaines conférences à venir nous donne clairement envie de suivre de très près cette nouvelle saison du projet de l’ATM (avec notamment une étude des rapports entre le rock et les autres formes d’arts, comme la photographie et le cinéma).

The Lanskies

Après une pause rafrachissante dans cette chaleur inhabituelle, nous sommes invités à (re)découvrir The Lanskies sur scène.

Après les avoir manqués lors de leur passage au 4 bis lors des dernières Transmusicales faute de places, c’est avec une certaine impatience qu’on attendait leur prestation scénique après avoir apprécié leur album Bank Holiday. Avec toutefois une petite crainte, étant donnée la configuration assise de cette salle.

Et assez rapidement on constate que leur rock énergique n’est pas forcément adapté à cette salle : on a envie de bouger dès les premières notes d’However, mais on reste bêtement assis. On sent le groupe un peu mal à l’aise aussi, le chanteur Lewis Evans en tête, qui bouge beaucoup sur scène mais qui n’a pas en retour l’énergie du public pour le pousser encore plus loin.

Ce qui aurait pu être un concert un peu tiède, étant donné les circonstances, va finalement révéler le potentiel scénique de ce jeune groupe.

The Lanskies

Le plus impressionnant, c’est que les cinq musiciens balancent leur énergie et font le show en faisant rapidement abstraction du public statique. Après avoir livré une très belle interprétation de Jesus, et profitant d’applaudissements de plus en plus nourris, Lewis demande aux gens de se lever et de s’avancer devant la scène : pari réussi, la grande majorité du public répondant positivement. Le concert peut alors vraiment débuter, et on prend conscience du talent de ce combo originaire de St Lô.

On avait déjà constaté le pouvoir tubesque de certains titres sur l’album, mais ces morceaux prennent encore plus d’ampleur lors du set. Il y a bien entendu However, Dirty Harry, Jesus…. Les riffs sont accrocheurs, la rythmique est carrée, les choeurs sont réussis. Mais il y a surtout le grain de voix de Lewis Evans, qui n’est pas sans rappeler par moment celui de Robert Smith.
Et puis sa présence scénique est réellement enthousiasmante, et dans ce cas précis, le mot charisme n’est pas galvaudé. Certes tous les morceaux ne sont pas aussi réussis, mais certains des titres du set semblent être de nouvelles compostions (un nouvel album est prévu pour novembre) : nul doute qu’ils gagneront en épaisseur après un rodage scénique plus conséquent.

The Lanskies

On avait remarqué sur leur album le savant mélange d’influence rock britannique (Foals, Bloc Party…) et de post-punk proche de The Cure. Le mélange est encore plus réussi sur scène, avec en point d’orgue Tiger Girl, qui commence en post-punk eighties pour finir avec une batterie discoïde très dance-rock. Et puis il y a pour clore ce concert le tubesque Bank Holiday, sur lequel Augustin troque sa basse pour une cloche mambo qui donne ce petit son si particulier à ce titre redoutable : le genre de morceau que vous reprenez avec le chanteur dès la première écoute…

Un concert de rock parfaitement en phase avec la conférence, et qui nous prouve une fois de plus que le rock n’est pas mort !

Le Jeu de l’Ouïe sur le site de l’ATM

Le site de l’Aire Libre

Le site de The Lanskies

Photos : Solène


Laisser un commentaire

* Champs obligatoires