Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers cette chronique. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués.
On l’a découverte un peu par hasard. A l’époque, très peu d’infos circulaient à son sujet mais les écoutes répétées depuis son bandcamp, site de musique en ligne, nous avaient largement convaincus de passer au Bar’Hic à l’occasion de la release party du groupe rennais You’ll Brynner. Hazel Anne ouvrait en effet la soirée.
Malheureusement, arrivés en retard à cause de ce fichu verre, le fameux « bon-ok-c-est-le-dernier-mais-après-je-file », seules les trois dernières chansons de son set avaient pu être entendues. Pour autant, nous en étions sortis enchantés et impatients de la revoir. Et ce n’est que très récemment que nous l’avons retrouvée pour un live très intimiste, en off du off des bars en trans. Une nouvelle fois, la magie a opéré malgré des conditions techniques compliquées. Rendez-vous lui fut donné quelques jours plus tard pour en savoir un peu plus sur son projet.
Fin décembre 2018, la température extérieure est hivernale. Gants et bonnets sont de sortis. En refermant la porte du bistrot « La Cour », rue Penhoët, on a instinctivement une pensée émue pour l’inventeur des lentilles de contact. Grâce à elles, ça en est fini du temps où une épaisse buée venait squatter les verres de nos lunettes nous faisant perdre toute crédibilité. Déjà arrivée, Hazel Anne nous attend au comptoir. Involontairement, elle nous avoue son léger stress. L’exercice de l’interview ne lui est pas familier. On tente de la rassurer comme on peut, sans doute avec une pirouette humoristique qui ne fait rire que nous et on se pose à l’écart des habitué·e·s du bar.
La première gorgée de houblon vite avalée, on apprend que son projet est relativement récent… à l’échelle rennaise, en tout cas ! 4 ans en arrière, Hazel Anne ne savait jouer d’aucun instrument de musique. Et pourtant, elle s’est décidée à composer des musiques pour illustrer ses propres textes. « L’occasion s’est présentée de me lancer dans cette aventure. Je m’en serais voulu si je ne l’avais pas fait. J’ai donc acheté une petite boite à rythme, une pédale de loop et une basse. » On pourrait croire qu’avec moins de cordes l’instrument soit plus facile à maîtriser mais la raison de ce choix n’est pas à chercher par ici. Pour elle, « la basse est aussi bien rythmique que mélodique. Beaucoup de morceaux sont tenus exclusivement par la basse… » On ne peut qu’être d’accord.
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A force de bidouiller, d’expérimenter, d’effacer, de recommencer, les premiers morceaux voient le jour. Une première version de l’EP « BAOU » sortira en 2017, un peu dans l’urgence et retravaillée depuis. « Il fallait que ça sorte à ce moment là ! Plus tard, après quelques réécoutes, la première mouture ne me plaisait pas. J’ai du coup tout réenregistré chez moi… »
Une question toute bête mais loin d’être anecdotique se pose alors. Quel nom d’artiste choisir ? « Je trouvais le son d’Hazel intéressant. Cela sonne aussi bien masculin que féminin, mi anglo-saxon, mi oriental. » Manque de bol, ce nom est déjà accaparé par un vieux groupe de Portland, signé sur le label Sub Pop Records. La chanteuse choisit d’accoler son prénom et le tour est joué !
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Hazel Anne est du genre à se fixer des objectifs, petit à petit. Elle sait où elle veut aller. « Je profite de cette période de chômage pour faire ce que j’aime mais je le fais à fond. Si on se cache derrière quelque chose, si on n’assume pas à 100%, on fait de la merde (rires) » Déterminée, un deuxième EP « Rustige Reis » est enregistré et mixé au studio Vetter avec l’aide de Jérôme Cousin quelques mois plus tard, entièrement composé par ses soins. « Je suis toute seule pour l’instant car je connais mes limites en tant que musicienne. Je désire m’y confronter avant de pouvoir passer à autre chose. Je fais souvent l’analogie avec la peinture. Mes chansons sont comme des tableaux que je peins dans mon coin. Je ne les montre qu’une fois terminées… »
Toujours aussi éclectiques et électriques, les 5 titres de « Rustige Reis » proposent différentes ambiances, souvent addictives grâce aux riffs lancinants de la 4 cordes. La signature de l’artiste s’impose de plus en plus à nos oreilles et commence à être reconnaissable, ce qui est plutôt bon signe. Le chant n’est pas en reste. Le travail soigné sur sa voix et la présence de chœurs avec parcimonie amènent de la profondeur et une vraie émotion.
Mais malgré ce côté volontaire et aventureux car il en faut du courage (ou de l’inconscience) pour se livrer au public, Hazel Anne n’en est pas moins confrontée aux doutes. « J’ai l’impression de ne pas avoir de style parce que j’aime pleins de trucs différents. C’est un problème, tu penses toi ou pas ? » Bien sûr que non… lui a-t-on répondu. Il n’y a rien de plus ennuyeux que d’entendre un·e artiste persuadé·e d’avoir tout compris. Les failles, les ratés, les improvisations, bref, tout ce qui rend vivant une chanson est mille fois plus beau qu’une série de notes jouées à la perfection, à notre humble avis.
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Ses textes écrits aussi bien dans la langue de Molière que de Shakespeare nous éclairent sur cette fragilité. « J’ai l’impression d’être plus vulnérable quand je chante en Français même si je ne raconte pas des histoires. Ce sont plus des ressentis, des ambiances ou des atmosphères. J’évoque aussi beaucoup la peur. Dans le morceau « Profondeur », quand je chante « Montre-moi ce que tu as, dans les yeux, dans les tripes », c’est à moi que je m’adresse… Heureusement, mon caractère me permet de surmonter les épreuves ou les mauvaises sensations auxquelles je suis confrontée. Je me dis que si je les dépasse, le plaisir sera d’autant plus fort. J’ai longtemps eu l’impression d’être une personne différente… mais finalement, nous le sommes tous et toutes ! »
L’année 2019 risque de commencer sur les chapeaux de roue pour l’artiste. La sortie de son nouvel EP qu’elle peaufine depuis quelques temps déjà est prévu pour fin janvier/mi-février. Il est actuellement en cours de mastering. Hazel Anne sera également en concert sur plusieurs jolies dates : le 9 fevrier à St Erblon et le 14 février au Bar’Hic avec Tanukichan (soirée organisée par la vaillante équipe Des Pies Chicaillent). Pour ce concert là, il est certain que nous prendrons bien soin de finir l’apéro à l’heure !
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@photos prises par Mister B
BANDCAMP HAZEL ANNE
PHOTOS RELEASE-PARTY de YOU’LL BRYNNER
STUDIO VETTER
FOCUS sur la scène Rennaise : nos anciens articles, ici ↓