Focus sur la scène rennaise – Mekah en interview

Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…

Mekah rain city

Rencontre avec Mekah, ce personnage du mouvement hip-hop de la capitale bretonne, récemment débarqué à Paris en provenance de Rain city. Il vient nous présenter son nouveau clip Rain City (NDLR : titre tiré du l’album du même nom). Nous reviendrons aussi avec lui sur son parcours, son émission de radio, sa vie, ainsi que ses différents projets à venir.

Alter1fo : Salut Mekah, peux-tu te présenter ?

Mekah : Je fais du rap depuis une quinzaine d’années. J’ai animé l’émission C.fran & Direkt pendant 5 ans sur Radio Campus Rennes et sorti quelques projets autoproduits comme la P’tit Voyou tape, Rain City et mon album Trop vrai pour être beau il y a quelques mois.

Comment es-tu arrivé dans l’univers du hip-hop?

J’ai grandi à Paris entre le 19ème et le 18eme donc j’ai un peu baigné dans la culture hip hop dès l’enfance en découvrant tres tôt la danse et le tag mais à l’époque j’écoutais plutôt les disques de mon grand frère, c’est à dire du rock, du punk principalement. C’est en arrivant à Rennes à 14 ans que je suis vraiment tombé à fond dedans. J’ai commencé à écrire et j’ai réussi à me procurer une platine vinyl, une petite mixette, un micro et un magnétophone 4 pistes. C’est dans ma chambre que j’ai enregistré mes premières maquettes et que j’ai passé mes meilleures soirées freestyle avec d’autres rappeurs. Le rap est vite devenu un moyen d’exprimer ce que ma timidité m’empêchait de dire. Ça m’a poussé à réfléchir, à me remettre en question régulièrement et à développer ma façon de pensée. Pour moi, un morceau de rap se doit d’être construit, d’apporter quelque chose, que ce soit une histoire, un message, une réflexion… ou juste un délire. J’ai mis du temps à forger mon propre style mais je crois que j’y suis arrivé. Je tiens à rendre hommage à mon pote Noich l’affranchi (anciennement Dao le baron) qui a été le premier MC à me soutenir.

Comment choisis-tu tes instrus ou les beatmakers avec qui tu bosses ?

Je suis assez éclectique dans mes goûts mais j’ai besoin d’avoir un bon feeling avec une instru et surtout avec son beatmaker. Je suis même assez exigeant. Je bosse avec Kreema depuis près de 10 ans. On s’est rencontrés par des potes communs et on a vite accroché humainement et musicalement. On a évolué et progressé ensemble. Il sait ce qui me plait. C’était évident pour moi qu’on devait faire l’album tous les deux. On a choisi une direction musicale précise, volontairement old school, assez mélancolique mais avec de l’espoir.

À côté de ce projet, j’ai collaboré avec pas mal de beatmakers. D’ailleurs je suis toujours à l’affût de bonnes prods dans tous les styles.

Que penses tu du hip-hop à Rennes ?

Si j’ai commencé à rapper à Rennes, c’est sans doute parce que la scène rap rennaise avait déjà une énergie particulière il y a 15 ans. Il y avait des groupes comme T5A, Facteur x, Da hoodiz, les Rabza, Hip Obskur qui avaient un vrai niveau.

Au fil des années, j’ai rencontré la plupart des rappeurs de la ville et je peux confirmer que le niveau est toujours là. Rennes est vraiment une ville hip hop. On a des dj’s, des danseurs, des graffeurs et des rappeurs reconnus nationalement et même internationalement. Et pourtant, peu de gens le savent. C’est ce constat qui m’a incité à produire Rain City.

Le clip de Rain City sort tout juste maintenant. Peux-tu nous refaire la genèse de Rain City ?

Je suis parti du constat qu’il y avait beaucoup de rappeurs talentueux à Rennes et qu’il fallait que ça se sache. J’ai été dans beaucoup de villes et j’ai rarement vu une scène aussi intéressante. Alors j’ai d’abord fait une émission spéciale à la radio puis le projet de faire une compil est arrivé rapidement. Grâce à mon experience, j’avais beaucoup de contacts. Je me suis associé avec quelques potes et ça s’est fait très vite. On avait pratiquement aucun budget mais on ne voulait pas aller mendier des subventions non plus. La plupart des mc’s rennais ont répondu présents. J’en ai même découvert certains à cette occasion. On a pu sortir le projet en octobre 2010 avec 25 titres, 50 rappeurs, le tout pour 6 euros en téléchargement. On a eu de très bons retours sur ce projet, même en dehors de la ville. Si le clip du morceau RAIN CITY (réalisé avec soin par Bertrand Marin) sort aujourd’hui, c’est parce qu’une nouvelle version de la compil arrive le 3 mai (le 3/5;), gratuite cette fois et avec 35 titres dont une vingtaine d’inédits. L’occasion de montrer une palette encore plus large du rap rennais, qui va du jazzy à l’egotrip, du conscient au décalé. Franchement, y en a vraiment pour tout le monde.

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Tes projets à venir ?

J’ai passé 3 ans à préparer et à peaufiner mon album Trop vrai pour être beau, donc pour l’instant je ne compte pas en refaire un autre. Je pense avoir exprimé beaucoup de choses personnelles dedans. Il y a beaucoup de messages et de facettes différentes dans cet album et j’en suis satisfait. J’espère que les gens continueront à l’écouter et à le partager. On en a déjà tiré 3 clips (Blanc, le Buzz et Rain City) et d’autres morceaux mériteraient d’être clippés aussi. D’ailleurs, je compte m’orienter plus vers l’image à l’avenir. Je suis autant passionné de cinéma que de musique, voire même plus. Je trouve que les clips de rap sont de plus en plus superficiels et j’ai besoin de voir des clips plus simples esthétiquement et avec plus d’idées. Je suis très peu porté sur le swagg et les styles tape à l’oeil. Je me reconnais pas du tout là dedans.

Niveau son, je continue à enregistrer tranquillement, sans but précis. Je pense sortir un nouveau projet en 2013 avec mon pote Ticoq (avec qui on forme le groupe Tombés du camion). J’ai posé sur les nouveaux albums de Ktema Eïs Aeï, d’I&A, sur les compils Artmature et Phare Ouest qui devraient pas tarder à sortir aussi. Et puis j’ai encore beaucoup de matière en réserve.

Le gros projet du moment c’est bien sur Rain City : le clip, la compil et les T-shirts qui seront dispos courant mai chez Macadam Basket. J’ai aussi prévu de refaire un peu de scène dans les mois qui viennent. Si on fait de la musique, c’est quand même surtout pour la partager.

Trouves-tu que la ville soutient activement le hip-hop?

Clairement plus qu’avant en tous cas. Il y a encore 3 ou 4 ans, il n’y avait quasiment rien. Aujourd’hui il y a plusieurs festivals, pas mal de soirées. Le rap est moins marginalisé ; la danse et le graff sont même plutôt bien vus. Il y a même une émission sur TV Rennes qui met en avant la culture Hip Hop. Je crois aussi que pendant longtemps les acteurs du mouvement hip hop rennais ne se bougeaient pas beaucoup. Concrètement, si on ne se bouge pas nous mêmes, ce n’est pas la Mairie ou les organismes comme le Crij qui vont le faire à notre place. Les rappeurs ont longtemps cru qu’on allait venir les chercher mais en vrai, c’est à nous de nous organiser et de nous battre pour faire des choses. Ça marche comme ça. La ville, c’est nous.

Pourquoi avoir choisi d’aller sur Paris et ne pas être resté à Rennes?

Il y a plusieurs raisons à ça. D’abord, ma copine vivait déjà à Paris et puis, au niveau professionnel, j’avais une opportunité intéressante (j’ai un vrai taf qui n’a rien a voir avec la musique). J’ai grandi à Paris, j’y ai gardé de la famille et des amis. Mon déménagement n’a rien a voir avec une envie de percer dans la musique. Je suis assez lucide sur mon potentiel et n’ai pas une ambition dévorante. J’avoue que j’avais envie de quitter Rennes depuis un moment car j’aime bouger, voyager et que je pense que j’aurais tourné en rond en restant. Cela dit, je reviens régulièrement et je représente toujours Rain City quand l’occasion s’y prête.

3 Influences majeures pour ton son ?

Mozart, Beethoven et Carla Bruni bien sûr… (Rires). C’est difficile parce qu’il y en a beaucoup, même si j’essaye d’être avant tout moi-même, de raconter ma propre expérience et mes réflexions personnelles… Mais je dirais que mes références majeures sont Jay-z et Oxmo Puccino et à mes débuts, c’est MC Solaar qui m’a le plus influencé. J’aurais pu te citer des artistes plus underground mais, contrairement à ce qu’on pourrait penser, je n’ai aucun a priori contre les trucs qui marchent, du moment qu’ il y a du talent dans le fond comme dans la forme… J’avoue que ça reste rare.

La question que tu aimerais que l’on te pose et y répondre !

« 3 influences majeures pour ton son? » mais je crois que tu me l’as déjà posée. Non, sans déconner, je n’en ai aucune idée. De toutes façon, quelle que soit la question que tu te poses à mon sujet, la réponse est dans mon album.

Retrouvez toutes nos interviews-focus sur la scène rennaise ici

(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba, Homecooking, Psykick Lyrikah, RCR, Bumpkin Island, Wonderboy, Micronologie, ReDeYe, Colin Linkoln, Sudden Death of Stars, Juveniles, Alexel, Güz II, The Enchanted Wood, James Legalize, The Missing Season, RezO, Bunch of Crows, Our Name is a Fake, Heskis’, Vortex, Users, Nola#, Mermonte…)

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Plus d’infos :

www.mekah.fr

La compil Rain City sera disponible le 3/05 sur www.stayrap.com, www.just35hiphop.com et www.radiocampusrennes.fr

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