Article et interview : Isa & Bomber
Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…
Dj Netik est sûrement l’un des artistes rennais les plus connus sur la scène nationale et même internationale. Champion du monde DMC (voir le détail plus bas), Netik est un technicien des platines. Mais loin de se cantonner au turntablism, le dj rennais est ouvert à toutes les collaborations et ne reste pas enfermé dans un style. Il souhaite faire évoluer sa musique avant tout, ses qualités techniques n’étant qu’un outil de plus pour proposer des dj sets qui gagnent en dynamisme ou épaissir ses productions. Alter1fo a rencontré le producteur rennais pour une longue interview à l’occasion de la sortie en novembre d’un nouveau maxi accompagné d’un clip.
Alter1fo : Tu as gagné les championnats du monde DMC (Disco Mix Club), catégorie Battle for supremacy en 2001 et 2002, le championnat d’Europe All Star Beat Down et ITF (International Turntable Federation), catégorie « scratch » en 2002 et surtout tu as remporté le titre de DMC World DJ Champion en 2006. Quand on lit ça, ça impressionne ! Est-ce que le titre de 2006 a changé des choses concernant les propositions de dates, de collaborations ? Ou est-ce que ça a eu le même influence que les titres de 2001-2002 ?
DJ Netik : En 2001 et 2002, après avoir remporté les titres, j’ étais déçu du peu d’ intérêt que ça suscitait… Dans le réseau de la musique en général, les programmateurs, tourneurs etc, ça m’a quand même permis de tourner plus… Mais je m’ attendais à un vrai décollage, ce qui n’ a pas été le cas. En même temps ça m’a aussi permis de réaliser que la discipline du scratch et du turntablism existe à travers un petit milieu et que ça n’intéresse pas forcément les gens qui n’ont pas cette culture.
En 2006, j’ai remporté le titre du 6minutes, c’est la catégorie la plus populaire, c’est un peu comme si c’était en gagnant ce titre qu’on était vraiment « champion du monde… » (rires). C’est le titre le plus connu dans l’esprit des gens, surtout des professionnels de la musique, du coup ça buzze beaucoup plus et personnellement ça a débloqué beaucoup de choses pour moi. C’est un peu comme si j’avais eu mon diplôme. J’ai donc été grave sollicité au niveau des bookings, j’ai trouvé un bon tourneur et enchaîné plein de dates. Une vraie reconnaissance qui m’a fait du bien! Après, ça n’ a pas changé le fait que le scratch n’intéresse pas tout le monde en soirée, surtout quand tu es booké dans des clubs, etc… Ca m’a donc fait beaucoup évoluer et j’ ai décidé de mélanger mon style de technicien dans des dj sets de soirées.
Pour le titre de DMC World Champion en 2006, tu avais vraiment cherché quelque chose de novateur, en travaillant notamment avec Le Jad. Est ce que tu pourrais nous expliquer cela plus en détail ?
En fait, ce qui se passait pour moi, c’est que j’avais vraiment envie de me représenter en compétition à cette époque, et justement pour ce titre prestigieux du 6minutes. Je ne voulais pas arrêter les compétitions sans avoir tenté ça.
Mais les idées et l’inspiration ne venaient pas, je voulais revenir avec du lourd car le niveau était élevé à cette période notamment avec Rafik et les autres allemands. Je cherchais des routines mais je n’arrivais pas à me renouveler… Du coup, j’avais perdu confiance, je ne me sentais plus vraiment à la hauteur et je ne trouvais rien de frais… C’est là que la rencontre avec LeJad est arrivée… Vraiment à pic, j’ ai envie de dire.
Jad de son côté travaillait déjà depuis un moment pour des scratcheurs, notamment Ordoeuvre. On s’est parlé sur internet et j’ai vite vu qu’il savait de quoi il parlait en matière de scratch et de musique. On parlait beaucoup de turntablism et de ce qui se passait en compèt’ … On se parlait régulièrement, il me faisait écouter ses beats, il me demandait ce que j’en pensais, etc… Je lui ai fait part de mon envie de revenir et de mon état d’esprit du moment, du fait que je ne trouvais pas de nouvelles routines et que j’étais frustré. Lui, de son côté avait déjà cette ambition de produire un show de A à Z pour un dj, et il m a proposé de tenter l’expérience avec moi. On a donc décidé de faire un essai, pour voir. Il est venu chez moi avec un beat jungle hard core et une banque son qui est devenue par la suite la routine d’intro de mon show. Au début, on tâtonnait un peu mais les choses ont vite pris forme… Il composait des beats et préparait des banques sons, et moi j’essayais de trouver de bonnes routines avec. On avançait comme ça, main dans la main, lui à la production et aux edits et moi, aux platines.
C’était très intéressant comme manière de travailler, ça me motivait et en plus ça présageait quelque chose d’original : d’une part, le fait d’avoir tout produit par avance, de ne pas utiliser trop de musiques qui existaient déja et d’autre part, le choix de la couleur musicale volontairement hard core et écrasante. J’étais réputé pour ma musicalité et mon style assez funky à l’époque et là, j’avais l’opportunité de surprendre à 100%. On voulait faire un truc étonnant et je pense qu’on a réussi.
Ça a pris 6 mois de travail et j’ ai remporté à la quasi unanimité : 13 voix sur 15, ce qui n’arrive presque jamais aux Dmc…. Je suis très fier de cette victoire et de ce taff et je pense que Jad l’est aussi.
On pourrait opposer le turntablism et sa virtuosité technique au mix-dj. Et pourtant, quand on écoute ce que tu fais, on sent vraiment que la technique est au service de l’efficacité sur le dancefloor. Qu’on n’est pas dans une virtuosité un peu stérile, mais que tout ça nourrit ton envie de faire danser le public. Est ce que c’est quelque chose que tu revendiques ?
En fait, en dehors des compétitions, le turntablism ou le scratch existent sous différentes formes, ça va du scratch pur à la Q.bert, à des voies plus « musicales » comme Kid Koala, au dancefloor à la Birdy Nam Nam ou des shows techniques à la Kentaro… Moi j’ai choisi de disséminer la technique dans des sets dj de soirées. Si je le revendique, je n’en sais rien, mais j’essaie de le développer en tout cas. Sans trop en faire, j’utilise le scratch pour dynamiser mes sets. J’aime bien faire danser les gens : c’est plus amusant que de faire de la démo pure. J’essaie donc de trouver ce point d’équilibre avec la technique dans mon mix.
Tu mixes essentiellement électro, dubstep, drum’n bass. Quels sont les artistes qui t’influencent dans ce domaine ?
Il y en a un tas ! Pour l’électro, j’aime bien le style à la Jack Beats en ce moment, avec toujours le côté vénère saturé, mais aussi des bass lines plus rondes et des mélodies plus riches. En drum’n bass, il y a trop d artistes à citer mais comme ça, de tête je dirais : Camo & Krooked, Sub Focus, Noisia, Sigma, ShockOne, Tantrum desire, Spor… qui tabassent bien en ce moment. En Dubstep, c’est pareil, il y en a trop ! Dans le dubstep, j’aime ce qui groove et aussi les trucs bien gras sans tomber dans le pur hardcore hyper dark, j’aime rarement les sons d’influence ragga ou pur dub. Ça va des vieux tracks de Rusko à Reso, Bar9, 16bits… Je suis un gros fan de Nero, plus récemment Flux Pavillon… Tout ce qui groove ! J’aime quand il y a de la couleur, pas juste des beats lourds et des wobbles lancinantes…
En tout cas, dans tous les styles de musiques électroniques que j’aime, je pense que j’ai ce goût qu’ont en général les djs qui viennent du hip hop ; enfin, je constate souvent ça. Les trucs qui ont un côté boom bap bien lourd qui fait bouger la tête, ce côté gras un peu funky qu’on aime. Et en parlant de ça d’ailleurs, en ce moment les Anglais font un style de son qu’ils ont appelé « Drumstep » , les sons rythmiques viennent des styles drum’n bass et les basses sonnent comme du dubstep, mais c’est le tempo qui change, le tout groove à une vitesse plutot hip hop, genre 90 bpm. Ça, ça me parle, on revient à des tempos de hip hop avec la puissance de la drum’n bass.
Si tu devais citer trois disques sans lesquels tu ne pourrais vivre ?
Aucun ! (rires) Enfin, si je ne devais en garder que 3, ce serait des disques de practice genre super seal… Par contre, je ne pourrais pas vivre sans mon ordi pour faire de la prod’.
Le truc incroyable, quand on regarde toutes les collaborations que tu as pu faire, c’est la diversité des artistes avec lesquels tu as pu travailler. Productions pour des artistes Hip-Hop ou slam, plus drum’n bass avec Pat Panik ou Elisa Do Brasil mais aussi concerts avec Erik Truffaz, tournée avec un groupe de jazz, Electric Barbarians entre 2000 et 2002… Bref, un univers très varié. Pourrais-tu nous en dire un peu plus à propos de ces collaborations ? Qu’est-ce que cela t’a apporté ? Est ce que c’est quelque chose que tu continues de rechercher, cette rencontre des familles musicales ?
Toutes mes collaborations m’ont apporté du kiff et m’ont appris beaucoup. Que ce soit musicalement avec les Jazzmen, ou sur la culture dj avec Pat Panik, c’est toujours intéressant. C’est aussi le fait qu’en tant que turntablist/scratcher, tu peux intégrer la platine dans tout, au même titre qu’un instrument.
En ce moment, je me concentre sur mes prods perso et c’est moi qui invite des artistes… C’est ça qui change un peu par rapport à avant ou c’est moi qui me greffait dans d’autres formations… Mais je reste toujours ouvert à ça, je n’ai pas envie de faire la même chose musicalement toute ma carrière…
Tu as sorti deux mix cd. L’un avec Pat Panik en 2004, un autre seul en 2007 pour DMC Champion sound avec quelques une de tes productions insérées dans le mix… Quels sont tes projets discographiques ? Un nouveau disque de mix, ou alors un opus tourné davantage vers tes propres productions ?
Actuellement, j’ai un maxi qui est terminé avec Mc Youthstar, avec un track électro/hip hop en face A. C’est une combinaison de rap et de scratch sur une de mes prods. Et sur la face B, j’ai remixé le titre en Dubstep. C’est représentatif de mon évolution, je viens du hip hop et maintenant je suis tourné vers le dubstep et les sonorités électro. Ce maxi sort en novembre et j’ai l’intention d’en sortir une série tout au long de l’année avec le même concept. Pour présenter mon univers actuel.
Sinon je travaille sur un mix dubstep mais je veux y mettre autre chose, peut-être à l’image de mes mix de soirées… Pas de date de sortie prévue encore, il faut d’abord que je le termine.
Sur la scène rennaise, comment te situes-tu ? Es-tu en contact avec d’autres artistes rennais ? Desquels te sens-tu proche ?
Hoooo! Rennes, c’est assez petit et il y a pas mal de monde connecté. Comment je me situe, je ne sais pas, mais j’aime travailler avec les gens que j’apprécie humainement et musicalement. J’ai fait pas mal de soirées avec Dj Marrrtin, je taffe de temps à autres avec Dj Deheb sur des mix studios. Sinon, je fais un peu de dubstep avec Dj Stratege. Voilà, en gros, mais il y en a beaucoup d’autres que je connais et que j’apprécie dans differents styles de musiques.
Difficile de ne pas parler des Trans… Quels rapports entretiens-tu avec le festival et avec Jean-Louis Brossard qui t’a vraiment permis de faire tes premières dates sur de grosses scènes ?
C’est clair que c’est avec les Trans que j’ai fais pas mal de mes grosses dates, et c’est aussi ce qui m’a permis de rencontrer d’autres artistes avec qui j’ai collaboré comme le groupe de jazz Electric Barbarian en Hollande ou encore Dj Pat Panik.
Jean-Louis m’a appelé pour venir avec le festival en Chine, à l’île de la Réunion et dernièrement en Russie. C’est quelqu’un que j aime bien et qui m’a quand même pas mal boosté. Jouer aux Trans ça a toujours été quelque chose. Je serais vraiment content de revenir là-bas pour présenter quelque chose de plus personnel, car je sais que le côté dj/électro n’est pas le truc dans mon travail qui intéresse Jean-Louis après toutes ces années… Je sais pertinemment que si un jour, j’ai un projet de live diffèrent et plus personnel, la porte sera grande ouverte aux Trans… Ca se fera un jour et ça marquera encore une autre étape artistique pour moi…. Mais ce n’est pas pour tout de suite…
Tu sors un clip ces jours-ci. Est-ce que tu peux nous en parler un peu plus ?
Oui, c’est le clip qui va sortir en même temps que mon premier maxi « Blood Bath » avec Youthstar. La vidéo est un remake de Massacre à la tronçonneuse version clip ! J’ai travaillé avec une petite équipe montée par Damien (le réalisteur) et Doc Brown : 3 jours de tournage avec peu de budget et tout le monde a été super coopératif. Luke de On the moon nous a filé un coup de main aussi. C’est une chance que tout le monde ait pris du temps pour le clip, car il n y avait pas d’argent à gagner… J’en profite pour passer un gros big up à tout le monde! Que dire de plus à part ça, ça a été une experience intéressante. On s’est beaucoup amusé et ça ma donné envie d’en faire d’autres. On va le balancer dans un premier temps sur le net, courant novembre en même temps que la sortie du disque et nous sommes en train de démarcher les chaines tv pour la diffusion. Ça arrive!
A part ce clip, quels sont tes projets à venir ?
Comme je te l’expliquais avant, le Ep « Blood Bath » avec Youth et le clip. Le mix Dubstep en cours de préparation. Et surtout les prochains titres qui sont déjà sur le feu : j’aimerais sortir 2 autres EP avant l’ été prochain…
Après, il y a toujours les soirées un peu partout et quelques colab’. La prochaine à venir est un feat’ sur l’album de Missil.
Merci !
Merci à vous !
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(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba…)
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Myspace de DJ Netik : www.myspace.com/djnetik
A voir, le clip vidéo de Netik feat. Youthstar « Bloodbath » , par Mecanicule avec des tueurs armés de vinyles et de cassettes audio…
http://youtu.be/D0JxO_vszGM