Nous le savons pour nous y essayer de temps en temps, la photo de concert est un exercice d’une rare complexité. Entre les lumières faiblardes des cafés-concerts, un parterre de fans indisciplinés qui chahutent ou un timing serré pour faire ses prises de vue, les conditions ne sont franchement pas optimums, bien au contraire ! Malgré tout, certains photographes tirent leur épingle du jeu.
Planqués derrière leurs objectifs à sublimer les artistes pour nous créer des souvenirs indélébiles et jubilatoires, c’est au tour de Titouan Massé et Renan Péron d’être mis sous la lumière des projecteurs. Conciliant leurs deux passions dévorantes et addictives qui sont l’image et la musique, ces deux garçons redessinent les murs du Jardin Moderne en exposant une sélection de leurs meilleurs souvenirs iconographiques.
L’occasion était trop belle pour nous d’aller à la rencontre de Renan Péron et en apprendre un peu plus sur lui. Autant l’avouer, nous sommes fan de son travail que nous suivons sur Flickr ou sur le blog Analogic. Aussi discret que talentueux, cet exilé de la région brestoise, féru de musiques indociles et d’argentique sublime les clichés !
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- Alter1fo : Je me rends compte que nous nous croisons régulièrement sans avoir pris le temps de nous connaitre. Peux-tu nous expliquer d’où vient ta passion pour la photographie de concerts ?
Renan Péron : J’ai eu mon premier appareil photo à l’age de 15 ans. Il m’a été offert par mes parents. Un jour, alors que j’avais revendu tout mon matériel argentique pour me payer un numérique – je ne développais pas encore à l’époque – j’ai décidé d’aller à un concert avec. Pour voir, pour essayer… Comme je connaissais du monde qui organisait des concerts sur Brest autour de la scène punk et do-it-yourself, j’ai commencé à les suivre et à prendre pas mal de photos. Au fur et à mesure, j’ai commencé à faire des grosses salles. Une fois arrivé sur Rennes, je me suis présenté à l’ATM pour être accréditer à l’UBU et tout est parti de là.
- Alter1fo : Tu utilises un appareil argentique. A l’ère du « tout numérique », qu’est-ce qui te pousse à utiliser un tel appareil ?
Renan Péron : Je travaille le plus souvent avec un appareil argentique contax car il est petit, léger, discret et ne prend pas de place mais j’utilise aussi un reflex numérique. Quand il s’agit d’une commande, par exemple avec l’Ubu, ce sera du numérique car je dois mettre à disposition les photos de concerts facilement. Personnellement, je préfère l’argentique pour plusieurs raisons. Déjà, je me suis rendu compte que je ramenais énormément de photos avec un numérique car on a la possibilité de remplir une carte mémoire et de déclencher ad vitam æternam le déclencheur. Avec 36 poses maximum, l’argentique te pousse à réfléchir avant d’agir. Ensuite, je trouve que le numérique a un côté plat, toutes les photos de concerts finissent par se ressembler. L’argentique apporte ce grain et ce charme qui permet de me différencier.
- Alter1fo : Et comme tu dis, avec 36 poses, tu prends aussi le risque de te planter ?
Renan Péron : Et oui, cela m’est arrivé il n’y a pas si longtemps. Sur 36 poses, je n’en avais qu’une de bonne. Surtout que tu ne peux pas vérifier la photo directement comme avec un numérique à l’écran, tu ne vois le résultat que quelques jours après le développement. Lors de la soirée au Jardin Moderne avec Total Victory et Moller Plesset par exemple, j’ai dû en avoir seulement deux de réussies et pourtant il y avait matière.
- Alter1fo : Combien de concerts fais-tu par semaine ?
Renan Péron : Pendant longtemps, j’allais à un concert par semaine en moyenne sur une année. Aujourd’hui, j’ai diminué la cadence à cause de mon travail qui me prend un peu plus de temps mais je dois tourner autour d’une soixantaine de concerts, festivals compris par an. Ce que j’aime dans la musique, c’est finalement la découverte. Même si j’écoute des vieux trucs, j’aime découvrir des choses qui sortent de l’ordinaire ou des groupes qui m’ont été recommandés par des amis. Mes dernières claques musicales furent les concerts de Ropoporose et de Total Victory au Jardin.
- Alter1fo : Qu’est-ce qui fait selon toi une bonne photo ?
Renan Péron : Je cherche et j’essaye toujours de raconter une histoire à travers une photo. Plutôt qu’un simple plan d’un chanteur et du batteur en arrière plan par exemple, je préfère capter un regard, une expression ou une interaction…
- Alter1fo : Et que dire de tous ces ces écrans (téléphone portable, tablette…) qui pullulent dans le public ou dans la fosse ?
Renan Péron : Je trouve cela un peu triste de voir tous ces gens avec leurs iphones levés, ils ne profitent pas du concert. J’ai l’impression qu’ils sont plus attachés à leur appareil qu’au concert. Personnellement, avec mes 36 poses, je ne suis pas toujours derrière mon objectif. Je regarde, j’apprécie ce qui se passe et ce n’est que quand je sens qu’il va se passer quelque chose que je prends une photo.
- Alter1fo : Tu arrives à aller en concert sans ton appareil photo du coup ?
Renan Péron : Cela m’arrive mais c’est dur. J’ai toujours l’impression qu’il me manque quelque chose.
- Alter1fo : Raconte-nous comment cette exposition, visible depuis le début du mois au Jardin Moderne, a vu le jour ?
Renan Péron : C’est Titouan qui m’a appelé pour me demander si je voulais exposer avec lui. J’ai accepté avec grand plaisir puisque nous nous connaissons bien maintenant. Sans trop de concertation, on a bossé chacun de notre coté et coup de bol, au moment de l’accrochage, on s’est aperçu que nous n’avions pas deux groupes en commun dans le choix de nos photos. Bon, après je m’y suis pris à l’arrache comme d’habitude… Je terminais encore l’encadrement des photos la veille de l’accrochage.
- Alter1fo : Que pourra-t-on y découvrir du coup ?
Renan Péron : L’exposition tourne forcément autour des concerts et des portraits. Elle sera principalement en noir et blanc même si j’ai disposé quelques photos en couleurs auxquelles je tenais particulièrement. Quand Titouan m’a demandé de collaborer, j’avais déjà en tête les photos que je voulais montrer. Il y a forcement un fil conducteur avec le lieu : beaucoup des photos ont été prises au Jardin Moderne.
- Alter1fo : Cette collaboration est-elle le signe que vous vous suivez mutuellement entre photographes ?
Renan Péron : A Rennes, on se croise forcement entre nous. Je regarde énormément de photos de concerts et du coup ce que font les autres. Ce n’est pas pour comparer mais cela me permet de voir ce que j’ai pu louper ou voir une manière différente de travailler.
- Alter1fo : Le vernissage aura donc lieu le 18 Mars avec la venue de trois groupes et un DJ Set ?
Renan Péron : Oui, il y aura les groupes Making Judy SMile, Apollo que le jardin Moderne nous a conseillé (NDLR : relire le compte rendu ici de leur 1er concert au Bar Hic) et Das Geld. Je connais surtout Making Judy SMile car je les suis depuis le début et je connais bien Frédéric Roucigné, le chanteur. Moi et des copains, on les a même un peu poussés pour qu’ils fassent une maquette. Ils se sont donnés les moyens et viennent finalement de sortir un EP[1]. Ce vernissage est un peu l’occasion de les faire découvrir un peu plus.
- Alter1fo : Merci beaucoup Renan.
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[1]: la pochette de l’EP est d’ailleurs signé Renan Péron. On retrouvera Sylvain Texier à la batterie (bien connu ici sur alter1fo) dans le groupe Making Judy SMile.
Pour Titouan Massé la photographie n’est pas une fin qui se suffirait à elle-même par le simple jeu du mitraillage compulsif mais la volonté depuis longtemps fantasmée d’immortaliser des instants forts, des rencontres. Une passion pour la musique et la photo qui se conjuguent avec sensibilité et goût du partage. Une approche résolument humaine et proche des artistes. Le jeune photographe de 29 ans, originaire de Saint-Brieuc, insatiable arpenteur de concerts et de festivals met l’Homme au cœur d’une démarche artistique très personnelle. Au fil de ses pérégrinations, de Rennes à Nantes, Lorient ou Paris, des Eurockéennes de Belfort à La Route du Rock en passant par Art Rock, le Binic Folks Blues ou encore les festivals Panoramas et Les IndisciplinéEs, Titouan Massé tisse le fil d’un travail humble qui évite le spectaculaire vain.
Du 04 mars au 19 avril – Gratuit – Jardin Moderne
vernissage le 18 Mars 2016 à 19h30:
À l’occasion du vernissage de leur exposition, Titouan Massé et Renan Peron ont sélectionné 4 artistes pour offrir une soirée placée sous le signe de la découverte.
On retrouve Making Judy Smile, artiste solo aux pop songs intemporelles et décousues, Apollo, groupe rennais à la noise rageuse et mélodique toute droit sortie des années 90’s, Das Geld, duo explorant la frontière floue entre expérimentations drone et dance music crasse et enfin, un DJ Set du londonien Teej.
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Titouan Massé Photography et Renper photos concerts