Comme souvent, l’histoire du label rennais In My Bed part de la nécessité de sortir un disque. Ce fut Sequel sucks, le premier EP du quatuor Formica, enregistré avec une redoutable science des guitares par Christophe Sourice, ex-batteur des mythiques Thugs. Après avoir tenté dans un bel élan utopique de le faire sortir par leurs labels préférés (Matador, Drag City, K-Records, Alternative Tentacles… quand même), les gars décident finalement de monter leur propre structure en 2009. Au rythme de 3 sorties par an, produites avec beaucoup d’huile de coude et d’amitié, le label se forge une identité forte avec ses livres et ses disques à l’esprit rock et à l’esthétique très soignée. Leur 13ème référence sortira le 26 octobre 2013. Elle s’appelle Embedded et c’est une superbe compilation sur vinyle, illustrée par Nine Antico et maquettée par Sébastien Lumineau, regroupant bien sûr les formations présentes sur le label, mais aussi toutes celles qu’ils aiment dans Rennes. La sortie du disque sera dignement fêtée le samedi 26 octobre au Jardin Moderne lors d’une soirée gratuite où vous pourrez acheter cette merveille et voir les 13 groupes présents sur le disque : Formica, 13th Hole, Sudden Death of Stars of Stars, Mozzarrela’s Funeral Parlor, Downtown Cuckoo, Mistress Bomb H, Saïtam, Laetitia Shériff, Møller Plesset, Chatterbox, Lonely Tunes, Santa Cruz et Prosperi Buri.
Alter1fo participe à la fête en vous proposant les 13 interviews de ces groupes, accompagnées des titres inédits gravés sur la compilation.
Pour vous faire patienter jusqu’à demain, on commence par une interview bonus de Matthieu et Jérémie, deux des tenanciers du label.
Alter1fo : Concrètement c’est qui aujourd’hui le label In My Bed ?
Matthieu : Le noyau du label, ce sont trois personnes qui jouent dans Formica : Jérémie, Lilian et moi même. Lilian gère surtout la partie informatique du label. A la fois le site internet et aussi l’aspect téléchargement. Chacune de nos sorties disques (uniquement en vinyle) est accompagnée d’un coupon qui permet de télécharger la musique. Il y a aussi Sébastien Lumineau qui est dessinateur et maquettiste. Prosperi Buri qui est à la fois dessinateur et musicien.
Jérémie : Et Camille de Chateaubourg qui prête sa voiture !
Alter1fo : Super important la voiture en effet !
Jérémie : ça c’est ce qu’elle dit en tout cas. (rires)
Matthieu : Il y a un bureau puisque nous sommes sous statut associatif. Notre président est Damien Piron.
Jérémie : On bosse aussi sur les concerts avec David Chapeau qui nous fait des affiches.
Matthieu : Le noyau du truc, c’est Formica. C’est là que c’est né.
Comment les choses ont-elles évoluées pour le label en 4 ans d’existence ?
Matthieu : Ben, TOUT en fait. On partait de zéro.
Jérémie : On a plus d’expérience. On est plus dans le timing.
Matthieu : Quand les disques sont prévus. Ils arrivent au bon moment. Je pense que les disques sont aussi de plus en plus beaux à chaque fois.
Jérémie : On a aussi développé un réseau de gens avec qui on aime travailler. La qualité des pochettes a aussi gagné avec le travail de sérigraphie dans l’atelier d’imprimerie d’Eric Mahé. Les impressions se font chez l’association Bug. Sans vouloir faire de la pub à tout le monde, on a maintenant un réseau qui fait qu’on n’est plus à la rue.
Matthieu : On est de moins en moins à la rue en résumé. (rires) Il y a aussi qu’avant on était complètement dans le flou par rapport à notre catalogue, aujourd’hui on peut prévoir les sorties. On connaît les 3 ou 4 sorties que nous allons faire en 2014. On navigue moins à vue.
Vous bossez avec Sébastien Lumineau, Eric Mahé, Prosperi Buri, Nine Antico… D’où vient ce lien avec le monde de la BD ?
Matthieu : D’abord de nos goûts à nous. Je suis un grand lecteur de BD. Nous étions proches du festival Périscopages au moment où on a créé le label. Prosperi Buri, qui est un des piliers d’In My Bed est lui-même dessinateur et maquettiste en Bande Dessinée.
Jérémie : Le lien, il vient aussi qu’à Rennes les gens qui sont actifs dans le monde de la Bande Dessinée, le sont aussi dans le monde de la musique et sont des spectateurs assidus de concert rock.
Matthieu : C’est aussi une histoire connue qu’il s’est passé quelque chose localement en matière de Bande Dessinée d’auteur et d’édition indépendante. Quand on a créé In My Bed, c’était beaucoup plus inspirant de partir de ce qui se faisait dans la micro-édition BD alors que les labels rennais sont plutôt institutionnalisés. Ce côté « Do It Yourself », il y avait Range ta chambre qui le faisait, mais ils sont un peu en sommeil actuellement. La façon de faire de ces gens là, qui ne sortaient pas n’importe quoi, qui faisaient vraiment attention à la forme, à la fabrication, ça a été un modèle dès le départ pour nous.
Jérémie : L’esthétique des personnes qui font de la Bande Dessinée nous plaît bien alors qu’en général les visuels des labels rennais, comme Overcome, Rose c’est la vie par exemple, nous parlent moins.
Matthieu : Il y a aussi un très bon label rennais : Beast Records qui sort des supers disques mais qui sagouinne ses pochettes de façon scandaleuse. Moi, ça me fait saigner les yeux. (Rires)
Ça donne aussi une identité particulière à votre label. Le fait de sortir des disques et des livres, d’avoir des choix graphiques forts, des papiers soignés…
Matthieu : C’était hyper important pour nous. Après, au niveau économique, ça a des implications. Le choix du papier, par rapport au prix de vente, il y a des calculs à faire et des risques à prendre… et puis pour le lien avec la BD il y a simplement le fait que toutes nos pochettes soient dessinées. On n’a jamais sorti de disque ou de livre avec une photo en couverture et je crois qu’on ne le fera pas tout de suite en tout cas.
Jérémie : Matthieu garde ça pour son premier album solo. (Rires)
Matthieu : Avec une photo de ma gueule en couleurs bien brillantes. (Rires)
Vous avez un superbe catalogue, dessiné justement par Sébastien Lumineau et numéroté IMB08, mais il manque le IMB03 dans la liste ?
Matthieu : En fait, c’était tout simplement le premier catalogue avec une illustration de Prosperi Buri qui reprenait le Bed In de John Lennon et Yoko Ono. C’était à la fois pour grossir artificiellement le nombre de références de notre catalogue et puis c’est un clin d’œil au label Factory qui numérotait jusqu’à leurs affiches. C’est aussi une façon de dire que les travaux de Lumineau et Buri méritent leur place dans la liste.
D’où est venue l’idée saugrenue de sortir une compilation en vinyle en 2013 ?
Jérémie : C’est toujours lié à notre culture des labels indépendants américains ou anglais qui avaient l’habitude d’en sortir. Tous les labels qu’on aime sortaient des compils qui donnaient aussi une esthétique sur une ville ou une région. A Rennes, il y a pas mal de groupes qu’on apprécie et qui ne sont pas forcément les groupes dont on entend le plus parler. Il y a souvent un prime à la jeunesse, à la fraîcheur, et passé un certain temps on n’en parle plus. Des groupes comme 13th Hole qui a une sacrée carrière et des bons disques (c’est le seul groupe rennais à avoir enregistré une Peel Session) n’intéresse plus grand monde à l’heure actuelle et c’est bien dommage. C’était pour nous l’occasion de regrouper tous ces groupes sur un disque. Ce n’était pas non plus notre but premier, mais ça donne aussi une photographie du rock rennais comme nous on l’aime bien.
Matthieu : Oui, les compilations de label, il y a en a plein qui font partie de nos disques chéris. Et puis il y a une opportunité de le faire grâce à une proposition du studio ZF Productions à Cesson-Sévigné, où on répète avec Formica. Eux assuraient l’enregistrement et ça devenait jouable sans ce coût supplémentaire. On était de toute façon prêts à sortir une compilation de morceaux de nos groupes favoris enregistrés en 4 pistes à la maison, mais cette proposition là, permettait de faire un vrai album, et pas un sampler, avec un vrai son commun même si chaque groupe garde son unité propre. Cette proposition nous permettait de récupérer 13 morceaux inédits, on a donc dit banco. Ça a été une sacrée logistique pour faire un planning avec tous les groupes, assurer l’accueil, la bouffe. Il fallait qu’il y ait quelqu’un d’In My Bed présent à chaque session. Ça a donc pris un peu de temps. On a fait le premier enregistrement avec les Sudden Death of Stars, fin juillet 2012 et le dernier était Santa Cruz à la fin de l’automne.
Jérémie : C’est vrai que l’unité de lieu donne une chouette cohérence à l’ensemble au niveau du son. C’est un «jeune» studio, qui s’est équipé professionnel depuis peu de temps, et l’idée pour eux c’était aussi de montrer un certain savoir-faire. On y avait déjà enregistré le dernier Formica et le Prosperi Buri. La différence c’est qu’on avait bossé avec Thomas Le Corre alors que là tout c’est fait avec Madfab, un des deux gars du studio.
Matthieu : La contrainte, c’était une journée par groupe et une demi journée de mixage.
On retrouve bien sûr sur le disque les quatre groupes du label. Comment ça s’est passé pour le choix des 9 autres ?
Jérémie : Pour dégrossir un peu, on retrouve bien Møller Plesset, Formica, Santa Cruz et Prosperi Buri… mais il y a aussi un groupe dans lequel je joue (Chatterbox) et un autre dans lequel Lilian joue (Mozzarella’s Funeral Parlor), un autre avec le frère de Prosperi Buri. Donc pas mal de projets parallèles.
Matthieu : Pour les autres, il y avait des gens avec qui on n’avait pas travaillé mais qui sont des camarades de bistrot (Rires) comme Laetitia Shériff, Mistress Bomb H ou Saïtam. Quand on a monté la compil, il y avait des artistes sur Rennes qui font une musique qui nous parle et dont l’approche a été facilitée parce qu’on fréquente les mêmes bars.
Jérémie : Il y a aussi des gens qu’on a appelés comme les Sudden Death of Stars, qu’on a vus en concert, dont on a les disques, et qu’on aime bien.
Matthieu : On est parti sur une liste de 12 groupes et puis on a fini à 13 parce que 13th Hole a signé en dernier. Du coup, il ne manque personne. Il y a juste Profondo Rosso qui n’a pas pu le faire pour des problèmes de santé et des raisons personnelles.
Jérémie : Eux, par exemple, ils sont venus avec un morceau déjà enregistré, avec 50 pistes de guitares. C’était hyper bien fait mais ça ne collait pas avec le reste de la compilation.
Matthieu : Physiquement ensuite, ils ne pouvaient pas tenir la journée de studio. C’est le seul groupe qui manque à l’appel. Par contre, si on devait refaire la liste maintenant, je pense qu’on demanderait à Fat Supper de faire un morceau mais à l’époque on en ignorait l’existence.
Jérémie : Y aurait peut être Lady Jane aussi ? Je ne les ai pas écoutés mais on n’arrête pas de m’en dire du bien en ce moment.
C’était quoi la règle du jeu pour les morceaux ?
Matthieu : Comme on est quand même un label de rock, on a demandé un morceau de rock, inédit… et pas trop long, parce qu’on savait qu’il y aurait beaucoup de monde et que ce serait en vinyle.
Jérémie : Inédit, et qui reste inédit, pour que le disque reste intéressant pour tout le monde.
Matthieu : Une journée d’enregistrement de studio avec le backline des lieux qui est bien équipé… et d’être gentil avec tout le monde !
Jérémie : ça c’était notre contrainte à nous ! (Rires)
Quelles sont vos compilations préférées de tous ces labels indés ?
Matthieu : Pour prendre dans les trucs les plus anciens, j’aime beaucoup What’s Up Matador. C’est un double album avec uniquement des inédits de la crème du label (Yo La Tengo, Pavement, Cat Power, Unsane…). La compil Hey Drag City du label du même nom qui est aussi un chef d’œuvre (Palace, Pavement encore, Smog…).
Jérémie : Dans les choses encore plus ancienne il y aussi des choses très très bien. Celle que je t’ai offerte il y a pas longtemps : celle du label 53rd & 3rd de Stephen Pastels, que je trouve super sur le son écossais. Il y bien sûr celles de Kill Rock Star…
Matthieu : Ou Subpop 1000 qui revient tout le temps dès qu’on parle de compilation de label.
Jérémie : Sinon, pour en citer une française, il y aussi Intercontinental que j’ai pas mal écoutée. Là récemment, pour dire qu’on arrête finalement jamais d’acheter des compilations, j’en ai trouvé une d’un obscur fanzine ricain de 88 dans laquelle tu retrouves toute cette scène grunge de l’époque et notamment le morceau Hate The Police de Mudhoney qui était inédit à l’époque… J’aime aussi la compilation de Constellation qui reprend vraiment l’esthétique du label.
Matthieu : C’est ce que dit Dumez (Philippe dans l’excellent texte qu’il a écrit sur la pochette de la compilation Embedded) que les samplers, les disques filés avec des magazines, on est content d’écouter des choses dessus mais il n’y a pas de cohérence, d’esthétique qui s’en dégage. Je ne sais pas si c’est ça qui a fait du mal aux compilations mais s’il n’y avait pas eu la co-production avec le studio, économiquement, ce n’était pas tenable pour nous. C’est peut être une des raisons, avec la crise du disque, pour laquelle les compilations se raréfient.
Jérémie : Au delà des labels indés des années 80-90 qu’on adore, il y a aussi ces compilations de Rythm & Blues formidables avec une face hyper calme et une face hyper-dansante. Elles n’ont finalement pas tant disparues que ça. On en a cité pas mal et on voit qu’elles font partie intégrante de l’histoire de l’édition musicale. Ce sont surtout les labels indépendants qui ont disparus.
On aura la chance de retrouver les 13 groupes du disque au Jardin Moderne le 26 octobre en concert pour la release party de la compilation. Comment avez-vous réussi à tous les réunir au même endroit le même soir ?
Jérémie : Déjà, on a eu une proposition du Jardin Moderne.
Matthieu : Ce sont eux qui s’occupent de la partie technique et logistique. On a donc fixé la date avec le Jardin Moderne. On a dit aux treize groupes que la soirée de lancement de la compil se ferait ce jour-là, qu’on comptait sur eux, et tout le monde a répondu présent. On s’y est aussi pris pas mal en avance. La soirée est calée depuis juin.
Jérémie : Il y a aussi le fait que cette compilation méritait que tous ses participants se retrouvent pour boire un coup et faire la fête.
Matthieu : Parce qu’on a quand même passé du bon temps. Les sessions se sont bien passées. Le résultat est bien, donc on le prend comme un retour positif.
Jérémie : Tout le monde est content de se retrouver sur la même affiche. Ça va forcément donner des bons moments. Les Sudden Death of Stars qui sortent leur deuxième album seront sur la dernière date de leur tournée. On découvrira leurs nouvelles chansons et ça risque d’être bien saignant.
On est quand même curieux de voir comment certain groupe vont réussir à ne jouer qu’une demi-heure ?
Jérémie : Ben déjà les groupes qui sont des projets parallèles ne joueront probablement que 20 minutes.
Matthieu : Par contre Formica va jouer 1 heure et demi. (Rires)
Pour finir quelles sont les prochaines sorties pour In My Bed ?
Matthieu : Du papier, pas mal de papier. Il y aura la partition des Chaises de Thomas Le Corre en acoustique avec des illustrations de Nylso. Il y a un livre de Sébastien Lumineau qui redessine une histoire qu’il avait dessiné pour une Bande Dessinée collective dédiée à Motörhead publié chez Dargaud il y a 3 ans. Une histoire qui s’appelle Emile, qu’il refait au format carré puisque chez In My Bed on ne sort que des livres carrés pour l’instant. On ressort aussi les chronique d’Olivier Josso, qui reste un dessinateur rennais même si maintenant il est installé près de Nantes. Des chroniques musicales qu’il publiait dans le journal Jade puis le Ferraille Illustré et qui traite pas mal des groupes qu’on aime bien.
Jérémie : C’est vraiment magnifique (On confirme, on adore aussi ces chroniques!). On a eu les planches cet été et elles sont vraiment superbes. Ça va faire un beau livre.
Matthieu : Au niveau discographique, il y aura un EP de Møller Plesset et un autre de Formica. On espère les sortir en même temps début 2014. Il y a aussi Chatterbox dont la première trace discographique est sur la compilation qui fera un EP dans l’année. Si on arrive déjà à sortir c’est 6 trucs là on sera content. Tout ne sortira sans doute pas en 2014 mais on sait que la partition et Emile sortiront en 2013 parce qu’on est sensé les sortir pour le prochain festival d’Angoulême qui aura lieu fin janvier 2014. On devrait donc les sortir en décembre, pour Noël.
Jérémie : Møller Plesset et Formica devraient enregistrer en janvier probablement et sorties au printemps sans doute.
Mardi 26 octobre 2013-Jardin Moderne, 11 rue du Manoir de Servigné, Rennes – 20h – Gratuit !
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