L’association Kfuel revient à l’assaut des scènes rennaises vendredi 23 février dans le Bar Le Marquis de Sade, avec une soirée parfaite pour les amateurs de rock sombre et tendu. Vous pourrez ainsi y retrouver les ballades inquiétantes et brumeuses des lillois de Drive With A Dead Girl (invités pour la quatrième fois par Kfuel !) et le groove insidieux et mauvais comme une teigne des strasbourgeois de Delacave.
La salle De la Nouvelle Vague est décidément trop loin. La programmation de la nouvelle Route du Rock hiver est trop sage pour vous. Pas de soucis, Kfuel a ce qu’il vous faut en stock. Il vous suffira de remonter la rue de Paris jusqu’au sympathique bar le Marquis de Sade, le vendredi 23 février, puis d’acquitter la somme ridicule de 6 € pour pouvoir y savourer à bout portant deux formations pratiquant avec une rage feutrée mais communicative une musique aux ténèbres envoutants.
Histoire de bien entamer cette année 2018 de concerts, les adorateurs de musiques indociles en terrain contrasté ont eu l’excellente idée de réinviter Drive With A Dead Girl, un quatuor lillois qui nous a déjà prouvé à trois reprises sa capacité à magnifier en live une musique aussi intense qu’envoutante.
Drive With A Dead Girl n’en est pas à son coup d’essai puisqu’ils ont fêté leurs dix ans d’existence en sortant fin 2016 leur septième (!) album. Après le très beau (et très inquiétant) Hotel California qui nous avait déjà fortement impressionné et avec lequel nous les avions découverts en juin 2012 et le tout aussi bon EP Alma Ata II sorti en décembre 2013, ils continuaient leur sans faute avec le second EP Le Rivage sorti en mars 2015 tout aussi atmosphérique et au dessus du lot au niveau compo. Ils enfoncent le clou (rouillé) fin 2016 avec Reign Falls, album labyrinthique totalement maitrisé qui fait la part belle à la déchirante fragilité des voix de la bande.
Depuis sa création en 2006, le groupe a évolué d’un rock noisy assez dur vers les rivages plus insidieux et maladifs d’un sadcore lancinant mais intense. Leurs derniers disques s’orientent avec une réussite remarquable vers les terres désolées et glaciales de la front wave. Le nom du groupe n’étant pas celui d’un épisode de Twin Peaks pour rien, leur musique est une ballade flippante et aliénée sur des routes dévastées où l’on ne sait pas trop ce qui nous attend au prochain virage. On oscille avec bonheur entre une version dérangée du Blonde Redhead des débuts, la froideur de Cure, le foisonnement sonique de Sonic Youth et l’inquiétante fureur contenue de Codeine. Leur mémorable concert de mars 2013, dans notre déjà tant regrettée Bascule, et leur prestation à la soirée de La Villa Deodati en février 2014, puis au Bar’Hic en février 2016 avaient prouvé que le spectre musical de la bande est très impressionnant. Le groupe avait aussi fait preuve d’une remarquable présence scénique avec en points d’orgue une capacité à tresser des ambiances tour à tour vertigineuses et déchirantes et une chanteuse d’une intensité rare. Alors certes, le voyage proposé traverse plutôt les paysages décharnés des sites industriels délocalisés que les riantes prairies, mais il vaut amplement le détour. Soirée inratable donc pour les amateurs de musiques intenses, sombres et atmosphériques.
Le second groupe invité ce soir là ne devrait pas avoir à pâlir en matière d’intensité scénique. Delacave est un des multiples projets de l’infatigable strasbourgeois Seb Normal (Les chemins de la Honte, The Feeling of Love, Le chômage… et plein d’autres groupes gravitant autour de la scène dite de la Grande Triple Alliance Internationale de l’Est). Pour cette formation, le monsieur délaisse les fûts pour le chant et les claviers glaçants. Il est accompagné dans l’aventure au chant et à la basse par Lilie Pourie (Les chemins de la Honte) et ils ont été ensuite rejoint par Quentin Scanner (du groupe Sida) à la batterie et Cheb Samir (autre hyperactif de la Triple Alliance). Ils brodent un rock synthétique poisseux et hypnotique dont le groove mélancolique délivre une bonne dose de frissons dans l’échine. Nous avions pu juger sur scène la bande lors du festival Alambik de 2016 et nous avions été très convaincus par l’attitude et l’énergie du groupe tout en restant un peu sur notre faim question compos. Ils ont depuis sorti l’album If I Am Overthiniking, Talk About Anything, Any Damned Thing qui, après quelques écoutes de plus en plus enthousiastes, nous a bien retourné au final. Merci donc à Kfuel de nous fournir l’occasion de nous faire une seconde opinion sur le groupe.
Notons également, qu’ils se sont risqués avec bonheur à l’exercice délicat de la reprise de l’imparable Das Model de kraftwerk.
Vendredi 23 février 2018 – Bar Le Marquis de Sade, 39 rue de Paris, Rennes – 21h – 6€