La cinquième édition des Bouillants est partie et bien partie. Après une petite traversée des gares du Grand Ouest, le festival nomade des arts numériques et du multimédia retrouve sa base principale : l’immense et surprenante ancienne laiterie de Bouillants à Vern-sur-Seiche. Du 7 avril au 9 juin 2013, vous pourrez y découvrir une quinzaine d’œuvres d’artistes de France et d’ailleurs, explorant, triturant, éclairant, questionnant… le thème du temps.

On commence à bien la connaître la laiterie des Bouillants. Pourtant, on prend toujours autant de plaisir à se rendre et à déambuler dans cet imposant bâtiment industriel désaffecté situé à Vern-sur-Seiche, à dix petites minutes au sud de Rennes. En habitué des lieux, on a en plus le plaisir de découvrir chaque année comment l’équipe et les artistes se sont approprié les multiples espaces au format les plus variés, s’étalant en trois étages sur plus de 1200m2.
Cette année, c’est donc une quinzaine d’œuvres que vous pourrez découvrir en parcourant ce joyeux dédale. Une sélection plus resserrée qu’en 2012, mais dont la qualité globale et la cohérence, nous ont réellement emballés. Le thème du temps est peut-être plus facile à s’approprier que celui de la frontière ? En tout cas, nous avons particulièrement apprécié le soin apporté à la déco en général et aux détails en particulier. Rien que les petits coussins parsemant l’espace sont déjà tout un poème.

Dès la salle du bas, vous trouverez déjà du grain à moudre. L’amusante comptabilité du temps de contemplation de The Value of Art du duo Franco-autrichien Christa Sommerer & Lauren Mignonneau interroge malicieusement les rapports ambigus entre art et argent.
Pour décrypter le secret des étranges lignes grisâtres emplissant l’épais volume rouge de disque dur papier de David Guez, il faudra impérativement jouer de l’épaisse loupe fixée au support. Cette très élégante métaphore de la fragilité de nos données numériques, parlera particulièrement à tous ceux ayant connu les affres déchirantes du crash de disque dur. N’oubliez pas non plus de passer envoyer une photo dans le futur avec Cam2067, l’autre très troublante installation du même artiste.

Standard Time de l’allemand Mark Formanek est la captation vidéo d’une très impressionnante performance. Devant un paysage berlinois entre urbanité froide et sauvagerie de terrain vague, une ribambelle d’ouvriers montent et démontent les quatre chiffres d’une immense horloge de planches pour afficher l’heure sur l’ensemble d’une journée. Le ballet incessant de ces petits bonshommes casqués laisse pantois face à l’énergie et l’ingéniosité nécessaire à ce qui semble aujourd’hui le plus simple du monde : donner l’heure. L’œuvre se révèle en plus d’une qualité esthétique assez fascinante.

On a été particulièrement content de voir que le facétieux collectif allemand ////Fur///// revenait aux Bouillants. Leur terrible borne d’arcade sado-maso Painstation nous avait laissé autant de bons souvenirs que des marques sur la main. Ils reviennent donc avec Facebox, soit le plus petit réseau social du monde. Deux moniteurs collés face à face parodient avec une malice féroce la plus connue de nos machines à lien. Au son d’une musique aussi hilarante que flippante, vous pourrez vous faire (ou perdre) un ami et pas plus. L’aspect bricolo de l’ensemble, apporte une touche supplémentaire à cette charge assez jubilatoire de notre société numérique.

Autre œuvre assez jouissive, Hold-on de Emilie Brout & Maxime Marion vous met aux manettes de scènes iconiques du cinéma. Vous pourrez ainsi piloter le jet de Tom Cruise dans Top Gun, diriger le bousier de Microcosmos, chorégraphier les pas de Travolta dans Saturday Night Fever, filer des tatanes à Chuck Norris aux commandes de Bruce Lee… et même piloter le petit Danny au volant de son tricyle dans les terrifiants couloirs de l’Overlook, du Shining de Kubrick. L’installation joue habilement de la joie explosive de ce feu d’artifice d’images et de sons, tout en ménageant la frustration de ne finalement contrôler que la surface des choses et que l’issue n’est pas de notre ressort.

Le grand espace de l’étage n’abrite quant à lui que deux œuvres. Sauf que le duo mérite amplement cette mise en valeur. Les fauteuils club installés en face de la vidéo Anti-horàrio : the counterclockwise des brésiliens Gisela Motta & Leandro Lima sont une invitation à prendre confortablement le temps de contempler l’étonnante ronde de ce petit garçon et de ses deux probables parents. Car si on peut avoir vite l’impression d’en avoir fait le tour, une observation plus attentive dévoile de troublants détails qui donnent à ce ballet circulaire une grande force émotive. Prenez-donc le temps de vous laissez troubler.

Plus ludique le diabolique photomaton, High-Speed PhotoBooth des américains Pablo Garcia et Spike Wolff étire trois minuscules secondes en un sublime ralenti d’une bonne minute. A vous de choisir ce que vous ferez de ce bref moment : agitation forcenée, grimaces, jet de confettis… les possibilités semblent infinies. Après un petit moment d’apprentissage de la bête, vous serez libre de passer votre brève prestation à cet étonnant révélateur. Car le grand plaisir du dispositif est de faire découvrir ce que cache notre temporalité habituelle. De mettre à jour, les milles petits détails invisibles des gestes les plus simples ou les plus loufoques.

En descendant au sous-sol, vous pourrez voir les Fantôme(s) de Vincent Lévy. L’œuvre capte les images du présent en les mêlant par de troublants jeux de transparence avec celles du passé du lieu. Les silhouettes fantomatiques des précédents visiteurs ou d’images préenregistrés, viendront donc troubler votre narcissique contemplation par l’évocation de ces disparus revenants par l’image. Une œuvre très émouvante et d’une douce fascination hypnotique.
Vous pourrez également passer voir Hi! a real human interface du collectif espagnol Multitouch Barcelona . La vidéo explore malicieusement la relation entre l’homme et ce qui est devenu un des objets du quotidien d’une grande majorité de gens : l’ordinateur. Pour ce faire, il met en scène un homme «enfermé» dans une boîte, qui effectue les tâches habituellement dévouées à nos unités centrales. Il trie, reçoit et envoie des mails, effectue des mises à jour… dans une délicieuse pantomime accélérée et bricolo. Mise en scène ludique et acidulée de l’étrange lien de dépendance temporel entre nous et nos machines, l’installation est un peu frustrante par son absence d’interactivité mais avec sa malice acide, fait savoureusement écho au Facebox de ////Fur/////.

Comme chaque année, Bouillants accueille également des travaux des étudiants chercheurs en master 2 Arts et Technologies Numériques & Master 2 Communication, multimédia et Management, de l’Université de Rennes 2. Cinq d’entre eux se sont lancés dans l’aventure cette année. Avec Mémoire d’une porte, Alexandre Berthaud propose une étonnante mise en son du souvenir du franchissement de la porte d’entrée de l’espace. Le déconcertant dispositif accompagne parfaitement l’arrivée vers les faussement fonctionnels objets de Gagnez votre temps de Tony Vanpoucke. Puisque le beau aujourd’hui, c’est un I-phone, les sculptures se jouent des codes esthétiques de nos objets technologiques. Vous pourrez ensuite explorer les rouages nourris de la vie numérique des gens de Gears’ histories d’Angélique Pénard & Simon Chauvel, vous livrer au réjouissant jeu de piste d’Où est-elle? de Samia Bouzoubaa et vous faire bousculer par la terrible vision du quotidien d’Arrestime d’Anne-Sophie Lemaître.

Le thème du temps s’avère donc une source d’inspiration d’une grande variété et richesse. Réflexion, satire, humour, émotion… la sélection 2013 des Bouillants est un sacré florilège. L’ensemble étant, une fois de plus entièrement gratuit, on ne peut que vous inviter chaudement à venir tenter l’expérience. Vous avez deux mois pour vous donner le temps du temps.

Du 7 avril au 9 juin 2013
Du mardi au vendredi : 10h00-18h00
Week-ends, jours fériés & vacances scolaires : 14h00-18h00
ENTRÉE GRATUITE
Visite accompagnée sur réservation au 09 64 06 19 83 ou mediation@lemilieu.fr
Le site est accessible par le métro, terminus La Poterie puis bus n° 59 (arrêt Solidor), 73 ou 75 (arrêt La Poste).

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