A Rennes, quand y en a pub, y en a encore !

A Rennes, comme dans beaucoup d’autres villes françaises, les écrans publicitaires numériques colonisent sans complexe notre espace public (centre-ville, trottoirs, gares, métro, arrêts de bus…) Impossible d’y échapper ! Loin d’être une fatalité, ces panneaux pixelisés s’imposent à nos pupilles comme si de rien n’était. Et pourtant, comme le chante Jacques Dutronc, qui se soucie de nous ? Hein ?! Qui a pris soin de demander notre avis ? « Je ne connais aucun collectif d’habitants qui ait réclamé l’installation de panneaux publicitaires+d1fos » ironise le célèbre architecte-paysagiste Christophe Laurens.
Faisant de la lutte contre la prolifération des panneaux publicitaires sauvages son cheval de bataille, l’association « Paysages de France » a récemment invité la population rennaise à s’exprimer sur le sujet. Les conclusions de cette consultation publique sont sans appel : c’est un rejet clair et massif.
Rencontre avec Jérôme N., un des correspondants locaux de l’antenne rennaise de l’organisation, qui se bat quotidiennement contre ces « pollutions visuelles et énergétiques ». Quand y en a pub, y en a encore !

ALTER1FO : Bonjour Jérôme, peux-tu nous présenter « Paysages de France » ?

« Paysages de France » est une association indépendante des pouvoirs économiques et politiques, créée à Grenoble. Elle a pour objectif de lutter contre la pollution urbaine et périurbaine et principalement contre l’affichage publicitaire illégal.

Quel est le rôle d’un·e correspondant·e local·e ?

Un·e correspondant·e local·e permet à l’association de tisser un réseau de personnes particulièrement motivées à travers notre pays. Il ou elle joue un rôle clé dans la vie et le développement de l’association ainsi que dans les actions conduites localement en faveur du paysage. Par exemple, je suis personnellement mandaté par l’association pour participer aux réunions en lien avec la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) qui est une instance compétente en matière de politiques d’aménagement et de développement durable. Je propose des actions, des pistes de réflexions, des indications. Comme je réceptionne et centralise les relevés d’infractions à la réglementation observées par les membres de l’association présent·e·s un peu partout dans le département, j’ai pu cibler les territoires qui sont actuellement envahis par la publicité illicite lors de la dernière entrevue avec la DDTM.

Les infractions sont monnaie courante ?

Il faut savoir que la publicité est un domaine dans lequel tu peux ne pas respecter la loi sans trop être inquiété. Notre association est obligée de porter plainte contre l’Etat et les préfectures qui n’agissent pas. Même si on gagne nos procès, cela prend un temps fou. Pour montrer l’absurdité de certaines situations, Ségolène Royale à l’époque ministre de l’Environnement, avait interjeté un appel de contre quatre jugements en faveur de « Paysages de France » et demandé l’annulation pure et simple de ces derniers. Un comble ! Et voilà que l’actuel ministre de l’Écologie vient de remettre ça en faisant appel du jugement rendu le 21 mars 2019 par le tribunal administratif de Bastia+d1fos donnant une fois de plus raison à l’association ! Cela démontre la schizophrénie du bordel ambiant dans lequel on se trouve. La publicité est un business qui perdure au détriment de l’écologie. C’est malheureux de faire ce constat encore aujourd’hui. Trois de ces appels ont, depuis, été jugés et c’est l’État qui a perdu !

NDLR : Par exemple, au cours de ces vingt-quatre derniers mois, huit jugements ont été rendus par quatre tribunaux administratifs différents différents et par deux cours administratives d’appel. L’État a été condamné quatre-vingt fois à la suite de la saisine de la justice par Paysages de France…

En tant que correspondant local, tu es même intervenu lors du conseil municipal de Rennes  du 16 avril 2018 afin de demander qu’un état des lieux précis soit effectué et que des sanctions soient prises+d1fos. Rennes ne montre pas le bon exemple ?

Hélas, je constate moi-même beaucoup d’infractions. J’ai beau alerter la mairie en les signalant, notamment sur les sociétés privées qui placardent leurs publicités sur les panneaux dédiés exclusivement aux associations, mais rien. Il ne se passe rien. C’est illégal, tout le monde le voit mais personne ne bouge. J’ai même été obligé de fournir des documents créés par « Paysages de France » qui expliquent ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas parce qu’apparemment, ce n’est pas très clair pour certains services de la ville. De toute manière, soit on me répond que c’est trop compliqué, soit on me dit qu’il y a d’autres priorités à traiter…

Des priorités comme l’effacement des tags, par exemple ?

Voilà, la pollution visuelle pour la mairie s’arrête aux tags et aux autocollants (Rires…)

[21 Mai 2018] – Un jour, une photo : « Fils de Pub » !

 

Plus sérieusement, en plus des infractions, on a vu fleurir des panneaux numériques partout dans la ville…

C’est moderne, tu as vu ! (Rires…)

Et surtout très moche ! C’est d’ailleurs étonnant d’observer que la ville décide d’interdire les barnums pour des raisons esthétiques+d1fos alors qu’elle s’accommode parfaitement du design de ces gros blocs cathodiques, non ?

A Rennes, pas moins de 30 doubles panneaux numériques, soit 60 écrans, ont été installés en 2018 par Clear Channel. Répétons-le, la publicité est une pollution visuelle, ce n’est pas moi qui le dis, c’est inscrit dans le code de l’environnement !

On rappelle que c’est lors d’un bureau restreint avant l’été 2017 que la Métropole a accepté, « en catimini » selon les écologistes+d1fos, le remplacement de 30 panneaux publicitaires classiques par 30 panneaux publicitaires numériques sur l’espace piéton rennais… 

NDLR : Les élu-e-s écologistes ont voté contre cette décision puisque contradictoire avec les objectifs de transition énergétique affirmés par la Métropole. Matthieu Theurier, vice-président écologiste de Rennes Métropole en charge de l’économie sociale et solidaire et coprésident du groupe écologiste au conseil municipal de Rennes, a réagi contre leurs installations+d1fos. « Rennes Métropole cède à la pression de Clear Channel », dénoncait à l’époque du vote Matthieu Theurier +d1fos.

A Rennes, pas moins de 30 doubles panneaux numériques, soit 60 écrans, ont été installés en 2018 par Clear Channel. Répétons-le, la publicité est une pollution visuelle, ce n’est pas moi qui le dis, c’est inscrit dans le code de l’environnement ! Aujourd’hui, chacun·e d’entre nous subit cette pollution et il est impossible d’y échapper. L’espace public est le nôtre, il nous appartient et nous avons le droit d’y être libre sans devoir subir ces injonctions à consommer ou de nous faire acheter des trucs dont nous n’avons pas besoin.

Selon un calcul des écologistes, rapporté par le quotidien 20 minutes+d1fos, chaque panneau représenterait l’équivalent de la consommation d’un foyer de trois personnes. Récemment, Nathalie Appéré s’est subitement souvenue qu’elle était « profondément écologiste+d1fos ». Sur ce coup-là, c’est un peu raté, non ?

Ces panneaux sont allumés de 6h à 1h du matin. En plus d’être éblouissants et fatigants, ils sont donc énergivores. A l’heure où la jeunesse fait grève pour le climat, produire et consommer toujours plus est un contre-sens écologique.

Laurent Riera, le directeur de communication de , ville & métropole a tweeté une étude démontrant l’inefficacité de la publicité numérique par rapport aux médias historiques (presse ou la télévision)+d1fos. Inutiles et énergivores, ces panneaux ont peu d’atouts finalement. « Paysages de France » a lancé une pétition demandant leur suppression.+d1fos Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le règlement local de publicité (RLP) est de la compétence de la Métropole. C’est elle qui a imposé à la ville de Rennes l’ouverture de ces espaces publicitaires numériques mais la mairie n’y a vu aucun inconvénient. Nous, au contraire, on en voyait pas mal ! Comme  personne n’a osé demander l’avis de la population rennaise, on a organisé avec deux autres collectifs (Alternatiba et Résistance à l’agression publicitaire) un référendum dans la rue. Les rennais·es étaient ainsi invité·e·s à répondre à cette question : « Êtes-vous d’accord avec l’installation de panneaux numériques sur l’espace public dans votre ville ? » Le résultat est sans appel. 95% était contre ces panneaux. C’est un véritable désaveu. Et encore, on n’a pas non plus parlé des contenus publicitaires souvent sexistes ou machistes et rétrogrades. Nous avons également envoyé le résultat de notre pétition à Emmanuel Couet, le président de Rennes métropole. Il ne nous a jamais répondu. Ça en devient méprisant.

Laurent Hamon, conseiller municipal écologiste délégué aux usages du numérique, expliquait que « la publicité est emblématique d’une société où la consommation est reine. » Ce dernier pointe du doigt un élément important puisque la métropole gagne de l’argent avec ces espaces qu’elle vend. Comment l’explique-t-on ?

NDLR : Le contrat avec Clear Channel est une délégation de service public et est géré par Rennes Métropole. Ce contrat (comme tous les contrats publicitaires) comporte deux choses. Un pourcentage de reversement des ventes de publicités et d’autre part, l’usage « gratuit » d’un certain nombre d’espace. Pour les panneaux lumineux, Rennes Métropole et Ville de Rennes ont le droit à 50% du temps pour de la communication municipale.

J’ai questionné la mairie sur la légitimité d’une municipalité à toucher des subsides en vendant de la pollution. Puisque c’est bien de cela dont il s’agit. Est-ce que la mairie a réellement besoin de cet argent pour boucler son budget ? Figure-toi que je n’ai pas eu de réponse. Étonnant, non ? (Rires…)

Peux-tu nous parler des contrats qui lient Clear Channel à Rennes Métropole car malgré nos demandes à la Métropole, nous n’avons pas réussi à mettre la main dessus.

NDLR : La ville de Rennes a choisi à l’unanimité de renouveler le contrat avec l’américain Clear Channel pour le mobilier urbain publicitaire en novembre 2008. Le choix n’en a pas vraiment été un puisque l’offre de Clear Channel était la seule en lice, Decaux ayant rapidement jeté l’éponge.

J’ai épluché les contrats en effet. C’est odieux. La redevance à payer par Clear Channel a été fixée en 2009 à près d’1,5 millions d’€ HT, sous l’ère Delaveau. Mais dès 2010, la crise de 2008 étant passée par là, Clear Channel obtient une « forte diminution » de cette redevance, près de 50%, arguant de certaines difficultés économiques. Mais qui agirait de la sorte ? C’est un marché de dupe, soit on a besoin de cette redevance, on la négocie bec et ongle, soit on en n’a pas besoin et tu lâches l’affaire. Finalement, ce n’est qu’en 2017 que ce « droit à polluer » a été réévalué à la hausse mais… en échange d’un passage de 30 panneaux en version numérique. (NDLR : l’annonceur aurait soumis l’idée à la collectivité afin de relancer ses ventes d’encarts+d1fos). Bref, ce sont toujours les citoyen·ne·s qui se font avoir au final dans l’histoire !

On peut s’étonner que l’installation de ces panneaux survienne «un an avant le nouveau règlement sur la publicité que doit adopter Rennes+d1fos» Finalement, les municipales ne seront pas l’unique rendez-vous politique important en 2020 ?

Il faut savoir que tous les RLP (règlement local de publicité) de France et les RLPi (règlement local de publicité intercommunal) seront caducs le 14 juillet 2020. Les formations politiques peuvent se saisir de cette échéance pour clarifier leurs positions vis-à-vis de la publicité extérieure pendant la campagne des municipales. Mais ce que l’on craint, c’est qu’une nouvelle fois, personne ne bouge ni ne se positionne.

En 2005, un décret relatif à la publicité extérieure de la loi dite « loi Macron », le président-des-riches était alors ministre de l’Économie, prévoyait d’assouplir les règles d’affichage publicitaire+d1fos ou là. Heureusement, il n’a pas été promulgué grâce à une formidable mobilisation des associations mais si l’on imagine une municipalité « En Marche » à la tête de l’Hôtel de ville en 2020, on peut craindre que leurs intentions n’aillent pas dans le sens de votre combat ?

On attend de voir… mais je le répète il est important de mettre la pression et de multiplier les initiatives afin que les listes qui se présenteront prennent clairement position sur cette question.


Le site web de l’association Paysages de France

Trop de pub à Rennes?

« Avoir de la pub est une décision politique  » – Entretien avec Eric Piolle

 

Rennes : de vraies questions, des réponses alambiquées…

Rennes. Ils se mobilisent contre les panneaux numériques de publicité

Nathalie Appéré à Rennes. « Je me définis comme une maire écologiste » © Le Télégramme

Panneaux d’info lumineux : grosse colère des Verts

Sur les trottoirs de Paris, 1 630 panneaux publicitaires supplémentaires 

Non aux panneaux de publicité numériques

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