Quand un groupe comme Wire sort un nouvel opus 35 ans après leur premier album, on est toujours partagé entre crainte et excitation. Ce que je ne savais pas de prime abord, c’est que l’idée du groupe était de reprendre certaines chansons écrites vers 1979/1980 qui n’avaient jamais été finalisées à l’époque. En effet en 1980, le groupe est au bord de la rupture et se sépare peu après, laissant en plan des montagnes de morceaux. Certains titres firent même une apparition fugace, immortalisés sur l’album live, « Document And Eyewitness ». Je n’ai pas eu le courage de comparer les versions actuelles avec les versions d’époque, tant l’album « Document And Eyewitness » est considéré comme difficile (entendre inécoutable). Il faut dire qu’à l’époque le groupe grillait ses dernières cartouches et jetait dans l’arène tout ce qui lui restait.
Néanmoins ne vous affolez pas, il n’est pas question de bruitisme dans la version 2013. Le groupe s’est un peu assagi depuis. Wire a toujours été un groupe insaisissable. En débutant en 1976, ils ont été assez logiquement associés à la scène Punk. Ces étudiants en Art avaient choisi la musique comme média d’expression. Leur 1er Album « Pink Flag », dont le nom est un clin d’œil à leurs encombrants collègues de label, Pink Floyd, est un brûlot Punk sans concession. Les 21 morceaux sont aboyés en moins de 40 minutes (35′ 40 » exactement), dont certains ne dépassant pas la minute. La musique de Wire est vive, mélodique et épurée. La pochette de l’album montrant un drapeau rose flottant au vent est d’une beauté crue. Sur le deuxième album on note l’apparition de l’instrument maudit, le synthétiseur. Si les morceaux sont plus travaillés, c’est aussi l’utilisation de boucles et de sonorités dissonantes. C’est cet aspect qui va s’accentuer avec le 3ème album, très expérimental, et qui ne convient pas à Colin Newman de sensibilité plus Pop. L’échec commercial de l’album sonne le glas du groupe.
Entre 1980 et aujourd’hui, le groupe va se reformer plusieurs fois en essayant de concilier les exigences avant-gardistes de Graham Lewis et de Bruce Gilbert avec l’aspect plus mélodique que veut conserver Colin Newman. Le groupe avide de nouveautés va rapidement incorporer l’utilisation de l’électronique et faire un usage massif de boucles lancinantes. « Change Become Us » se situe donc dans cette continuité. Nous sommes loin de la froide beauté d’un « Pink Flag » mais quelques titres comme « Stealth Of A Stork » ou « Love Bends » vous rappelleront l’énergie passée. Le reste de l’album reste très mélodique avec l’omniprésence du synthé et des nappes de boucles électroniques. Cette utilisation du synthé pourrait d’ailleurs rappeler les Stranglers sur quelques morceaux pour citer un groupe proche de la même génération. De temps en temps un morceau déstabilise l’auditeur en rompant l’enchainement prévisible des morceaux. Je pense à « Re-Invent Your Second Wheel » un genre de Rock FM, complétement décalé qui risque d’en effrayer certains avant de se re-couler dans l’atmosphère logique du disque.
Ceux qui avait suivi l’évolution du groupe, ne seront pas surpris par ce nouvel album, proche dans l’esprit du précédent « Red Barked Tree ». L’impression générale est globalement excellente, et prouve que Wire a encore des choses à dire. Si « Change Become Us » ne rivalise pas avec les 3 premiers album (l’époque n’est plus la même), celui ci s’inscrit quand même dans le lot de tête. Enfin pour ne rien gâcher, la pochette qui représente un couloir rouge de la bibliothèque ultra moderne de Seattle est encore une fois de toute beauté.