Supplément d’ivresse pour Musiq’Alambic

Après une seconde édition en mars dernier qui, même si elle fut injustement boudée par le public, nous aura filé des palpitions de bonheur, l’association Musiq’Alambic remet courageusement le couvert pour un savoureux bonus. Quatre groupes seront présents le vendredi 24 mai, au Mondo Bizarro et la programmation affole à nouveau tous nos radars. Les vertigineux Chausse-Trappe, les furieux Jean Louis, les barrés de la caisse Sieur et Dame et les intriguants Seilman Bellinsky (avec le batteur de Papier Tigre) défileront donc pour une soirée qui promet d’être belle et déraisonnable à souhait.

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Avec deux éditions seulement à son actif, l’association Musiq’Alambic a déjà largement démontré son flair en matière de grands frissons musicaux et autres dingueries sonores célestes. Le menu de cette soirée du vendredi 24 mai, dans le sanctuaire punk du Mondo Bizarro a tout pour en être une preuve supplémentaire. Les quatre formations programmées ont en effet toutes un potentiel de satisfaction auditive de qualité supérieure.

On commence par les deux noms qui nous ont fait faire de déraisonnables cabrioles de joie lors de leur annonce. D’abord le trio Parisiano-Bruxello-Romain Jean-Louis qui nous avait mis dans tous nos états lors de sa prestation de mars 2012 au Jardin Moderne. Leur free-jazz précis, puissant et cinématographique nous avait tout simplement fasciné. Avec leurs longs morceaux, laissant la part belle à l’impro, les gars savent prendre le temps de creuser les ambiances et de débouler là où on ne les attend pas. Leurs rythmiques portées par le duo batterie/contrebasse électrifiée sont particulièrement impressionnantes, explorant sans vergogne un funk étrange ou des accents metal orageux à la Zu. On ajoute à ça une trompette déchainée et dissonante et on obtient un pur bonheur de scène. Immanquable tout simplement.

Tout aussi inratable, mais dans un style totalement différent, le quatuor Chausse-Trappe devrait faire trembler les murs du Mondo et vous avec. Nous les avions découvert en clôture du passionnant festival Zang Toumb en avril 2011 où le quatuor nous avait fait forte impression. Ils ont ensuite sorti un premier LP sur l’excellent label nantais Kythibong, 420m3 – 37′14, exposant leurs morceaux au carrefour entre post-punk, kraut-rock, noise et math-rock. Ils nous avaient ensuite remis une sévère pâtée lors d’une mémorable soirée de la dernière édition du formidable festival Electroni[k].
Le groupe travaille sur la tessiture du son, et essaie d’arriver à une sorte d’homogénéité par la répétition. Un violoniste à l’impeccable mèche blonde, un batteur qui assure avec talent derrière les fûts, un guitariste et un bassiste cherchent ensemble à créer une sorte de son continu qui se développe progressivement. On se laisse rapidement prendre par ce long développement hypnotique. Le violon passe  lui aussi par des pédales d’effets et emplit l’espace de fréquences différentes. La musique de Chausse-Trappe révèle l’épaisseur du son, mais sans abandonner pour autant un développement des compositions proches de la noise et du post-rock qui rendent ces morceaux, pourtant complexes et expérimentaux, facilement accessibles à ses auditeurs. On a donc hâte de les retrouver à nouveau en concert pour une savante et délicieuse dérouillée.

Ces deux-là suffiraient donc amplement à nous faire déplacer sans y réfléchir deux fois, mais le plus beau, c’est que les deux autres sont tout aussi excitants.

Si l’on en croit la légende, le duo Sieur et Dame s’est rencontré en donnant du pain aux chèvres dans le parc floral de Nantes… Pas vraiment courant sur une bio d’artiste, cette entrée en matière. Pourtant, l’un des aspects essentiels de Sieur et Dame, entendez le burlesque, y est par là même déjà mis en avant. Tout en même temps déjanté et mélodiquement addictif, le duo nantais Sieur et Dame allie en effet pop foutraque et dérangée à un chant lyrique sur des paroles tout autant perturbées. Après une première écoute qui nous a laissés d’abord perplexes, on s’est laissé totalement gagner par les mélodies obsédantes de leur second album, Perversion discrète (le duo composé de Claire Grupallo et Etienne Anclin avait déjà sorti un premier opus Terrorifié auparavant). Sorti sur l’éclectique label Kythibong, le disque mêle en même temps la narration des aventures sexuelles de King Kong à un Eroto manuel improbable, des instrumentations baroques à des guitares plus rock, des voix contrefaites à du chant lyrique. C’est la même chose en live où les deux compères, l’une guindée, l’autre baragouinant, détonnent et débloquent, et finissent par vous filer le tournis en vous happant insidieusement dans leurs univers. Barré, mais excellent.

Enfin, si on connait moins bien les nantais de Seilman Bellinsky, on n’en est pas moins impatient de les découvrir. Né du duo Jonathan Seilman / Rémy Bellin (respectivement de This Melodramatic Sauna et Goudron), le projet a depuis été rejoint par Pierre-Antoine Parois, l’excellent batteur de Papier Tigre. Un seul long titre est actuellement écoutable sur leur bandcamp mais leur rock instrumental, ténébreux et lancinant promet de fort belles choses.

Une soirée qui ne manque donc pas d’atouts pour vous mettre les oreilles sans dessus-dessous. Vous avez déjà été au festival Musiq’Alambic et vous ne manquerez donc cette savoureuse tournée de rab’ pour rien au monde. Vous n’y êtes pas encore allés et ce serait vraiment dommage de refaire à nouveau cette erreur monumentale.

Vendredi 24 mai-Bar Le Mondo Bizarro, 264 Avenue Général Georges Patton, Rennes)-19h30-8€

(Merci bien à Isa pour le coup de main et les divers emprunt de cette annonce.)

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