Je vais vous avouer un petit secret qui devra rester entre nous. Lorsque j’ai besoin de décompresser, je ris un bon coup. Cela n’a rien d’original, j’en conviens. Ce qui l’est peut-être plus c’est le support de mon hilarité, un magasin pseudo économique du nom de Capital. Mon dieu, quelle poilade, c’est autre chose que Marx.
Le numéro de ce mois-ci, 213 juin 2009, atteint des sommets. Dans la merveilleuse rubrique « Les petits secrets du patron de.. », Arnaud Bouillin dresse le tendre portrait de Michel Rollier, barreur du navire Michelin (n’oublions pas que ces grands patrons sont surnommés « capitaines d’industrie ») Je ne peux m’empêcher de reprendre ces quelques lignes : « Michel Rollier ne touche aucun salaire fixe : sa rémunération annuelle est indexée à 100% sur les bénéfices de l’entreprise. En 2008, crise oblige, elle a fondu de moitié, à moins de 2,5 millions d’euros. Ce mode de gouvernance le prive aussi de stock-options et de golden parachute. Autres effets, moins connus : le « Bib » en chef n’a pas de mutuelle maison, pas de retraite – il cotise lui-même au régime des indépendants – et ne bénéficie d’aucun avantage en nature, comme une voiture de fonction avec chauffeur. Il conduit donc lui-même sa BMW personnelle. »
Je suis à la limite de l’apoplexie. Charlie & Siné peuvent se rhabiller. Quel humour ! Une telle finesse est digne du grand Vialatte. Je regrette seulement qu’Arnaud ne se soit pas lâché et n’ait pas appelé à un grand mouvement de solidarité, un « Rollierthon ».
« Toi, pauvre chômeur, nanti, parasite social qui mène la France à sa perte, sois digne de ta condition humaine et aide Michel Rollier à payer sa mutuelle car lui n’a pas le privilège de la C.M.U. »
Je vous laisse, les larmes aux yeux, et vous invite à vous procurer ce numéro anthologique, vous y apprendrez notamment à « Résister à une séquestration »
Silie
aller je lache 3 mois gratuits a tout les pauvres patron
Non, il n’est pas « pauvre », c’est sûr… Et alors ? Etes-vous sûr que vous aimeriez être à sa place ? Ce n’est pas une vie, de diriger une boîte de cette taille-là : des semaines de plus de 70 heures, des déplacements tout le temps, un stress de tous les jours, la pression permanente des marchés financiers (qui a malheureusement beaucoup augmenté au cours de la dernière décennie), etc. Des gens qui seraient capables de supporter cette pression, et de prendre chaque jours les bonnes décisions, sur des problèmes très complexes dont les enjeux sont immenses, vous en connaissez beaucoup, vous ? Moi pas.
OK, il a gagné 2,5 millions d’Euros en 2008. Mais la-dessus, il paye 40% d’impôt sur le revenu et ne dispose donc plus que d’1,5 millions. D’accord, ça reste 100 fois plus qu’un smicard, mais Federer a bien gagné 43,5 millions de dollars la même année, et ça ne choque personne.
Prenons l’exemple de « Robert », qui bosse à la chaine, chez Michelin:
Non, il n’est pas « riche» , c’est sûr… Et alors ? Etes-vous sûr que vous aimeriez être à sa place ? Ce n’est pas une vie, de se faire diriger dans une boîte de cette taille-là : des semaines en horaires décalés (3×8 + w-e), ne jamais bouger de son poste, un stress de tous les jours, la pression permanente des contremaitres (qui a malheureusement beaucoup augmenté au cours de la dernière décennie), etc. Des gens qui seraient capables de supporter cette pression, et de bien travailler chaque jour, sur des machines très complexes dont les enjeux sont immenses, vous en connaissez beaucoup, vous ? Moi plein. (C’est pour ça qu’on ne leur donne que le smic)
OK, il a gagné 12000 d’Euros en 2008. Mais là-dessus, il paye 10% d’impôt sur le revenu et dispose donc toujours de 11000. D’accord, ça reste 208 fois moins que son patron, mais Federer a bien gagné 43,5 millions de dollars la même année, et ça ne choque personne. (Certes, mais Federer n’a jamais viré personne, et quand Federer ne gagne pas, il ne gagne rien…)
Cher GG, j’aime beaucoup la forme de votre réponse ! Tout ce que vous dites est vrai, et j’ai bien conscience de la pénibilité du travail en usine. Il est même possible que Michel Rollier ne supporterait pas ce genre de travail ! Mais il me semble que vous donnez vous-même l’explication à la différence de salaire : des gens comme Robert, il y en a plein, alors que si il était aussi facile de trouver des patrons compétents, ça se saurait ! Un salaire important ne reflète pas la pénibilité de votre travail, mais simplement le fait que vous possédez des compétences exceptionnelles. Comme Federer.
« Federer n’a jamais viré personne » : normal : lui n’a pas pris la responsabilité de 120 000 personnes ! Que feriez-vous, si vos marchés mondiaux s’effondraient subitement de 30%, dans un contexte où déjà les asiatiques vous taillent des croupières depuis de nombreuses années en étant beaucoup moins cher que vous ? Si vous n’arrivez plus à vendre de pneus, vous feriez tourner vos usines à vide, juste pour continuer à payer vos ouvriers ? Malheureusement, vous seriez très rapidement mis en faillite, et ce n’est pas 1000, mais 120 000 personnes qui se retrouveraient sur le carreau.
« quand Federer ne gagne pas, il ne gagne rien » : je vous invite à relire l’article ! La rémunération de Michel Rollier est indexée à 100% sur les bénéfices de l’entreprise. Ce qui veut dire que quand Michelin va mal, son patron touche… 0€ (c’est déjà arrivé au début des années 1990, quand Michelin faisait de lourdes pertes). Autrement dit, quand Rollier ne gagne pas, il ne gagne rien. Comme Federer.
Cher Bonhommion, je suis ravi que la forme de ma réponse vous plaise (je dois avouer que j’ai tout pompé sur vous!).
Je me permets tout de même de soulever 2 ou 3 détails qui me chiffonnent dans votre argumentaire:
Compétences exceptionnelles = salaire exceptionnel, c’est faux. Einstein n’a jamais gagné l’équivalent de 2,5 M€. Idem pour Van Gogh. Par contre, Britney Spears et l’inventeur du Red Bull, eux, oui… Allez comprendre (bon, pas la peine de m’expliquer les lois de l’offre et la demande, je sais déjà que vous auriez raison).
Personnellement, les différences de salaire ne me dérangent absolument pas, du moment que chacun puisse vivre décemment de son travail. Donc Federer gagne ce qu’il veut ou ce qu’il peut. Il pourrait gagner plus, grand bien lui en ferait.
La GROSSE différence entre Federer et le pdg de Michelin, c’est que quand ce dernier ne touche rien parce que la boite ne fait pas de bénef’, il vire ce qu’il faut d’employés pour qu’elle en refasse du bénef’. Et il retouche mécaniquement sa paye.
C’est pas très joli de se faire du fric sur le chômage des autres, non?
Bon, et puis entre nous, on sait très bien qu’un pdg, il arque pas 70h par semaine. Il a une équipe qui s’en charge, comme les ministres. Alors peut-être que Rollier est moins gâté que les autres grands patrons. Ca fait pas de lui un saint, loin s’en faut.
Certes ! Cela dit, je ne pense pas qu’il licencie des gens en pensant seulement à sa propre rémunération. Vous semblez le voir comme quelqu’un de vraiment immoral ! Encore une fois (et sans me prononcer sur l’opportunité des licenciements actuels) il est normal pour une entreprise d’ajuster ses effectifs quand son carnet de commandes diminue, même si ça se traduit malheureusement par des difficultés sérieuses pour les familles touchées. Après, c’est à l’assurance chômage de jouer son rôle et à la société française de re-proposer du travail à ces personnes. Là, je suis d’accord qu’il y a des problèmes en France… Mais ce n’est pas la faute de Michelin ! Si les consommateurs (c’est-à-dire vous et moi) n’achètent plus de pneus (ou plus de pneus Michelin), je vois mal comment ça pourrait ne pas se traduire tôt ou tard par une réduction de leur production et donc de leurs effectifs.
Pour votre information, voici un lien vers une page de leur site internet où ils présentent l’évolution de leurs marchés ces derniers mois : c’est édifiant !
http://www.michelin.com/corporate/front/templates/affich.jsp?codeRubrique=20050407111310&lang=FR