L’Ubu nous a offert une soirée à l’éclectisme musical inspiré, avec en point d’orgue la prestation envoûtante de Chairlift, et l’énergie dansante de The Popopopops.
Quand on arrive à L’Ubu, le set d’Off Love vient tout juste de débuter devant un parterre clairsemé de spectateurs assis. Bon, pour être honnête, on ne s’attendait pas vraiment à ça : une toile de lin blanc tendue pour seul décor, une tablette avec un laptop, et un gars avec une casquette vissée sur la tête et un tee-shirt jaune fluo. Mais ce qui marque avant tout, c’est le foulard imprimé de motifs représentant le yin et le yang qui masque intégralement le visage. Sur des boucles d’une électro tout en douceur, il chante quelques phrases avec une reverb’ relativement mesurée, et plutôt agréable.
Mais surtout il bouge avec des mouvements stéréotypés, comme un (très) mauvais danseur de r’n’b. Ca dénote un peu avec l’exigence sonore qui est la sienne : on avait écouté quelques titres du sieur, à mi-chemin entre électro veloutée et ambient teinté de hip-hop, et on a retrouvé avec plaisir la qualité musicale entrevue sur ces enregistrements.
Les deux premiers titres sont bien rythmés, et le reste du set se fait plus sombre et lent, à base de touches de piano et de basses profondes (Close To You). Dommage que le jeu de scène un peu cheap nous laisse sur cette impression que le gus se fait plaisir tout seul. Il quitte même la scène en fermant son ordi, sans même attendre les applaudissements : c’est probablement volontaire mais ça confère à ce set un petit goût d’inachevé.
Le temps d’enlever la toile de lin, et le duo new-yorkais Chairlift fait son apparition. Après un premier album, Does You Inspire You, qui nous avait laissé sur une bonne impression, le trio originel était devenu duo : leur deuxième album, Something, est sorti il y a quelques semaines, et a fait l’unanimité auprès de la presse musicale spécialisée. Mais il nous a fallu plusieurs écoutes avant de l’apprécier : les guitares y sont plus discrètes, et les nappes de synthé beaucoup plus présentes. Un vernis eighties très tendance qui ne nous a pas complètement emballé. On attendait donc beaucoup de ce concert, afin de savoir si le duo allait définitivement nous convaincre.
En fait de duo, c’est un quintet qui débarque : il y a bien entendu Patrick Wimberly à la basse et Caroline Polachek au chant, mais cette dernière a délaissé son synthé. Le duo est accompagné d’une claviériste toute frêle, d’un guitariste et d’un batteur, et tout ce petit monde part bille en tête sur le rythmé Sidewalk Safari qui ouvre leur dernier album. Au centre de la scène, Caroline nous gratifie de gracieux pas de danse, s’accompagne de castagnètes et nous balance un cri parfaitement maîtrisé. Ce titre n’étant pas le plus représentatif de l’album, on les attend sur les morceaux eighties, et le duo va tout de suite nous confirmer ce qu’on espérait : les deux titres suivants, qui sonnent vraiment 80’s, prennent une dimension nouvelle sur scène.
Sur Take It Out On Me, la ligne de basse est beaucoup plus présente, avec un pont parfaitement maitrisé par Patrick, littéralement plié sur son instrument. Wrong Opinion commence avec une petite rythmique funky inédite, qui traduit tout le travail de réorchestration pour les besoins de la scène. Sur ce titre, les choeurs aériens sont magnifiques, symbole de l’importance du rôle de la voix dans leurs compositions.
Caroline survole l’ensemble de ce concert par sa présence. Accompagnée de plusieurs petites percussions, elle danse sur l’ensemble des titres, et on se dit qu’elle a bien fait de lâcher son clavier sur scène pour nous faire profiter de sa présence lumineuse. Mais il y a avant tout sa voix. Tantôt swing (Tell Me), tantôt vaporeuse (Cool As A Fire), elle fait preuve d’une impressionnante maitrise vocale, avec une amplitude et une maitrise sidérantes.
Et les titres du dernier album s’enchainent avec bonheur, entre pop dansante (Met Before et son refrain repris en choeur par le public) et post-new wave sombre au tempo plus lent (Frigid Spring, Guilty As Charged). Le set reprend deux titres du premier opus, le funky Planet Health et le tubesque Bruises en toute fin de concert, sans perdre en cohérence. Le groupe nous offre trois titres lors d’un rappel très intelligent, qui débute par le très lent Cool As Fire pour finir en feu d’artifice avec Amanaemonesia. On est définitivement conquis !
A la fin du concert, le public reste présent, attendant de revoir sur scène The Popopopops, ce quatuor rennais qui avait séduit lors des Transmusicales il y a quelques années. Ce groupe avant tout scénique semble amorcer un nouveau virage, avec la sortie d’un EP au printemps prochain et la préparation d’un premier album à la fin de l’année. De nouveaux titres donc, et l’ATM leur a offert une jolie occasion de les rôder quelques jours auparavant lors d’une résidence à l’Ubu.
Victor, Guillaume, Vincent et Simon attaquent ce tout nouveau set par Gunshots. Une batterie discoïde qui n’est pas sans rappeler tout une floppée de groupes surfant sur la vague dance-rock, ça n’augure rien de bon… Mais alors qu’on s’y attend le moins, la rythmique change et le morceau prend une nouvelle direction. Alors certes ce jeune groupe a des influences musicales marquées, et ça se sent clairement par moment (le petit riff de guitare à la Foals de Vincent sur Color). Mais là où bon nombre de groupes se contentent de copier (en plus fade) leurs modèles, le quatuor rennais tente d’audacieux mélanges. Comme Gesundheit, à la coloration post-new wave, sur lequel Guillaume commence à la batterie électronique pour finir sur un jeu de batterie classique.
Forcément à ce petit jeu là, tout n’est pas réussi et certains titres sont un peu brouillon, mais ils possèdent déjà un répertoire varié, avec des compositions fouillées. Certains titres ont notamment retenu notre attention, comme Signs et sa rythmique tribale, ou encore Text Me et le chant proche du rap du bassiste Simon. La transposition scénique de ces titres est intelligente, avec des ruptures qui leur permettent de reprendre plus énergiquement les morceaux. Et de l’énergie, ils en ont à revendre ! Avec ce tout nouveau set, ils confirment largement leur potentiel et leur aisance scéniques.
Les jeunes musiciens sont visiblement ravis d’être là, et font participer le public, qui ne se fait pas prier pour taper dans ses mains (sur Circle, le chanteur-claviériste Victor tape dans les mains du public, peu de temps après s’être offert son premier slam sur Signs). Pour une première, The Popopopops nous ont offert un set efficace, qui va forcément se bonifier dans les semaines qui viennent : avec, pour commencer, un concert à Pacé (Pacé Moi Le Son) ce samedi 10 mars (19h30-01h). Et quelques jolies dates dans les semaines qui viennent. A suivre…
Photos : Solène