Rock et littérature, même combat. (Pour se mettre à la page, voir l‘article consacré au concours de nouvelles et photos « Rock »).
D’après la légende, si le géniteur de Proust n’avait pas été blessé pendant la Commune, le petit Marcel, surnommé « mon petit benêt » par sa chère mère, aurait connu un tout autre destin. Il serait devenu rocker symphonique, comme Wagner, peut être même un de ces punks romantiques à la Chopin.
Alors on a imaginé à quoi aurait ressemblé le fameux « questionnaire de Proust », si ce dernier avait été une rockstar. Vous savez, cette liste de questions sensée révéler votre vraie personnalité, vos goûts et vos aspirations… Nos victimes sont deux groupes qui passent aux Bars en Trans, cinq filles et cinq mecs qui vont troquer leur micro contre leur plume. L’intérêt ? Confronter les deux univers et réveiller le poète maudit qui sommeille en eux.
April Shower vs/ The Elekrocution
The Elektrocution, cinq Rouennais. Ils aiment le rock’n’roll version beauf : les moustaches, les bières, les grosses cylindrées et les grosses flammes aussi. Born to be Wild comme on dit. Ça commence à faire un petit bout de temps que le compteur tourne, ils sont devenus en quelque sorte les papis du rock… Ils ont déjà écumé pas mal de bars, avec leur expérience on espère bien qu’ils vont allumer le feu version Johnny aux Bars en Trans.
Bar Hic, jeudi 9 décembre, 20h, 5 euros.
April Shower, cinq Bordelaises. Depuis les Spice Girls, c’est devenu difficile d’être un girls band sans tomber dans le cliché. C’est vrai que c’est « aérien et acidulé », loin des grosses motos et des gros boulons, ce qui ne les empêche pas de gagner le concours Rock Mods 2010 organisé par les Inrocks. Elles ont déjà fait leurs premières armes et on a confiance : à elles de nous prouver que c’est pas que de la musique de filles.
Dejazey, vendredi 10 décembre, 20h, 5 euros.
1- On commence tout doucement : le groupe, résumé en un mot. Un seul !
April Shower : Strapontin.
Elektrocution : Enfer.
2 – La plus grande qualité de votre région d’origine ?
A.S : Le vin.
E : La pluie.
3 – Pour devenir légendaire un jour, il faut avoir des défauts. En ce qui vous concerne ?
A.S : La forte dose le vin peut aussi devenir un défaut.
E : On est d’authentiques connards.
4 – Parfois, dans le fabuleux monde de la musique, il y a des jours sans. Pour certains, aussi, c’est tout le temps. Mais vous, le plus gros raté un jour de concert ?
A.S : Nous sommes un véritable casse tête pour les sonorisateurs avec nos mille instruments… Donc la galère c’est avant chaque concert.
E : Maxime (chant) qui hyper-ventile, s’évanouit dans la batterie, déclenche la fureur du batteur qui est prêt à tuer tout le monde, public compris. Ou alors ce type qui essaye de nous cracher dessus à Paris en disant « c’est trop fort ». Ou notre bassiste qui assomme un type -en sautant dessus de la scène avec sa basse- qui tapait une fille. Ou alors… y’a tellement le choix.
5 – Le plus grand malheur d’un musicien ?
A.S : Voir son son instrument coincé entre deux portes de métro. Phrase à méditer.
E : Vouloir être pris au sérieux.
6 – Le groupe que vous souhaiteriez être (à part le votre, j’entends).
A.S : C’est vraiment trop compliqué cette question.
E : Le backing-band de Steven Seagal.
7 – Le pays où vous rêveriez donner un concert. Il est possible de choisir un lieu mythologique, comme la Yougoslavie sous Tito ou le pays de Candy.
A.S : Sur la lune en tenue de cosmonaute .
E : Chez Bob l’Eponge.
8 – La musique est une allégorie de la littérature, bien sûr. Des auteurs favoris ?
A.S : Anais Nin, Boris Vian, Elsa Morante, Dai Sijie, Françoise Sagan, Colette… liste bien trop longue.
E : Cioran, Mishima, Vialatte, Nabokov, Artaud.
9 – Et les poètes ? Rimbaud et Baudelaire m’ont signalé qu’ils en ont marre d’apparaître sous ces lignes.
A.S : Leonard Cohen, Leopold Sedar Senghor, Léo Ferré, Barbara, Serge Gainsbourg… sans oublier Raymond Domenech.
E : Bashô. Homère aussi. Mon oncle bourré. Il fait des sonnets sur les pets assez gênants, c’est chouette.
10 – Tout bon groupe de rock a des racines classiques (…) : des compositeurs favoris ?
A.S : Jean Sébastien Bach pour sa profondeur et Litz pour sa légèreté.
E : Rachmaninov, c’est tellement russe, fougueux, emporté, touffu. Ligeti, parce que par moments on croirait My Bloody Valentine. Bach évidemment, les suites pour violoncelle. Chopin, Dvorak, Satie. Oh et puis bien sûr Yngwie Malmsteen LOOOOOOOOOOL XPTDR.
11 – Back to the 60’s, un peu de manichéisme musical : plutôt mods ou rockers ?
A.S : Mods Baby !
E : Plutôt les touristes amusés qui les voient se friter par centaines sur la plage de Brighton.
12 – Vieillir jeune, mourir jeune : Fidel Castro ou Che Guevara ?
A.S : Fidel Guevara, mon camarade !
E : Oh putain… on est déjà trop vieux pour mourir jeunes, alors… à nous la rhétorique et le népotisme.
13- Si vous aviez des super-pouvoirs, quel super-héros à collants seriez vous?
A.S : Les Pussycat Dolls !
E : La Lanterne Verte, parce qu’il craint vraiment et que tout le monde s’en branle. Comme nous.
14 – La musique est une allégorie de la politique, évidemment : si vous étiez un illustre homme d’Etat, quel smoking (ou jogging) enfiler ?
A.S : Notre président Grolandais Salengro! Nous sommes toutes très attachées à nos racines.
E : Niyazov « Turkmen-Bashi », l’inventeur de la roue, du feu, de l’écriture… dans les années 90.
15 – Le musicien que vous méprisez le plus ? Allez, il y en a bien un ou deux qui mériteraient d’être punis à coups de Phil Collins ?
A.S : Christophe Mae. Et tous les mecs qui chantent ses chansons pour draguer l’été sur la plage. Eux, ils méritent d’être punis à coups de Patrick Sébastien.
E : L’enfoiré de jus de chiotte de gériatrie qui a pondu le générique des Chiffres et des Lettres. Quand j’entends ça, j’ai envie d’envahir la Pologne.
16 – Je ne vous referai pas le coup de l’allégorie. Bon, ceci étant dit, si le groupe était une peinture, ou plus généralement un peintre, lequel ?
A.S : Une peinture de Gustav Klimt, Danaë, profondément ronde et féminine.
E : Un dripping de Pollock… mais avec de la merde.
17 – Le groupe disparaîtra sûrement un jour, « excepté dans nos cœurs ». Comment aimeriez-vous voir le groupe éclater ?
A.S : Notre groupe éclatera le 21 décembre 2012 lors de notre concert d’adieu à l’heure de la fin du monde.
E : Littéralement, comme ça. Dans une grande gerbe de flammes verdâtres. Ça va être chouette. Nos restes seront transportés dans des crânes de singe par des Pélicans en salopette, et un chœur de marins grecs viendra chanter notre épitaphe sur l’air de « All the young dudes » pour faire diversion. Mais attention, la version de Mott The Hoople, pas celle de Bowie.
18 – Dalida a dit un jour qu’elle voudrait mourir sur scène, et vous?
A.S : « Paroles et paroles et paroles ».
E : Oui voilà, comme ça. Les flammes, tout ça.
19 – Vous faisiez quoi, avant de vous attaquer à ce questionnaire stupide ?
A.S : Ayla : J’admirais la neige par ma fenêtre.
Lucie : Je re-regardais « Brazil » de Terry Gilliam.
E : Je changeais une voiture du côté de la rue. On est le 1er. Mais j’ai pas le permis.
20 – Une devise rock, pour finir ?
A.S : “Red wine & Chocolate”
E : « Allez tous vous faire enculer ».
Résultats : les filles d’April Shower révèlent un penchant prononcé pour l’alcool, collant parfaitement au désir autodestructeur d’un poète maudit classique. De leur coté, les garçons de The Elektrocution préfèrent répondre par l’absurde et la provocation, et c’est tant mieux. Les références sont solides et révèlent tout de même certains traits de la personnalité des deux groupes : de la légèreté et de la volupté pour les April Shower, de l’humour et de l’agressivité pour The Elektrocution.
Muriel et Josep.
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