Gablé était à l’Antipode samedi pour une carte blanche qui restera dans les mémoires de tous les chanceux (ou prévoyants) qui avaient acheté leur place à l’avance. C’est en effet un Antipode ravi et plein comme un œuf qui a vu défiler Gablé donc, mais aussi Pneu, Marvin, Cheveu, Le Singe Blanc et Grégaldur ce samedi 25 mars (retrouvez le compte-rendu de la soirée ici). L’après-midi, nous avions, pour notre part, rendez-vous avec le trio déjanté et inventif de Gablé pour une interview autour de cette carte blanche, bien sûr mais aussi à propos de la sortie de leur dernier album, A cute horse cut, qui s’impose déjà, après quelques écoutes, comme un très bon cru.
On retrouve donc les Gablé dans une petite salle de l’Antipode. Cheveu fait sa balance juste à côté. On s’enfonce dans de gros fauteuils en cuir et on commence par parler déco, entendez tambour de machine à laver pour lustre ou hublot latéral pour saladier. Notre grenouille-tuteur-élastique à fil et notre chevelure d’enregistreur sont totalement raccord avec le moment et ce groupe gentiment foutraque. On lance les micros.
Alter1fo : Pour les gens qui ne vous connaissent pas, comment peut-on présenter Gablé ?
Mathieu de Gablé : On est trois. Il y a Thomas qui fait de la batterie, du chant et de la guitare. Gaëlle fait du synthé, du chant, des cloches, du xylophone, du sampler et du poste-cassette. Et moi, Mathieu. Je fais de la guitare et du chant.
Qui est-ce qui fait de l’aspirateur, alors ?
Mathieu : Il n’y en a plus, d’aspirateur, en fait. Maintenant, c’est le poste-cassette qui fait l’aspirateur.
Votre nouvel album vient juste de sortir. Quelles étaient vos envies avec ce nouveau disque ?
Mathieu : C’était de continuer à avancer. Je crois qu’on n’a pas trop réfléchi à la manière de le faire. On a juste fait attention de ne pas être de nouveau au même rythme que l’album précédent. Le disque d’avant est plus bricolé. Celui-là, j’ai l’impression qu’il est plus… tranché.
Effectivement. On dirait que c’est une volonté, de ne pas refaire la même chose, de changer les instruments, de prendre à chaque fois d’autres options…
Mathieu : C’est plus excitant de faire différemment le plus possible, pour qu’il n’y ait pas de rengaine.
Vous composez à trois. En général, dans ce que j’ai lu, c’est Mathieu qui commence puis Gaëlle enchaîne et Thomas finit. Vous avez gardé le même processus pour cet album ?
Gaëlle de Gablé : Ce n’est pas toujours dans cet ordre-là… (Rires)
Thomas de Gablé : Ce qui est permanent, c’est que Mathieu fait un énorme travail en amont. Nous, on vient apporter des choses en aval, une énorme quantité de travail en aval (Rires).
Est-ce que vous avez de nouveau enregistré à la maison ?
Mathieu : Oui
Comment ça se passe dans ces cas-là ? Vous vous donnez une période donnée et vous enregistrez ? Les chansons sont déjà composées ou bien est-ce plutôt un work in progress ?
Mathieu : Les chansons ne sont pas prêtes. Le disque, cette fois-ci, on l’a enregistré beaucoup entre les concerts. C’était un petit peu plus compliqué, donc, d’arriver à se rendre disponible en revenant d’un concert pour se préparer à enregistrer. On a fait toute la partie enregistrement, un peu à l’arrache, quand on avait le temps. On a vraiment calé du temps pour le mixage. Le mixage, on l’a fait chez Olivier qui est là [Olivier est assis sur une chaise derrière nous et écoute l’interview]. C’est lui qui nous aide pour travailler la texture du son.
Comment choisissez-vous les instruments que vous utilisez ? Sur le nouvel album, il y a une jolie sonate à l’aspirateur. C’est pour le son ou plutôt pour le décalage que ça produit en live ?
Gaëlle : C’est surtout pour le son…
Thomas : Oui. Aucun de nous n’est vraiment instrumentiste confirmé. Avec un instrument, on peut avoir pas mal de frustrations. On est vite limité. Du coup, l’idée de se rabattre sur des trucs qu’on peut faire sonner très facilement, sans se planter, ça aide. Les conditions de conception des albums font qu’on va tomber plus facilement sur un aspirateur, une bouilloire, une porte de micro-ondes que dans d’autres circonstances…
Mathieu : Le fait d’enregistrer à la maison apporte une richesse qu’il n’ y a pas dans un studio.
Si vous enregistriez dans une décharge, par exemple, ce serait encore d’autres instruments qu’on entendrait…
Mathieu : Ce serait une autre couleur.
Il y a peut-être une idée, comme ça, de changer de lieu d’enregistrement. Ça pourrait peut-être vous amener sur d’autres territoires.
Mathieu : Justement, on y pense…
Un des morceaux, The Stone & the Wolf, sur le nouvel album parle justement d’instruments et de musiciens assassinés. Vous nous expliquez?
Mathieu : Je ne peux pas expliquer le texte. Je peux juste dire qu’on trouvait ça drôle, comme dans l’histoire de Pierre & le Loup, où chaque instrument raconte une histoire. Là, en l’occurrence, l’instrument colle au texte. Je crois qu’il n’y avait pas plus d’idées que ça.
Comment écrivez-vous les paroles, justement ?
Mathieu : Thomas compose beaucoup. Je ne sais pas, peut-être, tu peux expliquer…
Thomas : Ce qui arrive, c’est qu’on s’assoit ensemble, on essaie de lancer des idées à droite, à gauche… Souvent on se retrouve à se dire qu’il faut du texte pour contre-balancer des parties trop instrumentales. C’est pour ça que des fois, on se retrouve avec un collage un peu absurde, surréaliste… Ça nous plait beaucoup. Ce n’est pas pour rien si on se met dans ces situations délicates.
Lorsqu’on vous écoute, on est surpris par le nombre d’idées que l’on trouve dans vos morceaux… Vous êtes moins sur « une idée, une chanson » que sur 15 idées par titres. Et en plus, ils sont courts ! Pourquoi ce choix ?
Mathieu : Je crois que ça rejoint ce qu’on disait tout à l’heure sur le fait qu’on n’est pas de bons instrumentistes. Il y a des gens plus doués que nous. Je n’ai pas envie de batailler. Ce n’est pas là-dedans qu’est notre force. Elle est plutôt dans le fait de rechercher… Notre force, une fois que l’idée a été développée (ça nous prend souvent peu de temps pour la développer), c’est d’essayer de trouver une deuxième idée, plutôt que de développer la première sur plus de fois… Je trouve ça moins intéressant de développer la même idée plusieurs fois.
C’est une question d’ennui ? Vous vous lassez ? Ou ça n’a rien à voir ?
Mathieu : C’est aussi une question d’enregistrement, comme on fait ça à l’ordinateur. Il y a des coupures en permanence. Je sais que j’adore le côté un peu « morceaux qui te mettent des claques » avec toujours, un espèce de répondant auquel tu ne t’attends pas… Un morceau sur la longueur, il se travaille différemment.
D’où vient l’artwork de ce nouveau disque ?
Mathieu : C’est un copain à nous qui s’appelle CharliLenoir qui est lyonnais. Il nous a proposé des dessins. Après, on s’est permis de les assembler pour donner ce résultat-là.
D’où vient le titre de l’album ?
Mathieu : Il vient d’une blague un peu foireuse, qui finalement traduite en anglais ne veut trop rien dire. Je voulais essayer de traduire une jolie coupe de chevaux. Ce n’était pas traduisible autrement que Cute horse cut qui finalement veut dire… Une jolie blessure de cheval ! (…)
On cite souvent Daniel Johnston quand on parle de votre musique. C’est une influence que vous revendiquez ?
Mathieu : C’est quelque chose que j’ai beaucoup écouté au début. Maintenant, je trouve que c’est loin, pour ce disque-là.
Ce qui me plait chez Daniel Johnston, ce sont ces morceaux faits avec rien et enregistrés à la maison. Ça fait partie des trucs qui m’ont beaucoup plu et ça ne me déplait pas quand on m’en parle.
Aujourd’hui, il y a d’autres influences que vous mettriez en avant ?
Mathieu : Je suis resté un peu bloqué aux années 80, 90… Mais à chaque fois qu’il y a un super concert d’un groupe qu’on découvre, j’ai tendance à voir ce qui m’intéresse dans ce concert-là. Je vois comment, égoïstement, je peux me l’approprier dans la musique.
Trois disques sans lesquels vous ne pourriez vivre ?
Mathieu : Mon disque dur (rires)
Gaëlle : Mon disque – aire
Thomas… reste sans voix.
Mathieu : j’aime beaucoup écouter du Sonic Youth. Je crois que je pourrais vivre sans eux. Mais je crois que j’aime beaucoup écouter « Sister » par exemple.
C’est de nouveau Loaf qui sort cet album. Comment s’est passée votre rencontre avec le label anglais ?
Mathieu : La rencontre s’est faite grâce à la sœur de Thomas qui leur a fait écouter un de nos disques qu’elle avait, ou qu’elle leur a offert, je ne sais plus. C’est comme ça qu’ils nous ont contactés. On trouvait que c’était assez cohérent de continuer à bosser avec eux car on était ensemble dans une optique de petite structure un peu familiale, avec des espèces d’idéaux de musique, dans lesquels on s’est retrouvé sur une bonne partie de notre collaboration.
L’Antipode vous a proposé un carte blanche. Comment ça s’est passé ?
Mathieu : Gaétan [NDLR : Gaétan Naël, Adjoint de direction programmation musiques actuelles de L’Antipode] nous a proposé la carte blanche et il nous a fait assez vite comprendre que c’était à nous de décider du maximum de choses. Et ça, c’était super appréciable. On a pu demander à nos copains éclairagistes de faire un boulot spécial ce soir, aux groupes, aux copains de venir… Il nous a proposé des menus. Il a fait en sorte, je crois, qu’on soit très bien… Ça aussi, c’est appréciable.
Pourquoi avoir proposé ces groupes-là ? Qu’est ce que vous appréciez chez eux à part que ce sont de bons copains avec qui vous rigolez bien, comme nous l’ont expliqué Marvin, Pneu ou Grégaldur ? Qu’est-ce que vous aviez envie de défendre et de montrer en les invitant eux ?
Gaëlle : Moi, je voulais voir Le Singe Blanc, parce qu’à chaque fois on les loupe ! (Rires) Et je me suis dit que si on les invitait là, cette fois, je pourrais les voir.
Mathieu : C’est un super moyen de profiter de concerts, d’inviter les groupes que tu aimes bien. Ça fait partie des premières motivations. En premier lieu, c’est une musique et des gens qu’on voulait voir. D’autre part, en plus de ça, ça va se faire dans la bonne humeur parce que ce sont des amis. Donc c’est super.
En tout cas, c’est d’ores et déjà complet. Le concept plait et pas mal, je crois, rêvaient d’une aussi belle affiche…
Mathieu (vraiment content) : Super !
Après cette carte blanche à l’Antipode, quels sont vos projets à venir ? Une grosse tournée ?
Mathieu : Il y a déjà la tournée, oui. Ça va déjà être une grosse partie de la suite. On a une vingtaine de dates, je crois… On va continuer à potasser notre nouveau disque sur la scène.
Avec les copains, encore quelques dates ?
Mathieu : On joue avec Pneu lundi. Je ne sais plus qui on croise, mais oui, je sais qu’on va voir quelques têtes connues et partager ça avec quelques amis.
Merci !!
Prise de son, grenouille-tuteur et photos interview : Caro
Photos live : Marco
A l’occasion de cette carte blanche,
retrouvez ici les interviews de Pneu, Marvin, Grégaldur et le compte-rendu de la soirée là.
Merci aux Gablé, à Virginie Pargny et à Amélia Michel de l’Antipode pour avoir rendu cette interview possible.